Secret de mécènes

10.10.2025 • N° 538 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE


Dirty little secret

La fille de Brest. Ce lundi 6 octobre, dans un amphi de la fac de médecine de Paris Cité, la pneumologue Irène Frachon revenait sur son combat contre le Mediator, médicament commercialisé par les laboratoires Servier. À l’écran, la liste des victimes, qui continue encore aujourd’hui de s’allonger.

Plus jamais ça. « Garder la mémoire du Mediator » pour éviter que la tragédie ne se reproduise, tel était le propos de Solène Lellinger, historienne et philosophe de la santé, présente également. Un nouveau scandale serait d’autant plus difficile à mettre à nu que le secret des affaires est depuis 2016 en vigueur.

Mon précieux. Sur un autre sujet, le secret des affaires est également le point de discorde entre l’École polytechnique et l’association Acadamia qui milite pour la transparence des contrats de mécénats. Laquelle a raison ? La justice peine à trancher mais les avis ne manquent pas.

Bonne lecture, 
— Lucile de TheMetaNews

Sommaire

→  ANALYSE  Dans le secret des mécénats
→  EXPRESS  Les prix Nobel, de l’IA et des documentaires scientifiques
→  CHIFFRE  Les coordinatrices de projet ANR
→  ÇA VOUS A FAIT RÉAGIR  Pascal Weil met en avant les revues diamant
→  EXPRESS Votre revue de presse
→  ET POUR FINIR Off the grid

TEMPS DE LECTURE : 5 ou 10 MINUTES

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ANALYSE

Dans le secret des mécénats

Les donations d’entreprises aux écoles et universités doivent-elles se faire en totale transparence ? Même la justice semble incertaine, dans un contexte d’exigence accrue des chercheurs et étudiants.

Le 5 septembre 2025, le polytechnicien et docteur en informatique Matthieu Lequesne se retrouvait face à son ancienne école sur les bancs du Conseil d’État. La prestigieuse école doit-elle communiquer le détail des contrats de mécénat signés avec les plus grandes entreprises comme TotalEnergies ou Sanofi ? L’X s’y refuse depuis 2022 (…)

EXPRESS

Pendant ce temps dans les labos

● Médailles. Vous ne l’avez certainement pas raté, c’était la folle semaine des Nobel : lundi, physiologie et médecine, mardi, physique, mercredi, chimie et jeudi, littérature – le Nobel de la paix sera décerné ce vendredi. Pour l’heure, parmi les affiliations : États-Unis (6), Japon (2) et Australie (1). On note tout de même un chercheur de nationalité française : le physicien Michel Devoret, passé notamment par le CEA de Saclay. Et seulement une femme : la chercheuse en biologie moléculaire et immunologie Mary E. Brunkow. Mais l’absence des femmes au Nobel n’est que la partie émergée de l’iceberg, comme analysait pour TheMetaNews l’historienne Hélène Gispert.

● Contre-attaque. IA et science ouverte font-elles bon ménage ? Face aux craintes de voir ses articles pillés par des IA, penser que ne pas déposer en accès ouvert permet de s’en prémunir est une illusion : l’IA ne puise pas uniquement dans le web gratuit, met en lumière un cours sur le site Callisto de l’Urfist. Conservateur en chef des bibliothèques de l’université Toulouse Capitole, Michel Fraysse prône la « dépollution numérique » : inonder le web d’informations scientifiques de qualité pour contrebalancer les fausses informations générées par IA. Convaincu·es ?

● À bâbord. Le festival de documentaires scientifiques Pariscience aura lieu cette année du 23 au 27 octobre avec trois thématiques : eau et océans, santé mentale et portraits de femmes scientifiques. Le programme vient d’être mis en ligne. Réservez d’ores et déjà les séances qui vous intéressent – toutes sont gratuites ! Votre fidèle journaliste Lucile animera la table ronde suivant la projection du Voyage d’Anita Conti dimanche 26 octobre à 17h30. On s’y voit ?

