Michèle Leduc : « Toute innovation n’est pas souhaitable »

— Le 16 avril 2021
Michèle Leduc est membre du comité d’éthique du CNRS et co-autrice de son dernier avis sur le principe de précaution. Elle est également membre de l’Union rationaliste.

Pourquoi cet avis maintenant ?

L’idée remonte à début 2019, lorsque nous nous interrogions sur l’impact des nanotechnologies. La procédure européenne Reach (Registration Evaluation and Authorisation of Chemicals) gère l’application du principe de précaution aux produits chimiques potentiellement dangereux. Mais était-elle également compétente pour évaluer la dangerosité des nanoparticules présentes dans des centaines de produits de consommation ?

En pratique, quel rôle jouent les chercheurs dans le principe de précaution ?

Lorsque les chercheurs sont auditionnés en tant qu’experts, ils ont le devoir de déclarer leurs potentiels conflits et liens d’intérêt [voir l’avis du Comets de 2019]. Pour ma part, si je suis consultée sur les lasers, je le serai en tant que physicienne, si je suis consultée sur l’éthique, je le serai en tant que membre du Comets, etc… S’affranchir de tous les liens d’intérêt peut s’avérer délicat car on finit par éliminer toutes les personnes compétentes. Il faut trouver un équilibre.

Qu’en est-il de la responsabilité morale des chercheurs ?

Au Comets, nous sommes imprégnés par la lecture de Hans Jonas, [philosophe de l’éthique et auteur du Principe de responsabilité en 1979, NDLR]. C’est pourquoi nous appelons les chercheurs à réfléchir à leur responsabilité individuelle. Pourquoi faire avancer des technologies néfastes ? Juste par curiosité ? Des questions se posent par exemple sur la géo-ingénierie susceptible de modifier le climat : toute innovation n’est pas forcément souhaitable. Les scientifiques se doivent d’être à l’écoute des citoyens et de ne pas se jeter là où il y a de l’argent.

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