🔷 Les 100 jours de Joe Biden





21 avril 2021 | La recherche et sa politique
Terre
de contraste

Pardon d’avance pour le titre un tantinet cliché mais les Etats-Unis ont dans leur ADN des revirements politiques si brusques que cette métaphore d’office du tourisme s’est imposée toute seule.  
Car depuis la prise de fonction de Joseph Robinette Biden début janvier, la recherche semble être sortie des oubliettes où l’avait jeté Donald Trump, après l’avoir aspergée d’eau de Javel.
Caricatures, caricatures… bien sûr. Mais dans un pays où s’appeler Bush peut mener à penser Internet avec quarante ans d’avance ou à gouverner le pays en contestant la théorie de l’évolution, avouez qu’il y a matière.

Keep calm & science hard,
Laurent de TheMetaNews 
 PS  Ce numéro arrive avec un peu de retard mais l’interview est arrivée pendant la nuit (ça valait le coup).


Si vous n’avez que 30 secondes



A partir d’ici 5 minutes de lecture patriote


Les 100 jours de Joe Biden


Ce cap symbolique passé, on fait le point sur son plan pour la recherche.


America is back (again)
High hopes. Dès son entrée en fonction, un portrait de Benjamin Franklin au-dessus de son bureau, Joe Biden avait placé la barre très haut : la science était de retour. Le 47e président n’a pas faibli lors de son récent discours sur le plan de relance à 2300 milliards de dollars, déclamé à Pittsburgh le 31 mars dernier, où il a regretté que la part de PIB consacrée à la recherche ait été divisée par deux en 25 ans.
Pour un dollar de plus. Au-delà des premières décisions prises dès le 20 janvier et des nominations symboliques (▼ voir encadré ▼) visant à réinitialiser le trumpisme cognitif, le gouvernement se penche maintenant sur les réformes. En voici quelques-unes concernant la recherche, dont le montant dépendra du Congrès qui a la dernière main :
Le changement, c’est maintenant. Ces propositions seront affinées dans les semaines à venir et devront être ratifiées par les parlementaires américains. Si les scientifiques américains ont le sourire, gardons à l’esprit que tout ce qui est fait peut être défait…
 Dernière minute  L’administration Biden vient d’annuler des restrictions à la recherche sur les tissus foetaux prises par Donald Trump.


Une réaction ? On vous écoute.

Les nouvelles têtes de la science

Eric Lander est généticien et il occupe la position la plus proéminente dans le gouvernement Biden en tant que conseiller scientifique. Même si son pouvoir de décision est en réalité minime, le président a, pour la première fois, intégré ce poste dans son cabinet.
Alondra Nelson est sociologue et a rejoint l’équipe de la Maison blanche à un poste axé Science et société. Ce sont ses travaux sur la technologie et ses impacts, notamment sur les minorités, qui l’ont amenée à ce poste.
Frances Arnold est biologiste (accessoirement prix Nobel) et, avec sa consœur la planétologue Maria Zuber, elle va codiriger le conseil scientifique chargé d’accompagner les décisions présidentielles sur les grands sujets de recherche.


 Des infos en peu de mots  C’est la queue de comète de la polémique sur l’islamogauchisme — en attendant la mise en place de l’enquête réclamée par Frédérique Vidal — avec cette punchline de Bruno Latour qui préconise une enquête sur la discipline de la ministre (la biochimie) ////////// On signale la sortie d’un rapport de l’Institut Montaigne accompagné de préconisations sur la recherche et l’enseignement supérieur, dont un budget total porté à 5% du PIB (!), une réforme du Conseil national des universités et la transformation de l’ANR, entre autres //////////


Quatre questions à…. Elisabeth Popp Bermann
« La science est bel et bien de retour »


Pour cette chercheuse en sciences politiques, le moment est historique.




