🍀 Mais que fait la police ?



12 mars 2021 /// L’actu des labos
Levez la main
droite et dites…

Fermez les yeux : c’est la fin de votre soutenance de thèse, vous allez enfin devenir docteur, un moment tant attendu après plusieurs annĂ©es de travail acharnĂ©.
Vous comptez bredouiller quelques remerciements… puis inviter l’assistance Ă  lever une coupe de champagne ! Rappelez-vous, c’était comme ça dans la vie prĂ©-covid.
Mais avant la fĂŞte, le prĂ©sident du jury vous tend quelques lignes Ă  dĂ©clamer : il va falloir prĂŞter serment. Science-fiction ? Plus tout Ă  fait, le principe est actĂ© dans la loi. Reste maintenant Ă  l’Ă©crire.

Bonne lecture,
Lucile de TMN


Si vous n’avez que 30 secondes



Cinq minutes de lecture complètement intègre



L’intĂ©gritĂ© sur le devant de la scène 


Il reste beaucoup à faire dans la communauté, rappellent des parlementaires.


Mais que fait la police ?
Prescription. En septembre dernier, on vous en parlait dĂ©jĂ  : l’Office parlementaire d’Ă©valuation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) prĂ©parait un rapport sur l’intĂ©gritĂ©. Ce rapport est maintenant disponible (134 pages !) et fait le constat que le « mode de fonctionnement de la recherche tout entier » est à interroger (â–Ľun constat partagĂ© par Michelle BergadaĂ â–Ľ).

Ivresse des sommets. Pour Pierre Ouzoulias, sénateur et co-auteur du rapport, une des causes systémiques est « la “starification” des porteurs de projet qui nuit à l’auto-régulation interne des équipes », une sorte de retour au mandarinat accéléré par nos modes de communication actuels.
Des outils pour sanctionner. Le rapport veut renforcer le « droit mou » existant, en instaurant, par exemple, un code national d’instruction Ă  l’échelle des Ă©tablissements – pour rappel, ce sont les responsables d’établissements qui arbitrent –, assorti d’une certaine souplesse d’interprĂ©tation.
Présumé innocent. Des sanctions clairement définies par les institutions redonneraient une légitimité aux chercheurs reconnus coupables ayant « purgé leur peine ». Le droit des chercheurs à être défendu – par un syndicat par exemple – est également mis en avant.

Du concret. Une partie des recommandations du rapport ont déjà été traduites dans la loi recherche (LPR) :
  1.  Une définition de l’intégrité  inscrite dans le Code de la recherche ;
  2.  La promotion de l’intégrité par l’Hcéres  – dont le président était en interview mercredi dans OutsideLab ;
  3.  Un serment pour les docteurs  — qui reste à élaborer —, pour lesquels des concertations ont commencé ;
  4.  La dĂ©claration de liens d’intĂ©rĂŞts  si un chercheur effectue une mission d’expertise auprès d’instances publiques.
En revanche, le renforcement du rôle de l’Office Français de l’Intégrité Scientifique (Ofis), aujourd’hui dépendant du Hcéres, n’a pas été retenu.


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La poutre dans l’Ĺ“il du collègue
Moins de 2% des chercheurs avouent avoir falsifié des données et un tiers reconnaît s’être adonné à des pratiques questionnables, affirme une étude de 2009. Mais lorsqu’on leur demande de s’exprimer sur les comportements de leurs collègues, les chiffres explosent : 14% ont été témoins de fraudes et 72% de pratiques questionnables.


Trois questions Ă … Michelle BergadaĂ 
« Je crois beaucoup plus à la déontologie »


L’intĂ©gritĂ©, c’est son dada. Michelle BergadaĂ  dirige l’Institut de Recherche et d’Action sur la Fraude et le Plagiat AcadĂ©miques (IRAFPA).


Elle navigue entre le Canada, la Suisse et la France.
Un serment pour les docteurs, comme il en est question en ce moment, vous y croyez ?
Pourquoi pas, il faut bien commencer par quelque chose. Mais quand je me souviens des mauvais comportements que j’observais quand j’étais en thèse, j’aurais dit « Attendez, vous d’abord, prĂŞtez serment ! ». En rĂ©alitĂ©, je ne crois pas trop au serment car je suis trop pragmatique. Je crois beaucoup plus Ă  la dĂ©ontologie (…) il faut que les chercheurs en discutent et non qu’on leur impose un serment abstrait. La dĂ©ontologie Ă©volue avec les pratiques et c’est par le dĂ©bat que les valeurs peuvent se transmettre, pas par des règlements imposĂ©s par la hiĂ©rarchie.
Donc les chartes d’intégrité, ce n’est pas utile d’après vous ?
Si la déontologie ne suit pas, non. C’est comme si vous faisiez un code de la route avec des limites de vitesse sans radar et sans police, en espérant que les conducteurs seront gentils. Ces chartes ne servent qu’à rassurer ceux qui sont intègres et au mieux à coincer les « grands bandits » mais ça ne change pas les pratiques. Le manque d’intégrité se niche dans les petites négligences du quotidien, les mauvaises habitudes qu’on prend sans même s’en apercevoir.
Alors comment fait-on la police ?
Il faudrait déjà s’accorder sur des règles au quotidien. Et elles peuvent être différentes selon que l’on soit en littérature ou en physique. Un tel code de déontologie doit surtout émerger d’un débat démocratique entre chercheurs. Ils pourraient ainsi édicter leurs propres règles et les afficher à l’entrée de chaque laboratoire.
 … L’intĂ©gralitĂ© Ă  lire la semaine prochaine ! 


