La génération montante voit-elle les choses différemment de ses aînés ?
Ils ont envie que ça bouge. Ils ont souvent une vision très différente de celle leurs pairs, notamment sur la question de la publication, y compris sur la question du facteur d’impact. Ils trouvent qu’on publie trop et trop vite pour répondre à des politiques d’évaluation ou rechercher des financements. Ils n’adhèrent pas à cette approche quantitative, qui met la qualité en difficulté. De manière générale, ils ne sont pas forcément dans la “slow science” mais prônent un système plus consolidé qui assure la reproductibilité qui leur permette d’être plus satisfaits des résultats qu’ils produisent et publient.
Pour autant, font-ils évoluer le système ?
Les choses bougent très lentement, évidemment parce qu’ils ne sont pas décisionnaires voire prisonniers du système d’évaluation. Ceux qui sont en poste disent qu’ils vont faire bouger les lignes mais sans grande conviction. L’Open Access est le credo d’une minorité agissante… qui parfois doit revoir ses pratiques d’ouverture, pour préserver ses chances de décrocher un poste ou un contrat. Dans le panel français, un militant OA a dû mettre ses pratiques “open” de côté pour obtenir un poste ; il faut d’abord capitaliser avant de partager et d’ouvrir. Cette personne a clairement été prudente par rapport à la réalité des processus de recrutement. Encore aujourd’hui, ce qui compte est de publier dans des revues indexées, reconnues par les communautés de recherche et les critères des politiques d’évaluation.
Rien ne différencie donc les jeunes du reste des chercheurs ?
Cette génération a grandi avec le numérique et les réseaux sociaux. L’étude a clairement montré un détachement de cette génération vis-à-vis des institutions académiques ou des revues en tant que marques, alors qu’elle est très concernée par ce qu’elle estime être sa communauté de recherche. La jeune génération a un côté “freelance”, “débrouille”, une autonomie plus importante, qui s’explique notamment par sa grande mobilité internationale. Cette stratégie utilitariste est liée à la précarité actuelle du statut des jeunes chercheurs, qui créée un détachement que certains appelleraient du cynisme. A tel point qu’à la question – qu’il nous coûtait de poser lors des entretiens –, « Diriez-vous que vous vous considérez comme un esclave du système? », les réponses recueillies sur l’ensemble des pays de l’étude ont été majoritairement « oui ».