Les chaires de professeurs juniors contestées envers et contre tout

La mise en place progressive des Chaires de professeur junior (CPJ) n’a pas éteint les critiques.

— Le 23 février 2022

Si vous avez raté le début.  Une nouvelle voie d’accès directe en trois à six ans à des postes de professeurs ou de directeur de recherche avec 200 000 euros de financement, un salaire confortable équivalent à dix ans d’expérience, une décharge d’enseignement (pour les universitaires, s’entend). Où est le hic ? Cette disposition de la loi Recherche a en effet concentré toutes les critiques depuis sa première évocation et son vote définitif, fin 2020, malgré l’application de quotas — pas plus de 15% des recrutements de profs, 20% des directeurs de recherche. En cause : le contournement des instances d’évaluation par les pairs ou par les concours.

Brouillard. Avec 92 chaires accordées fin 2021 aux établissements qui le souhaitaient, les Chaires de professeur junior ont connu un début timide, peut-être dû aux nombreux flous réglementaires entourant encore leur mise en place. Flous persistant d’ailleurs sur de nombreux points malgré l’insistance du ministère à promouvoir cette mesure emblématique de la loi Recherche.

Discrétionnaire. Comment les chercheurs embauchés disposeront des 200 000 euros de budget alloués par chaire ? Quels critères les mèneront à une titularisation présentée comme quasiment automatique (voir notre interview plus bas) ? Mystère aujourd’hui au moment où les petites annonces fleurissent sur les sites des universités et organismes : 92 au total pour la vague 2021, pour des profils très particuliers.

Capitaines ad hoc. C’était un des objectifs affichés de la mesure : attirer des profils “atypiques”, quitte à tricoter des fiches de poste sur mesure, très majoritairement en sciences dures. Comme le remarque Christophe Bonnet (Sgen-CFDT) :« Nous saurons dans quelques mois quels profils ont été recrutés. Pour certaines Chaires, ce ne sont même plus des postes à moustaches mais des portraits robots ! » 

Deuxièmes du nom. Le temps s’accélère puisqu’une circulaire du 05 janvier a initié une deuxième campagne auprès des établissements, campagne dont les résultats devraient être connus à l’heure où vous lisez ces lignes. Le ministère affiche toujours sa volonté d’en créer 300 en 2022, 300 personnes par an qui représenteront près de 2 000 recrutés dans six ans. Pour Philippe Aubry (Snesup) :« La question est aujourd’hui : que se passera-t-il financièrement au bout de la période de trois à six ans au moment de la titularisation ? C’est à ce moment que tout se jouera. »

Itinéraire bis. Si les “fast track” pour accéder au professorat ne manquent pas, comment s’insèreront ces juniors dans les laboratoires qui les accueilleront ? L’inégalité de facto créée par leur statut (lire notre interview de Christine Musselin) et les avantages qui y sont liés (financement, décharge d’enseignement) seront-ils solubles dans la vie des labos ? 

Notre analyse.  Et le CNRS dans tout ça ? Si les universités ne réclamaient pas ces CPJ, l’organisme de recherche en a défendu mordicus le principe. Or aucune demande de CPJ n’a été faite par le CNRS en 2021 au contraire de ses camarades (Inserm, Inria…). Retournement de situation le 22 février : le CNRS va demander 25 postes de CPJ pour 2022.

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