Au vu des premières décisions de Joe Biden, peut-on dire que la « science est de retour » ? 
Oui, sans aucun doute. La science est bel et bien de retour dans le gouvernement fédéral depuis son élection. L’administration Trump se désintéressait complètement de l’expertise scientifique et passait outre les processus de décision scientifique, notamment dans des agences comme le CDC ou l’EPA [les agences sanitaires et environnementales, NDLR]. Joe Biden a rétabli l’indépendance des scientifiques dans ces agences, tout comme dans d’autres, et a énoncé très clairement que toute décision prise par son administration le serait sur des bases scientifiques. Je voudrais quand même appeler à la vigilance : la science est devenue tellement politique ici que les Américains n’arrivent même plus à s’entendre sur des évidences… et une gouvernance ne peut tout résoudre à elle seule.
Quelles sont les plus importantes décisions prises ces trois derniers mois ? 
Le fait que les Etats-Unis aient à nouveau rejoint l’accord de Paris sur le climat n’est qu’un retour à l’ère pré-Trump mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une décision symboliquement importante. Le succès incroyable de l’administration Biden concernant la vaccination anti-Covid n’est pas réellement une annonce mais a permis de sauver des vies, c’est donc une réussite importante. Le fait que Joe Biden ait nommé conseillère scientifique Alondra Nelson, une chercheuse en sciences humaines (▲voir encadré ▲), est également très encourageant : c’est une manière de faire passer le message que le but ultime de la politique scientifique d’un pays doit être au service des besoins humains.
Les chercheurs américains vivent-ils un moment historique ?
Je le pense. Et pour plusieurs raisons : d’une part, la course contre la montre est lancée pour tenter de résoudre la crise climatique. Si nous voulons préserver ce qui reste de notre planète, nous devons agir maintenant. D’autre part, les menaces contre la science et la démocratie sont réelles et persistent malgré l’alternance politique aux USA. Si nous ne trouvons pas de solution pour nous en défendre, nos choix d’action climatique s’en trouveront drastiquement réduits.
Tout ce que l’administration Biden construit aujourd’hui pourra-t-il être déconstruit dans quatre ans en cas de victoire républicaine ?
Malheureusement oui, en grande partie. Toutes les décisions réglementaires prises par un gouvernement peuvent être annulées par le prochain. Pour qu’elles aient des effets à plus long terme, le Congrès doit les inscrire dans la loi : je reconnais que ce dernier a déjà agi concernant le Covid mais son ambition dans d’autres domaines où la science compte est encore inconnue. Or, sans son intervention, toutes les décisions politiques “pro science” de Joe Biden pourraient très facilement être annulées.


Réagissez (on le publiera)

  Un Journal officiel et non officieux  Deux avis de l’Autorité de sûreté nucléaire concernant le CEA : le premier sur le démantèlement d’un atelier d’uranium, le second sur celui d’une installation baptisée Rapsodie, tous deux sises à Cadarache //////// L’Ecole nationale supérieure de chimie de Montpellier devient un EPSCP (cékoidonc//////// Une badgeothèque est un espace numérique dans lequel une personne rassemble ses badges numériques et maintenant c’est officiel ////////


 Ils refont leur carte de visite  De nombreuses nominations en tant que professeur des universités (bravo au passage !) //////// Jean-Jacques Hublin entre au Collège de France, en tant que titulaire de la chaire « Paléoanthropologie » //////// Christelle Guégan est nommée déléguée régionale académique adjointe à la recherche et à l’innovation pour la région Occitanie //////// Wanted : un·e délégué·e régional·e académique adjoint·e à la recherche et à l’innovation en Grand-Est //////// Le CNRS se donne jusqu’au 30 avril pour recruter son directeur ou sa directrice de l’Institut national de physique (INP) /////// Malgré un raffut (au sens rugbystique) du Sénat, Philippe Baptiste est bel et bien nommé président du Cnes /////// On apprend le départ d’Abdelaziz Mouline de la Direction de l’évaluation des établissements (DEE) du Hcéres après seulement quinze jours en fonction, son intérim serait assuré par Pierre Glaudes //////// 


Votre revue de presse express



Et pour finir


Que ce soit pour les monster trucks ou l’exploration spatiale, les Américains assurent le spectacle : avant-hier, le premier aéronef (d’origine humaine…) de la Nasa baptisé Ingenuity a volé dans l’atmosphère martienne. Ici juste avant le décollage et ici pendant son vol.