Le concours MT180 est-il le rĂ©vĂ©lateur d’une Ă©volution du doctorat ?
JF Ce n’est pas un rĂ©vĂ©lateur mais il s’inscrit dans un mouvement plus large et y participe : aujourd’hui, le doctorat n’est plus que la rĂ©alisation de travaux de thèse mais correspond aussi Ă une scolaritĂ© avec la formation et la validation de compĂ©tences. C’est dans ce cadre que les doctorants sont amenĂ©s Ă la communication, qui devient ici “promettante” [la promesse d’applications pourtant Ă©loignĂ©es de leurs travaux, NDLR]. Le tout est lĂ©gitimĂ© par les institutions qui soutiennent ce concours – qui aurait Ă©tĂ© dĂ©considĂ©rĂ© dans les annĂ©es 1990.
SLL D’un côté, on attend des jeunes docteurs qu’ils soient affutés, de plus en plus brillants, bref, meilleurs qu’il y a quinze ans. De l’autre côté, MT180 banalise le rapport à la recherche. Cet aspect contre-intuitif crée une mise en tension.
Le bénéfice revient-il plutôt aux doctorants ou aux institutions ?
SLL Au départ, on peut penser que ce sont les doctorants qui en bénéficient car ils sont sous les projecteurs, présentent leurs travaux et sortent de l’isolement. Mais certains candidats qui sont allés loin dans le concours témoignent avoir eu le sentiment après coup d’avoir été instrumentalisés à des fins d’images [l’étude des sociologues se déroule en pleine création des Comue, NDLR]. Donc finalement, ce sont plutôt les acteurs institutionnels qui en bénéficient en montrant leurs doctorants.
JF La plupart des doctorants sont satisfaits de la formation à la communication mais moins du rôle qu’on leur demande de jouer. Ils se rendent compte a posteriori qu’ils se sont pris au jeu et sont venus à une communication promettante.
Pousse-t-on les doctorants Ă un comportement contraire Ă l’Ă©thique ?
JF Oui. Pas le format en lui-mĂŞme – on demande juste au doctorant de faire de la vulgarisation – mais l’exacerbation de la compĂ©tition en est la cause. Et cela s’insère dans un contexte oĂą la compĂ©tition pour l’obtention des moyens afin de mener ses recherches, qui deviennent de plus en plus rares, incite Ă des comportements contraires Ă l’éthique. Les candidats arrivent en gĂ©nĂ©ral dans le concours sans cynisme mais rĂ©alisent que s’ils veulent gagner, ils doivent se dĂ©barrasser de certaines règles d’éthique.Â
SLL La compétition interindividuelle efface la coopération. En recherche, on ne peut pas travailler seul mais le format du concours pousse à se mettre en avant. Certains candidats mettent “nous” et “équipe” dans leur topo ou sur leur diapositive mais la tendance est plutôt de se montrer comme un chercheur brillant et solitaire.
Comment voyez-vous le futur du concours ?
SLL Certains prédisaient que le concours allait mourir au bout de deux ans mais, huit ans plus tard, il continue à être suivi. Les candidats mentionnent même leur participation dans leur CV, sur LinkedIn ou dans des articles scientifiques. Le concours MT180 a pris une place à part entière dans la gestion de carrière.
JF Le format “trois minutes” tend à se déployer : les présentations courtes deviennent un standard auquel il faut savoir répondre car il est jugé pertinent, notamment par les ressources humaines.
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