Postdoc ou écolo, faut-il choisir ?

14.04.2023 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE


Ils mouillent la chemise

Kombucha à la main. La scène se déroule dans une salle parisienne, devant un parterre de militants écolos, venus en soutien au mouvement des Soulèvements de la Terre – accusé de violences et menacé de dissolution par le ministre de l’intérieur. C’était mercredi soir.

Paroles innocentes. La paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte monte sur l’estrade et prend la parole. « Quelle est la menace la plus grave ? (…) Est-ce la poursuite de tendances non soutenables (…) Ou bien est-ce cette contestation qui dérange ? », demandait-elle solennellement.

Cas de conscience. Figure emblématique du Giec, il est certain qu’elle doit longuement soupeser chaque mot – elle le faisait comprendre lors de notre récente interview. Mais elle a choisi d’intervenir, revendiquant sa liberté d’expression en tant que scientifique mais aussi en tant que citoyenne.

Intellectuels de gauche. Cela lui sera-t-il reproché ? D’autres chercheurs soutiennent ouvertement le mouvement – Philippe Descola, Isabelle Stengers, Christophe Bonneuil, François Jarrige, Baptiste Morizot… – et montrent au grand jour leur engagement écologique.

Changement d’échelle. L’engagement, c’était aussi le fil conducteur de notre entretien avec un plus jeune chercheur : Mathieu Bouffard, très investi dans le collectif Labos1point5. L’occasion de parler de la situation bien particulière des postdocs. Lisez aujourd’hui son interview.

À très vite, 
— Lucile de TheMetaNews.

Sommaire

→  INTERVIEW  Être postdoc et engagé ? Mathieu Bouffard raconte
→  CHIFFRE  Les méconduites rôdent autour des doctorants
→  OUTIL  L’appli qui murmure vos retranscriptions
→  EXPRESS  Votre revue de presse
→  ET POUR FINIR Dark Side of the Moon

TEMPS DE LECTURE : 5 ou 10 MINUTES

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INTERVIEW

Mathieu Bouffard : « Repousser mon engagement de dix ans était impossible »

Postdoc en géophysique, très investi dans le collectif Labos1point5, Mathieu Bouffard met en lumière les problématiques des postdocs souhaitant réduire l’empreinte carbone de leurs recherches.

Pourquoi les jeunes chercheurs méritent-ils une attention particulière quand il s’agit de réduire l’empreinte carbone de la recherche ?

   ↳ Ils et elles représentent le potentiel scientifique de demain et sont les plus susceptibles d’adopter des pratiques de recherche plus écologiques. Or, à travers mon engagement dans le collectif Labos1point5, j’ai pu constater que les doctorants et postdocs sont largement sous-représentés (…)

CHIFFRE

30%

Environ un tiers des jeunes chercheurs dénonceraient un de leurs collègues s’ils le suspectaient de méconduites scientifiques, selon une enquête publiée dans Scientific Reports menée auprès de 250 doctorants ayant bénéficié de financements du National Science Foundation (NSF) aux États-Unis. Environ 4% avouent avoir participé à des méconduites, même s’ils n’en étaient pas à l’origine.

OUTIL

L’appli qui murmure vos retranscriptions

Retranscrire des entretiens, c’est souvent long et fastidieux – les sociologues le savent, les journalistes aussi. Des outils existent, transformant fichiers audios en textes, dont un répondant au doux nom de Whisper – pas l’appli de commérages anonymes mais bien celle d’OpenAI. Le géant de l’IA propose une version en ligne payante mais il est possible, pour celles et ceux qui n’ont pas peur de mettre les mains dans le cambouis, de le faire tourner sur votre propre bécane moyennant quelques lignes de script en Python. Le chercheur Yacine Chitour vous explique comment faire dans un tutoriel, analyse le fonctionnement de l’algorithme et montre ses limites, avec en bonus une démo à partir du morceau d’Aya Nakamura « Djadja » !

EXPRESS

Des infos en passant

● De toutes les couleurs. Les chercheurs “non-blancs” – en réalité de pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine – sont sous-représentés parmi les éditeurs scientifiques et doivent attendre plus longtemps pour voir leurs publications acceptées, révèle une étude publiée dans PNAS sur un million d’articles parus entre 2001 et 2020 et de toutes disciplines. Aux États-Unis notamment, les chercheurs noirs et hispaniques sont moins cités que les autres. Le média en ligne University World News en parle également.

● Colin-maillard. Comme pour répondre à l’étude précédente, la revue Functional Ecologydégaine une solution : anonymiser les auteurs lors du peer review ou “double-blind peer review”. En test depuis 2019, la pratique réduit les biais des reviewers à l’avantage des auteurs de pays à faible indice de développement ou non anglophones, dont les articles sont en moyenne plus durement évalués sans anonymisation. Le proposer ne suffit pas, les auteurs discriminés ne choisissant en général pas cette option, il faut l’imposer, affirment les éditeurs de la revue.

EXPRESS

Votre revue de presse

→ Sur les ondes. Avec ChatGPT, l’IA est à nouveau au centre de toutes les discussions – et de tous les fantasmes. Deux spécialistes étaient invités dans la matinale de France Inter pour dédramatiser. ​​Jean-Gabriel Ganascia, ex-président du comité d’éthique du CNRS, compare l’agitation actuelle au choc provoqué par Amandine, le premier bébé-éprouvette en 1982.

→ Encore elle. Le chatbot pose aussi son lot de questions dans le milieu de la recherche, notamment en ce qui concerne son utilisation pour le peer review, explique le média Times Higher Education. Des inquiétudes soulevées par un chercheur néerlandais qui, après le rejet de son article, restait perplexe devant les articles que le rewiever lui conseillait de citer. En réalité, les références recommandées étaient toutes fictives, inventées par ChatGPT.

→ Revers de médaille. Un accès gratuit à l’intégralité des publications scientifiques d’ici 2030 ? C’est ce que promet le plan pour la science ouverte mis en place en 2018. Malgré une augmentation constante du nombre d’articles en libre accès, le sénateur Pierre Ouzoulias déplore l’augmentation des coûts de publication et d’abonnements qui en découle dans une tribune à Libération.

→ Lacunes apparentes. Malgré la mise en place de dispositifs de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans de nombreuses universités, ces derniers restent encore absents de 45% des établissements, explique le Parisien Étudiant. Des dispositifs avec de nombreuses carences, explique de son côté Libération qui pointe le manque de visibilité des cellules, le manque de budget fixe et leur création grâce à des appels à projets – vous connaissez le problème.

— Revue de presse rédigée par Noémie Berroir

DARK SIDE OF THE MOON

Et pour finir…

Des données sur le climat… dans les carnets d’un poète japonais du Moyen Âge !