Le rĂŞve d’ITER deviendra-t-il rĂ©alitĂ© ?
Autour du berceau. Avant même sa naissance – qui remonte à fin 2006 – , le projet ITER a divisé et ce au sein même de la communauté scientifique. De grands noms de la physique comme Sébastien Balibar ont signé plusieurs tribunes contre ce projet. La raison principale ? Son budget énorme.
« Si on augmente la taille du tokamak, on améliore sa stabilité. D’où un projet monstrueux comme ITER »
DĂ©bauche d’Ă©nergie. A budget Ă©norme, machine Ă©norme : une bouteille magnĂ©tique toroĂŻdale appelĂ©e tokamak de 830 mètres cubes et pesant plus de 23 000 tonnes pour confiner du plasma, l’état de la matière obtenue dans ces conditions extrĂŞmes, Ă 150 millions de degrĂ©s… Du jamais vu.
Nécessité physique. « Le plasma a une turbulence intrinsèque, notamment sur les bords, c’est pourquoi si on augmente la taille du tokamak, on améliore sa stabilité. D’où un projet monstrueux comme ITER, avec un coût monstrueux », explique Thiéry Pierre, physicien des plasmas au CNRS.
Pot commun. Son financement – 20 milliards d’euros pour la construction selon Bernard Bigot (ITER) mais bien plus au total selon ses dĂ©tracteurs – est assurĂ© par 35 pays, le plus souvent en fournissant des composants en nature, ainsi que par la commission Energie de l’Union europĂ©enne. Hors budget recherche, donc.
« La plupart des postes CNRS en plasmas chauds depuis dix ans sont liĂ©s Ă ITER (…) c’est catastrophique pour la discipline »
Fils prodigue. ITER a tout de même un fort impact sur la recherche académique française, dont il est issu. Le site de Cadarache dans les Bouches-du-Rhône sur lequel il est implanté est en effet un site du CEA qui abritait un laboratoire pionnier en la matière, l’Institut de recherche sur la fusion par confinement magnétique (IRFM).
Forces en prĂ©sence. L’IRFM et ses 250 chercheurs constitue une grosse moitiĂ© de la fĂ©dĂ©ration de recherche que dirige Yannick Marandet, en plus de pĂ´les de recherche fondamentale, dont celui d’Aix-Marseille. A ITER, le groupe “recherche” comporte une trentaine de chercheurs seulement : « Ils poussent le lancement de programmes de recherche partout dans le monde », rapporte Greg De Temmerman (voir notre interview â–Ľ).
Masse critique. Une influence que constate Ă©galement ThiĂ©ry Pierre : « la plupart des postes CNRS en plasmas chauds depuis dix ans sont pour des sujets liĂ©s Ă ITER ». Ce qu’il estime « catastrophique pour la discipline » car cela « rĂ©duit le champ des recherches Ă de la physique appliquĂ©e au cas très pointu des tokamak (…) alors qu’il y a d’autres applications en mĂ©decine ou pour la fabrication d’hydrogène. »
« ITER peut paraître très cher, oui, mais ce n’est pas un effort démesuré à l’échelle de la société »
Le tore tue-t-il ? ITER reste une motivation pour Yannick Marandet : « Depuis le dĂ©but de la phase d’assemblage cette annĂ©e, le projet ITER devient concret, c’est la perspective de participer Ă un grand projet de type CERN. » Cette comparaison revient d’ailleurs souvent, mĂŞme si le projet est bien mieux acceptĂ© dans la communautĂ© scientifique – parce que plus fondamental ?
Martingale. Et s’il fallait mettre encore plus d’argent ? Certains physiciens le pensent, comme Yannick Marandet : « Le projet ITER peut paraĂ®tre très cher, oui, mais ce n’est pas un effort dĂ©mesurĂ© Ă l’échelle de la sociĂ©tĂ© si on le compare au programme Apollo ou aux Jeux olympiques… et les retombĂ©es sociĂ©tales peuvent ĂŞtre très importantes. » Et vous, paririez-vous dessus ? |