23 juillet 2021 | La recherche et sa pratiqueÂ
Du changement
dans l’air
Résumé de l’épisode précédent : souvent, les chercheurs autistes le découvrent parfois très tard et peuvent le cacher à leurs collègues – ou tenter de le faire – encore plus longtemps.
Pour autant, cela ne va pas sans risque : les burnout sont fréquents. Heureusement, les lignes pourraient bouger dans le bon sens : il reste à casser les clichés, reconnaître leurs besoins…
Ces revendications sont portĂ©es par quelques chercheurs autistes, soutenus par d’autres, non-autistes mais sensibilisĂ©s Ă la question. Mais comment faire nombre lorsque la plupart veulent rester anonymes ?
Le coming out – dĂ©clarer officiellement son autisme – semble ĂŞtre la seule voie possible pour une vĂ©ritable reprise en main de la question. Et c’est l’objet de ce numĂ©ro spĂ©cial.
A très vite,
Lucile de TMN
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Au sommaire de ce numéro
- Ces chercheurs autistes qui le revendiquent
- Bertrand Monthubert œuvre à une université « aspie-friendly »
- Des infos en passant
- Votre revue de presse express
- Et pour finir avec un jeu
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Six minutes de lecture neuroatypique
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Des chercheurs autistes qui s’organisent |
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HandicapĂ©s ou non ? Comment les chercheurs autistes cherchent Ă faire reconnaĂ®tre leurs diffĂ©rences, quitte Ă faire leur coming out… |
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Fini la solitude. CrĂ©er un collectif d’universitaires autistes ? C’est l’idĂ©e des chercheuses Julie Dachez et HĂ©lène Vial, avec pour but de « rĂ©pondre Ă l’isolement et au peu de soutien ». Il y a quelques mois, Julie Dachez l’annonce sur Twitter et au total une cinquantaine de chercheurs autistes rejoignent le groupe sur Discord. Nombre d’entre eux la connaissent pour ses livres.
Un refuge. L’idée est d’être entre soi – non diagnostiqué s’abstenir – parfois anonymement et de s’entraider. Et apparemment, ça marche : « On est tous très différents mais on sent qu’on a quelque chose en commun. Les échanges sont plus fluides et c’est vraiment utile », témoigne Victor*. Puis, naturellement, arrivent des revendications à porter au-delà de la communauté des chercheurs autistes.
Handicap ou pas ? Dilemme ! « L’autisme en soi n’est pas handicapant. C’est l’inadaptation de la sociĂ©tĂ© Ă notre façon d’ĂŞtre qui crĂ©e des situations de handicap », Ă©crivait Julie Dachez dans « Dans ta bulle ! ». On peut aisĂ©ment comprendre pourquoi certains rejettent ce terme teintĂ© de nĂ©gativitĂ©. Mais, au quotidien, un cruel besoin d’amĂ©nagements du travail de recherche se fait sentir (voir encadrĂ©). Et pour cela, la reconnaissance de la qualitĂ© de travailleur handicapĂ© (RQTH pour les intimes) reste le passage obligĂ©.
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Des besoins spécifiques
S’ils dépendent de chacun, voici dans les grandes lignes les aménagements que revendiquent les chercheurs autistes :
-  Un environnement sensoriel calme :  bureau seul, casque anti-bruit, salle de classe aménagée (en évitant les néons et les chocs bruyants) ou bien carrément du télétravail.
-  Des horaires réduits ou décalés,  parfois être exemptés de réunion ou de certaines charges d’enseignement (notamment les TP ou la gestion d’une filière) ou simplement une meilleure répartition de la charge de travail pour répondre à la grande fatigue qui les guette.
-  Une évaluation sur mesure de leur carrière : supprimer l’audition aux concours (vue comme agression sensorielle dont ils mettent des mois à s’en remettre), faciliter les mutations et le passage au grade de professeur ou de directeur de recherche.
-  Une communication détaillée et explicite couplée à des processus logiques, en particulier dans les tâches administratives, pour éviter les blocages fréquents face aux situations implicites ou incohérentes, avec un accompagnement spécifique pour les appels à projets.
-  Une prise en charge financière du diagnostic et de l’accompagnement psychologique : elle est rĂ©clamĂ©e par ceux qui, après un burnout, affirment ne parler Ă leur psy « que de leur boulot ».
