Catherine Dargemont : « Une évaluation n’est pas un tableau Excel »

— Le 8 juillet 2020
Comment évaluer les labos ? La chercheuse Catherine Dargemont, candidate au Hcéres, explique à TMN sa vision.

Emmanuel Macron avait appelé en novembre dernier à changer un système d’évaluation « mou, sans conséquence », qu’en pensez-vous ?  

Emmanuel Macron parlait surtout, je crois, de l’évaluation des laboratoires qui cristallise tous les débats aujourd’hui. Pour que ce soit moins mou, les évaluations doivent répondre à des questions ; des saisines claires des tutelles permettraient de mieux contextualiser l’évaluation. On ne peut pas évaluer de la même manière tous les laboratoires, indépendamment de leurs missions, de leurs disciplines…. Il faut éviter de bêtes études bibliométriques — qui contredisent d’ailleurs les chartes internationales, comme Dora dont l’Hcéres est signataire — et n’éclairent personne. Une évaluation n’est pas un tableau Excel. Si l’évaluation se doit d’être discriminante, encore faut-il que ce soit selon des critères pertinents et adaptés aux laboratoires évalués.

Est-ce que l’évaluation des équipes ne se confond pas parfois avec l’évaluation des personnes ?

C’est la question, cruciale, du grain de l’évaluation qui peut aller d’un projet porté par une personne, jusqu’à une équipe de 200 personnes. Je propose d’évaluer les grands axes de recherche développés par les laboratoires, indépendamment de leur structuration interne. Ça évitera de trop “personnaliser” les évaluations qui peuvent alors être vexatoires, ce qu’il faut absolument éviter. Le Hcéres ne fait ni de l’évaluation de personnes, ni de l’évaluation de projets. Evaluer les axes de recherche permettrait d’émettre des recommandations plus directes et plus constructives, que les laboratoires pourront assumer plus collectivement.

Faut-il faire évoluer l’Hcéres vers plus d’indépendance ?

Le Hcéres ce n’est pas un ovni dans l’ESR, son cadre et ses missions sont définis par la loi. En revanche, il jouit de l’indépendance quant aux procédures et référentiels qu’il utilise et aux recommandations qu’il émet. Cette indépendance est déjà assurée par le fait que le Hcéres soit une Autorité administrative indépendante. Le passage en Autorité publique indépendante, que je préconise, ne changerait donc rien à l’indépendance de l’évaluation mais doterait le Hcéres d’une personnalité morale, il serait donc responsable de son budget et aurait le droit d’ester en justice. Sans personnalité morale, le Hcéres ne peut pas coordonner de programmes européens ou facturer des prestations à l’international. Ce statut faciliterait le développement de ressources propres.

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