 Bio express  Voilà 17 ans que Michelle Bergadaà a envoyé sa première “newsletter intégrité” accompagnant le site collaboratif Responsable. Professeure à l’université de Genève, elle a mené des recherches sur l’intégrité qui débouchent en 2015 sur un ouvrage, Le plagiat académique. Comprendre pour agir. Deux ans plus tard, elle fonde l’Institut de recherche et d’action sur la fraude et le plagiat académiques (IRAFPA) : cette association indépendante est financée par les adhésions et des universités. Ses principales actions : des missions de médiation, ainsi que la promotion de l’intégrité à travers notamment des vidéos en ligne.


Un outil biblio
Plus besoin d’Adobe


Tiens tiens, on dirait
qu’ils ont lu BeyondLab chez Zotero
 C’est une (petite) rĂ©volution !  Enfin, vous pourrez lire et annoter vos pdf directement dans le logiciel Zotero. Ces fonctionnalitĂ©s seront incluses dans la prochaine version (la 6.0) mais sont disponibles dès maintenant en version bĂŞta. Avant de vous y jeter Ă  corps perdu, on vous rappelle quand mĂŞme qu’à partir de 300 Mb de donnĂ©es (Ă©quivalent Ă  environ 500 articles ou 150 thèses), le stockage des pdf sur Zotero est payant…


Un chiffre alertant
 60% 
C’est le pourcentage de revues où l’auteur le plus prolifique fait partie de l’équipe éditoriale. Mise en ligne sur bioRxiv, une étude en preprint révèle le « népotisme » de certains journaux en analysant la part de publications de l’auteur le plus prolifique. Cette part monte à 10% avec une durée moyenne de relecture de seulement trois semaines pour les 5% les plus louches. Mais la palme revient à New Microbes and New Infection, avec sept éditeurs travaillant pour Didier Raoult, qui publient à eux seuls 44% des 728 papiers. De l’auto-promotion pure.


 Des infos en passant   Les indicateurs bibliomĂ©triques, comme les bons vins, se bonifient avec le temps, affirme une analyse parue dans Scientometrics //////// L’Inist organise un webinaire d’accompagnement sur le plan de gestion des donnĂ©es le 16 mars //////// Elsevier a demandĂ© Ă  Retraction Watch, ou plutĂ´t Ă  son fondateur Ivan Oransky, la relecture d’articles sur la Covid-19 alors qu’il n’est pas spĂ©cialiste du sujet ////////


//////// Plus de femmes Ă©tudient la physique au Moyen-Orient qu’en Europe ou aux Etats-Unis et ce serait culturel, affirme cet article //////// Les publications issues de projets financĂ©s par l’ANR devront ĂŞtre dĂ©posĂ©es dans HAL immĂ©diatement après publication, grâce Ă  l’utilisation de la licence Creative Commons CC-BY //////// Et pour les livres, ça donne quoi le Plan S ? Le rĂ©seau Open Access Books Network (OABN) interroge la communauté //////// Enfin, Plan S toujours, une enquĂŞte ouverte jusqu’au 16 mars en Ă©tudie les impacts sur vos pratiques de publications //////// 


Votre revue
de presse express



Et pour finir…
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Avec leur temps. Ces jeunes chercheurs finnois sont les grands gagnants de l’édition 2021 du concours Dance your PhD, organisé depuis 14 années par Science Mag. Un clip qui respecte les règles sanitaires : distanciation, gel et masques obligatoires !

 Erratum  Lundi avait lieu la journĂ©e « des droits des femmes »  et non « de la femme », comme j’ai pu l’écrire et vous avez peut-ĂŞtre pu l’entendre ailleurs. Une lectrice de TMN nous a fait remarquer que cette dernière expression masquait la diversitĂ© fĂ©minine et l’origine militante de cette cĂ©lĂ©bration.