La Cour. Tous les cinq ans, vous vous pliez Ă l’exercice : votre unitĂ© est Ă©valuĂ©e par les experts — et nĂ©anmoins collègues — du HcĂ©res. Les règles du jeu ont rĂ©cemment changĂ© avec la publication de ce nouveau rĂ©fĂ©rentiel en novembre dernier et le changement de doctrine quant aux visites sur site. Son prĂ©sident, Thierry Coulhon, insiste :
« On doit constater d’emblĂ©e une chose : les nouveaux rĂ©fĂ©rentiels sont plus simples et plus clairs, celui des unitĂ©s de recherche passe de 26 pages auparavant Ă 7 pages aujourd’hui. »
Fronde quali. Que se passe-t-il donc en ce cas ? Ceux qui ont commencĂ© Ă remplir le dossier d’Ă©valuation s’en sont rendus compte, des changements ont eu lieu. Et ils amènent quelques craintes, comme en tĂ©moigne Christine Barralis (Sgen CFDT) :
« J’entends de la part des collègues y compris seniors, un mécontentement et une perte de sens que je n’avais pas entendu auparavant »
Excellent Excel. Le HcĂ©res demande en effet aux unitĂ©s de remplir des tableurs (voir un exemple vierge) avec des donnĂ©es (RH, production scientifique…) disponibles par ailleurs. Une tache chronophage qui mobilise inutilement les personnels de soutien, pointe Boris Gralak (SNCS FSU) :
« Les Ă©valuations demandĂ©es sont dĂ©routantes, les chercheurs doivent remplir un grand fichier Ă coup de copiĂ©-collĂ©s sur plusieurs centaines de lignes. (…) Nous avions l’habitude de dĂ©crire nos activitĂ©s de recherche en 30 Ă 50 pages auparavant, ce rapport n’est plus demandĂ© aujourd’hui. »
Peur du quanti. Le HcĂ©res, pourtant rĂ©cent signataire de la charte Dora succombe-t-il Ă la tentation du comptage bĂŞte et mĂ©chant, sur fond de « dĂ©rive bureaucratique » dĂ©noncĂ©e par l’Association des directions de laboratoire (ADL) dans cette pĂ©tition qui compte 750 signatures ? Le HcĂ©res s’en dĂ©fend.
Dialogue de sourd. InvitĂ© Ă exposer sa vision de l’Ă©valuation devant les syndicats le 18 janvier dernier, le prĂ©sident du HcĂ©res Thierry Coulhon n’a pas bougĂ© d’un iota sur cette stratĂ©gie, Ă Ă©couter ces derniers. Mais il le reconnait :
« Le fichier est compliqué, les chercheurs ont raison. Notre système d’information est antédiluvien mais heureusement il va évoluer : nous proposerons un module de dépôt en ligne amélioré qui permettra de prélever les données là où elles existent. J’espère que nous pourrons lancer cette rénovation pour la vague D. »
QuĂŞte de sens. Reste le soupçon de produire des Ă©valuations uniquement quanti. Ni le CV ni les conditions de la nomination du prĂ©sident du HcĂ©res (voir encadrĂ©) ne rassurent ceux qui s’y opposent. Un soupçon que Thierry Coulhon voudrait Ă©galement dissiper :
« Nous n’avons nulle intention de  mettre ces fichiers dans une machine qui ferait tourner un algorithme pour produire une note. La publication des premiers rapports de la vague C en 2024 calmera ces craintes, j’en suis certain. »
Un ĂŞtre vous manque. L’autre sujet sont les nouvelles modalitĂ©s de visite « en distanciel ». Elles exposent Ă plusieurs risques : celui de ne pas permettre une discussion scientifique de qualitĂ© avec les experts du HcĂ©res mais aussi empĂŞcher la dĂ©tection de cas problĂ©matiques, voire de lanceurs d’alerte, comme le craignent les syndicats.
A quoi bon ? Au-delĂ de ces doutes, il reste donc Ă crĂ©er et transmettre une « envie d’Ă©valuation », un processus que personne ne remet en cause. Mais aujourd’hui, comme l’ADL le dit crĂ»ment :
« Tout le monde sait que ces rapports ne servent Ă rien, ils ne sont jamais lus et ne servent qu’Ă montrer à Bercy que les chercheurs sont Ă©valuĂ©s. »
|