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Privilège ou droit ? « Certains non-autistes peuvent voir ces aménagements comme un privilège mais c’est un droit pour les employés et un devoir pour les employeurs », clame Fabienne Cazalis, chercheuse très sensibilisée à la question. Surtout qu’il existe des aides pour les employeurs, même dans la fonction publique. Encadrant toujours un ou deux étudiants autistes, elle le voit comme un investissement : « ça prend du temps mais j’observe un travail d’une qualité exceptionnelle en retour ».
Un jeu qui en vaut la chandelle ? Après le diagnostic, le dossier RQTH est un processus qui peut prendre des mois, voire des années. Encore faut-il être prêt à l’annoncer aux collègues (voir encadré ▼) et espérer que les aménagements vont pouvoir être mis en place : « Les TP, il n’y a personne pour les faire, donc je n’aurai certainement pas d’aménagement. Le statut de travailleur handicapé apporte peu d’avantage et des inconvénients », regrette Victor*, en cours de procédure.
« Le statut de travailleur handicapé a peu d’avantage et des inconvénients »
Militants. De plus, cette question n’est pas qu’individuelle, le collectif d’universitaires autistes souhaite la politiser : « Les dĂ©cisions sur le handicap doivent prendre en compte l’avis des handicapĂ©s », selon Victor*. Sinon, cela peut ĂŞtre aussi choquant que Trump entourĂ©s d’hommes blancs signant un texte sur l’avortement. « Dès le dĂ©part, c’était une semi-blague : faire un « syndicat » d’universitaires autistes », raconte Camille*. Mais les objectifs du collectif sont clairs : « visibiliser et dĂ©fendre officiellement la communauté ».
Un jour viendra. C’est donc à eux de clamer leurs différences et inciter les autres à faire de même pour sensibiliser le monde de la recherche. Cela prendra du temps : Fabienne Cazalis compare la situation actuelle à celle des LGBTQIA+ il y a quelques années. Mais le potentiel est là pour Catherine*, la doyenne du collectif : « Nous sommes des exemples vivants. En prenant la parole publiquement, nous montrerions au grand jour la diversité des profils autistiques ».
* Les prĂ©noms ont Ă©tĂ© modifiĂ©s car ces personnes n’ont pas (encore) fait leur « coming out » mais vous pouvez retrouver plus d’information sur eux dans le premier Ă©pisode.
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Faire son coming out
« Il a des mauvais cĂ´tĂ©s mais il n’est pas autiste, on peut travailler avec lui », c’est ce qu’a entendu Camille* sortir de la bouche d’un de ses collègues et qui l’a bien refroidi de leur annoncer. Les prĂ©jugĂ©s persistent et faire son “coming out” n’est pas chose aisĂ©e pour les chercheuses et chercheurs autistes. Il faut convaincre, se justifier et pour cela parfois raconter des dĂ©tails personnels. « C’est le piège des « autistes discrets » : on ne les croit pas », raconte Catherine*. Ensuite, c’est la peur d’être placardisĂ©. NoĂ©mie* a peur qu’on l’écarte de certains projets sans la consulter. D’autres ont peur d’être discriminĂ©s au concours de professeur ou pour obtenir leur HDR. Enfin, l’essentialisation est Ă craindre : « j’ai peur que l’on mette le moindre problème de communication sur le dos de mon autisme et qu’il n’y ait plus de remise en cause possible », tĂ©moigne Camille* qui continue de taire son autisme.Â
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« Les chercheurs autistes peuvent apporter une complémentarité » |
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Mathématicien et homme politique, Bertrand Monthubert coordonne le projet Aspie Friendly pour l’inclusion des personnes autistes à l’université. |
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Quel est l’objectif premier du programme Aspie Friendly ?
Comment accompagner celles et ceux qui veulent ĂŞtre chercheurs ?
Beaucoup d’étudiants autistes sont attirés par la recherche par l’intensité de leurs intérêts spécifiques. Que ce soit pour démarrer un doctorat ou plus tard pour chercher un poste, nous essayons de les accompagner dans l’identification d’un laboratoire qui leur convienne, à la fois en terme de sujet mais aussi du cadre (pas trop grand, sans trop de partage d’équipement, etc). Nous travaillons également en profondeur avec les laboratoires pour prendre en compte leurs interrogations et chercher ensemble des réponses. Autrement, ils ne prendraient pas le risque.
