A point nommĂ©. C’est avec un sens suraigu du timing que le sociologue Michel Wievorka a sorti son ouvrage Racisme, antisĂ©mitisme, antiracisme | Apologie pour la recherche (Ed. La boĂźte Ă Pandore), sous-titrĂ©Â Rapport Ă Madame FrĂ©dĂ©rique Vidal, en un Ă©vident clin d’Ćil Ă l’enquĂȘte sur l’islamogauchisme voulue par la ministre (mais qui se fait toujours attendre).
Point de vue. Entre tĂ©moignage personnel et analyse, le sociologue y dresse tout d’abord le constat d’un monde universitaire en proie Ă des affres qui polluent la mĂ©canique de la recherche :
« Il existe par endroits dans lâunivers (…) de la recherche en sciences sociales un climat dĂ©lĂ©tĂšre, oĂč y compris des scientifiques dĂ©truisent le dĂ©bat scientifique »
Black power. Il enchaßne par une analyse de la naissance des mouvements décoloniaux ou postcoloniaux, qui remontent aux années 60 et 70 sur fond de mouvements pour les droits civiques des Noirs aux USA.
« Une caracteÌristique constante dans les positions identitaires, postcoloniales, deÌcoloniales et autres (…) est la fusion freÌquente de lâanalyse et de lâaction, de la recherche et de lâengagement. »
Dissensus. ImportĂ©es en France, ces thĂ©ories aurait contribuĂ© Ă scinder le mouvement antiraciste â particuliĂšrement au sein de SOS racisme â Ă partir des annĂ©es 80 pour mener Ă la situation actuelle. Une scission qui atteint Ă©galement la recherche :
« Il y avait une vie scientifique ouverte, et non pas comme aujourdâhui la combinaison de fermeture nationale et dâemprunts sans recul »
Les deux camps. La polĂ©mique autour de l’islamo-gauchisme â trĂšs franco-française â tient Ă l’Ă©mergence plus rĂ©cent d’un deuxiĂšme pĂŽle militant, incarnĂ© par le Printemps rĂ©publicain ou l’Observatoire du dĂ©colonialisme, notamment.
« Un deuxieÌme poÌle qui sâest constitueÌ pour affronter ideÌologiquement et politiquement la neÌbuleuse postcoloniale, identitaire ou intersectionnaliste sur une base reÌpublicaine (…) Il est treÌs mobiliseÌ contre lâislamo-gauchisme, ouÌ il pense trouver la principale expression de lâantiseÌmitisme contemporain. »
Eloge de l’entre-deux. Or l’apparition de ces deux courants militants en opposition mĂ©diatique frontale â Jean-Michel Blanquer ou l’Unef, en somme â tendrait Ă exclure toute voie mĂ©diane :
« Si vous nâeÌtes pas du coÌteÌ de cette neÌbuleuse, vous ne pouvez exister dans le deÌbat public quâen adheÌrant aux orientations de ses ennemis, geÌneÌralement droitieÌres ou hyper-reÌpublicaines. »
La solution ? Selon le sociologue, il faut plus de recherche et surtout l’enrichir des apports internationaux, au-delĂ de l’axe franco-amĂ©ricain dans lequel ce dĂ©bat est confinĂ©.
« La plupart des pays dâAmeÌrique latine se deÌclarent multiculturalistes dans leur constitution (…) mais des pans entiers de la littĂ©rature scientifique sur ces questions sont le plus souvent oublieux de cette partie du monde. »
 Qu’en pense FrĂ©dĂ©rique Vidal ?  La ministre Ă©tait reçue le 27 avril Ă France inter et a prĂ©cisĂ© avoir reçu « mais pas lu » l’ouvrage de Michel Wieviorka, qui l’avait dĂ©posĂ© Ă l’accueil du ministĂšre. Son « rapport » ne contenait de toutes façons « aucune recommandation puisque celles-ci appelleraient une politique Ă©loignĂ©e de celle [du gouvernement] » auquel la ministre appartient.
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