  Mais aussi…  Un nouvel accord cadre pour l’achat de matériel informatique dans l’ESR est effectif depuis le 1er octobre : MatInfo6. Petite victoire du point de vue écologique, les fournisseurs retenus s’engagent notamment à la promotion du reconditionné ou à l’extension de garantie au-delà de sept ansVous développez du code pour vos recherches ? Mettez-le en valeur, argumentent vos collègues, notamment d’Inria, dans un comment à Nature. L’identifiant SWHID (pour software heritage ID) vous sera utile pour tracer facilement vos logiciels publiés – le guide vient d’être remis à jourSi vous souhaitez creuser le sujet ou convaincre vos collègues, voici six podcasts sur la science ouverte, recommandés par le blog Open Science de l’institut Pasteur

CHIFFRE

35%

C’est la part de femmes parmi les coordinateurs de projets financés par l’Agence nationale de la recherche (ANR), ayant répondu aux appels à projet générique entre 2022 et 2024. Comme vous vous en doutez certainement, la proportion de coordinatrices diminue au fur et à mesure qu’on évolue dans la carrière : 42,4% parmi les “Jeunes Chercheurs – Jeunes Chercheuses” (JCJC) et seulement 26,5% parmi les “projets de recherche ambitieux portés par une équipe” (PRME). Le taux de succès est en revanche stable d’un genre à l’autre : 24% pour les hommes contre 26% pour les femmes en 2024. Et si vous souhaitez plus de détails ou d’autres statistiques, n’hésitez pas à explorer les données de l’ANR, accessibles depuis février 2024 sur leur portail data anr.

ÇA VOUS A FAIT RÉAGIR

« J’apprécie beaucoup l’attention que vous portez ces dernières semaines aux évolutions de l’édition scientifique, c’est extrêmement important. Dans votre article sur les revues dévoyées, vous auriez pu mentionner les revues “diamond open access” que je vois se développer autour de moi en mathématiques et informatique fondamentale : des revues qui appartiennent à la communauté concernée, soit par migration d’une revue « historique », soit par création ex nihilo. Quand la revue appartient à un organisme sans but lucratif (association, fondation, etc.), le risque de revente que vous évoquez devient nul [ou du moins est bien moindre, NDLR]. En France, des outils institutionnels permettent de le faire : Episciences [nous vous en parlions, NDLR], le centre Mersenne ou OpenEditions en SHS.»

Pascal Weil | Directeur de recherche (CNRS) au Laboratoire d’Informatique de Paris Nord

EXPRESS

Votre revue de presse

→ Access denied. La justice indienne a tranché : SciHub et d’autres librairies pirates sont désormais interdites en Inde et leur accès est bloqué. Les chercheurs du pays, et notamment ceux d’institutions moins dotées, seront les premiers à en pâtir, alerte la sociologue Rituparna Patgiri sur le blog LSE Impact of social sciences.

→ Avalanche. Les articles reposant uniquement sur l’analyse de données de santé ouvertes seront systématiquement rejetés, ont récemment annoncé les éditeurs PLOS et Frontiers. Une politique pensée pour contrer l’explosion des papiers générés par IA, rapporte Science.

→ Black Mirror. Face à la difficulté de recruter des participants pour leurs études, certains chercheurs en sciences comportementales se tournent vers l’IA pour en générer. Dans un preprint déposé sur arXiv, Jamie Cummins alerte sur les risques de cette pratique. La discussion reste ouverte, conclut Science.

→ Angle mort. Pourquoi en sait-on si peu sur les effets des médicaments durant la grossesse ? Parce que les femmes ont largement été exclues des essais cliniques. Le New York Times revient sur ce problème quelques jours après les déclarations de Donald Trump sur le paracétamol — Tylenol aux USA.

→ Faustien. Pour rester dans le thème de notre papier du jour : le partenariat entre l’économiste et co-auteur du Giec François Gemenne et le géant de la construction Saint-Gobain serait-il du « science washing » ? L’intéressé s’en défend dans les colonnes du média Vert.

→ Casquette. Sociologue et expert de l’intégrité scientifique – nous l’avions interviewé à ce sujet – Michel Dubois prend la tête de l’Office français de l’intégrité scientifique (Ofis). Sorbonne Université l’interviewe sur les défis et projets à venir de l’institution.

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OFF THE GRID

Et pour finir…

Pris en flagrant délit de déconnexion totale… Et si c’était ça le secret des Nobel ?