Le métier de chercheur est-il adapté aux personnes autistes ?
Les tâches d’un maĂ®tre de confĂ©rences ou d’un chargĂ© de recherche en 2021 ne sont plus uniquement d’avoir des compĂ©tences scientifiques et une expertise pointue mais Ă©galement d’encadrer une Ă©quipe, de chercher des financements… En bref, faire du management, ce qui est compliquĂ© pour beaucoup de personnes autistes. Mais pourquoi avoir des clones qui savent tous tout faire ? La recherche est souvent un travail collectif, au sein duquel les chercheurs autistes peuvent apporter une complĂ©mentaritĂ©, notamment sur la production scientifique pure. Il s’agit donc de leur construire une place pour qu’ils puissent se focaliser sur ce qu’ils font le mieux.
Pourquoi vous investissez-vous sur ce sujet de l’autisme à l’université ?
Tout d’abord car j’ai été sensibilisé à l’autisme dans mon environnement familial et que cela me passionne. Ensuite de par mes fonctions : j’ai travaillé sur la stratégie nationale de l’ESR pour le ministère. Un des gros enjeux est d’augmenter le nombre de diplômés du supérieur pour répondre aux besoins de notre société, ce qui passe par l’accueil d’une plus grande diversité d’étudiantes et d’étudiants. Sur la fin du troisième plan autisme, nous – j’étais conseiller spécial du secrétaire d’Etat en charge de l’ESR – avons travaillé pour ajouter un volet d’actions à l’université : le projet Aspie Friendly est en issu.
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 Aspie Friendly en quelques chiffres
 10 ans (2018-2028)  c’est la durée du projet porté par l’Université Fédérale Toulouse Midi-Pyrénées
 25 universités ont rejoint le réseau et peut-être plus à l’avenir, avec une mutualisation des ressources
 400 étudiants accompagnés et 4000 personnels des universités et étudiants sensibilisés ou formés aux questions de l’autisme
 16 capsules vidĂ©o rĂ©alisĂ©es par l’universitĂ© de Clermont Auvergne mettant en scène HĂ©lène Vial qui vous explique l’autisme sous toutes ses coutures
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 Des infos en passant   L’université d’Evry publie l’évolution du nombre de cas de Covid-19 recensés chez les personnels et les étudiants depuis septembre 2020 //////// DORA a reçu plus d’un million d’euros et passe à l’action avec TARA (Tools to Advance Research Assessment) //////// Cahier de vacances version science ouverte : un récap’ en huit pages sur pourquoi, où et comment réalisé par le groupement des INSA //////// Utilisez-vous TousAntiCovid ? Vos collègues de Grenoble enquêtent et vous pouvez les aider en répondant au questionnaire //////// |
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//////// Reviewer le peer-review ? Une meta-analyse en biomédical tente de trouver des pistes pour améliorer la relecture par les pairs – en gros, renforcer le travail éditorial //////// Orcid, l’organisme international qui prend soin de vos identifiants de chercheurs, a maintenant une antenne française : le consortium ORCID France //////// Ecrire des articles ouvre de nouvelles opportunités, affirment les auteurs d’un billet sur LSE, s’opposant à la vision négative du “publish and perish” //////// Envie de déménager au Québec (ou vous y êtes déjà ) ? L’association Thèsez-vous cherche un président (ou une présidente, bien sûr) //////// |
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Votre revue de presse express |
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- Donneur de leçon. Les revues prédatrices, utilisées par quelques chercheurs malveillants pour faire booster leur CV ? Oui mais pas seulement, rappelle Libé. Elles sont également le reflet des inégalités que subissent les pays émergents.
- Fuites. En 2020, un tiers des chercheuses ayant un enfant ont quitté la recherche. Ce basculement, souvent au moment crucial de la recherche d’un poste, pourrait expliquer la fameuse image du « tuyau percé », conclut Nature.
- Torturés. Après la détection de faux articles, les chercheurs Guillaume Cabanac et Cyril Labbé se lancent dans la détection de phrases alambiquées. Elles seraient le résultat d’aller-retour de traduction, explique Retraction Watch.
- Citez-moi. Un de vos articles est beaucoup cité ? Aux Etats-Unis, cela pourrait augmenter votre salaire de plus de 10 000 dollars par an, selon une étude récente. Times Higher Education fait le tour des universités américaines.
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