L’ESR face à la crise énergétique

Aucune rentrée universitaire ne ressemble à la précédente : cette année, l’inflation et les économies d’énergie sont dans toutes les têtes.

— Le 21 septembre 2022

C’est certainement la décision la plus commentée de ces derniers jours : le président de l’université de Strasbourg, Michel Deneken a décidé de fermer l’université alsacienne 15 jours de plus cet hiver (une semaine à Noël, une semaine en février), en plus de régler les thermostats à 19°C et d’interdire les « chaufferettes ». Ce qui pourrait n’être qu’une virgule médiatique est en réalité le reflet d’une situation particulière des universités en ce mois de septembre pas comme les autres. Strasbourg n’est évidemment pas le seul établissement à se préoccuper de sa facture d’énergie, la France entière se préparant à un hiver rigoureux.

« Il faut maintenant identifier les activités énergivores, en arrêter certaines et en maintenir d’autres pour ne pas annihiler des semaines, des mois ou années d’effort »

Jean-François Carpentier, Rennes-I

Dans cette inquiétude combinée pour la fin du monde et la fin du mois, de nombreuses universités se préparent déjà à la douloureuse pour fin 2023. Rien que les dépenses énergétiques représentent au moins 100 millions d’euros au niveau national, selon France Universités, un doublement par rapport à 2021. Avec d’évidentes disparités entre les établissements : 3,2 millions pour l’université de Dijon, 2 millions pour l’université Paris Est-Créteil, 5 millions pour l’université de Marne-La Vallée, 2,2 millions pour Sorbonne Paris Nord, trois millions pour l’université de Rouen, 3 à 4 millions pour celle de Montpellier, rapportent les intéressés et les syndicats (Snesup).

Lumières tamisées. Outre les locaux et les amphis, les établissements accueillent également des équipements (calculateurs, synchrotrons, animaleries…) très énergivores. Michel Guidal, vice-président adjoint science et ingénierie de l’Université Paris Saclay s’inquiète de l’explosion des coûts du Mésocentre de Paris Saclay, particulièrement gourmand. Pour Jean-François Carpentier, premier vice-président de l’université Rennes-I, il faudra maintenant « identifier les activités énergivores, en arrêter certaines et en maintenir d’autres pour ne pas annihiler des semaines, des mois ou années d’effort ». Une circulaire ministérielle serait en préparation pour la fin du mois.

Covid, inflation, même combat ? « Sournoisement le spectre de la visio ressurgit », pointe Anne Roger. Pour Catherine Nave-Bekhti : « Les budgets explosant, la variable d’ajustement seront les emplois et les renouvellements ». Interrogée sur France Info le 20 septembre, Sylvie Retailleau veut y croire : « Nous allons accompagner les établissements dans ce plan de sobriété qui ne doit surtout pas être aux dépends des étudiants ou au détriment des postes ». La Première ministre Elisabeth Borne a pour mémoire présenté son plan de sobriété énergétique le 14 septembre dernier.

« La question des coûts est dans toutes les têtes (…) Mais il ne faut pas choisir entre recruter et se chauffer »

Catherine Nave-Bekhti, CFDT

Manuel Tunon de Lara, interrogé sur France Inter le 20 septembre, renchérit : « Beaucoup d’efforts ont été fait mais il reste de passoires énergétiques ». Nos confrères de l’AEF publie en avant-première un rapport de la Cour des comptes à propos du patrimoine immobilier des universités qui tombe à point nommé en ces temps de disette énergétique. Retenez notamment qu’un tiers des bâtiments sont en classe D et 17% en classe E. Pour les sages de la rue Cambon, il faudrait de 7 (selon le ministère) à 15 milliards d’euros (selon France Universités) pour rénover totalement le pléthorique patrimoine universitaire, le troisième de l’État, rappelons-le.

Vases communicants. Pour les syndicats de l’enseignement supérieur et la recherche, dont c’était également la rentrée médiatique cette semaine, l’inquiétude est là : « La question des coûts est dans toutes les têtes, avec des plans de fermeture hivernale dans les universités. Mais il ne faut pas choisir entre recruter et se chauffer », prévient Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT. Inquiétude partagée du côté du Snesup-FSU par la voix de sa secrétaire générale Anne Roger : « On n’a jamais eu une rentrée aussi difficile (…) ces surcoûts ajoutés à l’augmentation du point d’indice représentent de 30 à 80 postes par établissement ». D’autant que cette année, aucune annonce de postes ou de recrutement n’a été faite par le ministère avant l’été.

« Les établissements ne devront pas choisir entre chauffage et postes »

Sylvie Retailleau, ministre

En avant toute. A ces dépenses énergétiques s’ajoutent en effet l’augmentation du point d’indice de 3,5%, annoncée le 1er juillet dernier par le gouvernement. Bien que très inférieure à l’inflation, elle a un impact sur les budgets des établissements qui devrait être compensée pour 2023… Quant à une compensation pour fin 2022, le suspense reste encore entier au moment où le projet de loi de finances pour 2023 va entrer en discussion. Pour Sylvie Retailleau, les établissements marcheront « sur les deux pieds : on demandera des efforts exceptionnels au cas par cas mais nous serons là pour les accompagner, ils ne doivent pas choisir entre chauffage et postes ». Un numéro d’équilibriste qui durera jusqu’au printemps.

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