03.02.2023 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE
Passion, gloire et fraudes
En plein dans le mille. Pourquoi cherchez-vous ? Cette question, que rétrospectivement je ne me suis pas assez posée durant mes années en recherche, vient régulièrement me titiller les méninges. Pas vous ?
Rêves et paillettes. Par amour pour la science ? Pour la beauté de votre sujet ? Certainement. Mais aussi, même si certains d’entre vous ne l’admettront pas facilement, pour la gloire. C’est l’une des rares médailles que l’on peut récolter en science.
Froide réalité. Questionnement futile, diront quelques-uns. Mais dans un monde de la recherche en pleine mutation avec des conditions de travail souvent ressenties comme de plus en plus compliquées, se remettre en question ne fait pas forcément de mal.
50 ans d’observation. Et qui de mieux pour donner quelques pistes qu’une philosophe des sciences ? À deux pas de la place Beaubourg, la chercheuse belge Isabelle Stengers nous a parlé de son sujet de prédilection : la responsabilité en recherche.
À très vite,
— Lucile de TheMetaNews.
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Sommaire
→ INTERVIEW Isabelle Stengers parle responsabilité et démocratie
→ UN CHIFFRE Corriger la science ? Beaucoup reste à faire
→ UN OUTIL Repérer les faux auteurs
→ EXPRESS Votre revue de presse
→ ET POUR FINIR Une année, une page
TEMPS DE LECTURE : 5 ou 10 MINUTES |
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INTERVIEW
« Les scientifiques doivent accepter de partager des questions communes »
Critique des sciences et de leur fonctionnement, la philosophe belge Isabelle Stengers milite pour une recherche à l’écoute des questions de la société.
Pourquoi est-ce important que des scientifiques interagissent avec des non-scientifiques ?
↳ Les scientifiques ne peuvent pas changer tout seul, ils doivent apprendre. Il faut des groupes (associations, collectifs citoyens, activistes…) qui sachent les questionner et qu’ils doivent prendre au sérieux. Avant, il y avait peu de contestations et on s’adressait aux scientifiques avec respect. Aujourd’hui, ils doivent gagner ce respect en acceptant que leurs savoirs ont besoin d’autres manières de savoir. (…)
UN CHIFFRE
1 sur 5
Seulement 21,5% des publications problématiques ont fait l’objet d’une notification par les revues. C’est le résultat d’une étude publiée dans Transparency et réalisée à partir de plus de 17000 articles commentés sur PubPeer. La tendance est-elle à l’amélioration ? Lorsque les auteurs sélectionnent les publis problématiques sorties en 2019, le taux de correction monte à 34%. L’étude conclut bien évidemment sur la nécessité pour les revues de cultiver leur réactivité.
UN OUTIL
Repérer les faux auteurs
Vous êtes éditeur bénévole, reviewer ou juste curieux du fonctionnement des revues ? Sachez tout d’abord que 70 % des chercheurs affirment avoir été impliqués dans des publications où un des auteurs n’aurait pas suffisamment contribué, a révélé un sondage sur 47 000 scientifiques d’Europe et des États-Unis. Que faire ? Le comité d’éthique international des maisons d’éditions (COPE) propose un guide pour les éditeurs en cas d’auteurs suspects sur un manuscrit. Celui-ci est constitué d’une fiche pour déceler les faux auteurs, qu’ils soient invités, forcés – relire notre numéro – ou au contraire oubliés et d’un diagramme pour décider quoi faire en tant qu’éditeur.
EXPRESS
Des infos en passant
● Retoqués. Pour la Cour des comptes, l’Inserm respecte “insuffisamment” la loi et les règles au sujet de la déontologie. Son dernier rapport pointe d’une part les obligations déclaratives manquantes pour l’équipe de direction et d’autre part des risques de conflits et liens d’intérêt pour les chercheurs à mieux traiter – notamment sur les essais cliniques et le cumul d’activité.
● Braille 2.0. Depuis un an, Arxiv propose via ar5iv une version HTML pour une large part des preprints afin de les rendre accessibles aux personnes atteintes de déficiences visuelles. Mais ils ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin et couvrir à terme l’intégralité des manuscrits déposés, annoncent-ils.
● P-check. La solution aux erreurs statistiques en psycho ? Depuis 2015, l’application Statcheck se propose de vérifier automatiquement les résultats publiés dans les manuscrits, sans faire encore l’unanimité. La chercheuse néerlandaise Michele Nuijten à l’origine de l’outil revient avec un nouveau preprint démontrant une moindre présence d’incohérences dans les revues utilisant Statcheck.
● Partenaire particulier. Comment Total influence la science, c’est le titre du rapport que vient de sortir Greenpeace avec dans le viseur — vous vous en doutez — les partenariats public-privé. Parmi les éléments factuels : l’université de Pau dépend de Total pour 20 à 30% de ses ressources propres et 85% des labos de Paris Saclay sur des thématiques climat sont liés à Total. Côté analyse, l’ONG dénonce l’orientation des recherches vers de « fausses solutions » comme le captage de CO2 – relire le courrier de nos lecteurs à ce sujet – aux dépens d’autres problématiques. Un dilemme pour les chercheurs – relire notre analyse.
EXPRESS
Votre revue de presse
→ Beauté fatale. Dans une tribune au Monde, le consultant Jacques Marceau et l’écrivain Olivier Peraldi s’inquiètent de la défiance croissante envers les sciences et techniques ainsi que l’innovation. Ils appellent à « réapprendre à s’émerveiller sincèrement » de la beauté du monde.
→ En libre accès. Nouvel engagement pour la science ouverte du côté des universités du Nord de l’Angleterre, dont celle de Manchester. Les chercheurs seront invités à conserver leurs droits de propriété intellectuelle plutôt que de les céder aux éditeurs, rapporte le Times Higher Education. Une initiative qui ne sera pas forcément appréciée des revues dont le soutien au partage de données est souvent limité.
→ Quête de neutralité. Les scientifiques sont de plus en plus nombreux à s’engager ouvertement face à l’urgence climatique. Après le licenciement d’une chercheuse américaine pour avoir évoqué le changement climatique, Jérôme Santolini, chercheur au CEA, revient sur les actions du collectif Scientifiques en Rébellion dont il est membre dans une interview pour Novethic. Le journal Libération revient quant à lui sur la question de la neutralité scientifique.
→ Décoloniser la science. De plus en plus d’initiatives visent à rendre les programmes de mathématiques plus inclusifs, explique la revue Nature. Volonté particulièrement présente à l’université de Durham, au Royaume-Uni, les mathématiciens à la tête de ces efforts affirment que cette étape est essentielle pour créer un environnement académique accueillant et propice à la réussite des étudiants et des universitaires de tout horizons.
→ Temps partagé. Si le partage des données scientifiques est de plus en plus encouragé, tous les domaines ne sont pas égaux face aux ajustements requis pour la mise en place d’une telle politique, explique Science. La revue propose ainsi un guide pour faciliter la mise en œuvre du partage de données et revient sur ses coûts et avantages.
→ Star du moment. ChatGPT a fait l’objet d’une nouvelle étude selon laquelle l’IA pourrait produire des articles académiques de très bonne qualité, rapporte The Conversation. Alors qu’il apparaît pour certains comme une aide potentiellement importante pour la recherche, de nombreuses revues universitaires ont interdit les auteurs d’y avoir recours, craignant l’émergence de plagiat ou de faux résultats dans la littérature scientifique.
UNE ANNÉE, UNE PAGE
Et pour finir…
Perdu·e dans les jours ? Et si vous passiez au calendrier à une page ?