Donc, vous refusez de parler aux journalistes depuis lundi ? Oui, j’ai dû refuser cinq ou six sollicitations. Il faut savoir qu’en ce moment, chaque personne de mon équipe reçoit une à deux demandes par jour ! On s’est mis à travailler sur le Covid assez rapidement et il n’y a pas tant d’épidémiologistes que ça en France. Faire de la pédagogie fait partie de notre métier mais là on y passe une bonne partie de notre temps. Ce qui est paradoxal, c’est qu’on n’a rarement été aussi sollicités – surtout lorsque les ministres se sont rendu compte qu’on avait besoin de modèles épidémiologiques pour le déconfinement – et jamais été autant ignorés en politique..
Qu’est-ce qui vous choque le plus dans la LPPR ? Le manque de moyens ? Il y a déjà les 6 milliards d’euros du Crédit d’impôt recherche qui sont actuellement gâchés et qu’on pourrait utiliser [pour financer la recherche fondamentale, NDLR]. Mais c’est plus profond qu’une question de moyens. La LPPR casse la spécificité et la force du système de recherche français : pouvoir travailler dans la durée, avec des postes titulaires… Et c’est dans la continuité de ce qui se fait depuis vingt ou trente ans mais là il y a un saut qualitatif. Jusqu’à maintenant, ils se contentaient d’organiser la pénurie, maintenant ils veulent imposer une logique de la recherche à court terme.
Comment organiser la mobilisation dans ce contexte ? C’est tout à fait cynique de la part du gouvernement de faire passer cette loi maintenant sans discussion alors que la mobilisation était en train de décoller et que les rassemblements sont encore interdits. C’est pourquoi j’ai proposé aux collègues qui ont une exposition médiatique d’attirer l’attention sur la LPPR. A l’époque de ma thèse, le mouvement Sauvons la Recherche avait marché en partie en montrant l’importance de la recherche fondamentale à la population. Je pense que la plupart des chercheurs sont convaincus mais ce qui va se jouer là – en plus des grèves et des manifestations – c’est la bataille de l’opinion publique. |