La nouvelle ministre se bornera-t-elle à assurer le service après vente de la loi Recherche ?
Fumée blanche. On y est. Après un mois d’attente et pas mal de tergiversations, voici votre nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (mais pas de l’innovation) : Sylvie Retailleau. Au petit jeu des portefeuilles ministériels, nous ne l’avions pas vu venir. Mais force est d’avouer que sa nomination a la force d’une évidence tant elle incarne une forme de continuité, elle qui a cosigné un des rapports préliminaires de la Loi de programmation de la recherche (LPR) dès 2019.
« Shanghai incarne une forme d’excellence, certes, mais ne résume pas tout »
Sylvie Retailleau, interviewée par TMN en 2020
Course de témoin. La passation entre Frédérique Vidal et Sylvie Retailleau s’est déroulé fissa, une heure à peine après la nomination de la seconde, vendredi 20 mai. « Cette passation s’inscrit dans une parfaite continuité politique », reconnaissait elle-même la ministre sortante dans son discours d’au revoir. Quand Sylvie Retailleau, passée les politesses d’usage, rappelait la nécessaire « articulation des politiques de recherche de l’ensemble de nos opérateurs de recherche », à savoir CNRS, universités et tutti quanti.
Universités first. L’actuelle président de l’Université Paris Saclay — première en France, 13e mondiale, dixit Shanghai — est en droite ligne des déclarations du quasi candidat le 13 janvier dernier (que nous analysions avec vous) : les universités aux avants-postes, le CNRS à l’intendance. La première mission de la nouvelle ministre sera peut-être de réchauffer l’ambiance entre eux, actuellement glaciale, sur fond de répartition des preciputs et du devenir des Unités mixtes de recherche, qui les lient pour le meilleur et pour le pire.
« Essayer de contourner le manque de financement par un mécano institutionnel n’a pas de sens. »
Pierre Ouzoulias, sénateur
C’est la demie ola. La nomination de la présidente de l’université Paris Saclay, une figure déjà incontournable du monde de l’ESR, a fort logiquement été saluée par Udice, le lobby des universités de recherche intensive (dont Saclay fait partie), ainsi que par France Universités, le lobby des universités tout court (dont Saclay fait partie aussi). Côté syndicats, la CFDT se félicite a minima du maintien d’un ministère de plein exercice. Réactions beaucoup plus mesurées (litote) du côté du Snesup ou des collectifs de précaires.
Côté équipe. Sylvie Retailleau sera accompagnée rue Descartes par une équipe largement issue des rangs de Matignon : aura-t-elle les coudées franches ? Il y a pile un mois devant les sénateurs, Sylvie Retailleau pointait les « usines à gaz » produit par la LPR et plaidait urgemment pour une nouvelle loi de programmation (et d’investissement !) ciblée sur l’enseignement supérieur. Savait-elle seulement qu’elle allait devenir ministre et être en position de répondre à sa propre demande ?
Profil gauche. Le pari d’Emmanuel Macron avec cette nomination est le même qu’avec celle de Frédérique Vidal : une personnalité issue de la société civile, connue de ses pairs mais sans surface politique. Bousculée pour son manque d’écoute lors de la crise du Covid et sa promesse (non tenue) d’enquêter sur l’islamogauchisme, Frédérique Vidal quitte la rue Descartes sans avoir convaincu. Ira-t-elle étudier l’épistémologie, comme elle nous le déclarait ?
◆ Où est passé l’innovation ? ◆ Trop tôt pour tirer des conclusions puisque les décrets d’attribution ministériel ne sont pas encore sortis mais on retiendra de l’intitulé du portefeuille de Sylvie Retailleau que l’Innovation n’y figure pas, contrairement à celui de Frédérique Vidal. Et ce même si l’intéressée a bien précisé que l’innovation était dans ses prérogatives lors de sa prise de fonction. Est-ce le signe d’une reprise en main par Bercy du sujet ? On se rappelle que le spatial avait échappé aux mains du ministère de la Recherche il y a deux ans. Le Centre national d’études spatiales (Cnes) connait aujourd’hui des soubresauts suite à ce changement de tutelle. Numéro spécial la semaine prochaine ! |