François Graner : « J’ai voulu comprendre ce génocide »

— Le 26 février 2021
Physicien le jour, historien la nuit, François Graner se penche depuis 25 ans sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda. Il vient d’obtenir l’accès aux Archives nationales, ce qui lui a permis de conforter certaines informations sur le rôle de l’Etat français dans le génocide des Tutsis et d’amener quelques révélations.

Chercheur au CNRS… mais en physique ! Pourquoi vous-êtes vous lancé dans ce travail d’historien ?

Le génocide des Tutsis en 1994 a été pour moi un énorme choc. Tout d’abord parce que j’avais grandi avec les slogans « Plus jamais ça » en réaction face à la Shoah, ensuite lorsqu’on a compris que la France y avait joué un rôle. A l’époque, dans les médias, c’était la confusion totale, on lisait des thèses complètement opposées sur ce sujet, un des plus importants de ce siècle. J’ai donc voulu comprendre.

Ce qui vous a amené à publier deux livres…

Fin 2010, j’ai voulu diffuser les informations que j’avais lues. Mon objectif était de produire un ouvrage clair, concis et convaincant. En tant que chercheur en physique, j’avais l’habitude de vulgariser au grand public. Pour la clarté et la concision, je savais donc déjà faire. Mais pour être convaincant, j’ai mis au point une méthode : n’utiliser que des sources militaires publiques vérifiables – car les civils étaient souvent accusés d’être militants et leur parole était décrédibilisée.

Qu’est-ce que ça vous a apporté ?

Sorti en 2014, mon premier livre a fait l’objet d’une recension dans Cahiers d’histoire. J’ai alors pu être considéré comme un historien non professionnel – ce qui n’est pas si rare dans le milieu. Cela qui m’a ouvert les portes pour interviewer des militaires haut gradés, comme le chef des armées de l’époque. J’ai également donné des dizaines de conférences ; à chaque fois que je me déplaçais en tant que physicien, j’essayais d’en programmer une le soir. Et cette année, une intervention au sein du séminaire des historiens Stéphane Audoin-Rouzeau et Hélène Dumas à l’EHESS est prévue.

Et pourquoi ne pas devenir historien à plein temps ?

Il y aurait de quoi : mes premiers travaux ont été féconds et ont suscité de nouvelles questions, c’est pourquoi je continue ! Cependant, cette activité reste cantonnée hors de mon temps de travail et je n’ai pas le temps de passer un master en histoire. Le CNRS ne m’a pas embauché comme historien, comme je le rappelle souvent aux médias. Enfin, être directeur de recherche en physique me plaît toujours.

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