Catherine Paradeise : « Le classement de Shanghai est une vache sacrée en France »

— Le 9 septembre 2021
La sociologue Catherine Paradeise analyse l’impact de ces classements au niveau mondial.

Comment les universités grimpent-elles à Shanghai ?

L’inertie est en fait très forte au sein des classements. La bagarre se joue essentiellement en leur milieu, chaque université se voit contrainte d’entrer dans le jeu, cherchant à améliorer son score sur les indicateurs sélectionnés par tel ou tel outil d’évaluation. On a ainsi vu à travers le monde nombre d’universités recruter à prix d’or de gros publiants, chercher à améliorer la diversité de genre, d’origine géographique ou de couleur de leur corps professoral, etc., mais aussi faire valoir la qualité hôtelière de leurs campus ou leurs équipements sportifs.

Quels effets pervers ces classements ont-ils ?

L’évaluation de la qualité par le nombre a produit nombre d’effets, parfois pervers. En particulier, en mettant au centre du jeu des carrières individuelles et du prestige collectif, le nombre de publications dans les revues identifiées comme majeures dans les divers secteurs disciplinaires. En favorisant la quantité, le goût immodéré du classement a fait de la course à la publication un objectif en soi, orientant les choix des sujets de recherche et les tactiques de publication vers les plus rapidement productifs en articles.

Pourquoi en fait-on si grand cas dans l’Hexagone ?

La France souffrait du handicap de la segmentation de ses universités par grands secteurs disciplinaires, dans les années post-68, qui avait visé à faire face à la massification rapide de l’enseignement supérieur. Cela contribuait de façon importante à la grande médiocrité du positionnement de ses universités dès le premier classement de Shanghai en 2003. Ce fut un choc énorme dans notre pays. Le classement de Shanghai est devenu une espèce de vache sacrée en France, alors que son caractère unidimensionnel fournit une image simple voire simpliste de la « performance » des universités.

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