29.01.2025 • N° 479 • LA RECHERCHE ET SA POLITIQUE
Mais où avons-nous la tête
Jus d’orange. Je me doute de ce que vous pourrez dire à la lecture de notre interview de la semaine : « Trump, encore ! ». Nous vous répondrons « oui », tant le sujet nous semble difficile à ignorer depuis le 20 janvier, jour de son investiture.
Outre Atlantique. La politologue et sociologue des sciences québécoise Ève Seguin vous propose une analyse politique — inouïe à mes oreilles, qui n’ont pas tout entendu loin de là — sur les racines du trumpisme cognitif qui semble affliger le monde.
Béats-Ba. Loin de notre scientisme parfois béat, elle pointe également la responsabilité des institutions scientifiques dans la situation actuelle. Alors, toujours positiviste ? Discutons-en par retour de mail.
— Laurent de TheMetaNews.
Sommaire
→ INTERVIEW De quoi le complotisme est-il le fruit ? Ève Seguin répond
→ BRÈVES Keylabs encore et encore, du « fric pour la recherche publique »
→ LA VIE DE L’ESR Votre lot de nominations hebdomadaires
→ EXPRESS Votre revue de presse
→ ET POUR FINIR Un petit quiz citation
TEMPS DE LECTURE : 6 ou 12 MINUTES |
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INTERVIEW
« L’image publique d’une science unifiée doit être abandonnée»
Sociologue des sciences et théoricienne politique, Ève Seguin veut bousculer le discours positiviste des institutions scientifiques pour rétablir la confiance.
↳ Quelle serait la bonne attitude à adopter pour la communauté scientifique ?
La communauté doit reconnaître qu’elle n’est pas unifiée et que les disciplines ne se comprennent pas nécessairement entre elles. Tous les scientifiques sont en réalité des profanes : un physicien des particules qui se rendrait à un congrès de biologie moléculaire ne comprendrait pas plus que vous et moi (…)
BRÈVES
Pendant ce temps dans la recherche
→ Tous ensemble, hé. La mobilisation continue contre l’annonce faite par le PDG du CNRS Antoine Petit le 12 décembre dernier (relire notre analyse) de concentrer les forces de l’organisme sur un gros quart de « laboratoires clés ». À tel point que certains médias nationaux (voir notre revue de presse ci-dessous) ont traité le sujet, fait plutôt rare. Une manifestation à l’appel de syndicats et de collectifs de chercheurs (RogueESR ou l’Association pour la liberté académique) s’est tenue lundi 26 janvier devant le siège du CNRS.
→ La moula. « On veut du fric pour la recherche publique », a-t-on pu entendre devant le Collège de France – nous y étions – ce lundi 27 janvier après-midi, alors que le nouveau ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Philippe Baptiste venait y présenter ses vœux aux personnels. Une petite centaine de personnes, dont pas mal de biologistes, attendaient le ministre pancarte à la main suite aux annonces des coupes budgétaires (voir également notre revue de presse). À force d’huer les invités passant le portail, une poignée de manifestants dont l’ex-président de l’Académie des sciences Alain Fischer (relire notre interview), a été reçu pour un échange avec le ministre. Le résultat de ces échanges est résumé ici par le Collectif « Pour une Recherche d’Avenir », estimant avoir été « écouté à défaut d’être entendu ».
→ Infos en vitesse. Le ministère chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche lance la 3e édition de Starthèse autour de l’entrepreneuriat des chercheurs • Brace for impact : le projet de loi de Finances pour 2025 arrive le 30 janvier dans sa dernière ligne à savoir la commission mixte paritaire, cénacle au sein duquel députés et sénateurs doivent se mettre d’accord • Le syndicat Unsa éducation a produit une intéressante note d’analyse au titre explicite : « Le lent désinvestissement de la France dans la R&D », chiffres à l’appui •
EXPRESS
C’est la vie de l’ESR
→ Le JO au pas de course. L’École nationale supérieure des arts décoratifs et l’École nationale supérieure d’architecture de Paris Malaquais intègrent l’Université Paris sciences et lettres (PSL) en tant qu’établissements-composantes relevant du ministère de la Culture • Les concours pour le recrutement de chargés de recherche de classe normale à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) sont ouverts • L’université Bordeaux-III est autorisée à accepter le legs qui lui a été consenti par Andrée Gorceix • La fondation de coopération scientifique « Mix Surg » prend le nom de « Institut Hospitalo-Universitaire de Strasbourg » • Une parcelle relevant du domaine public de l’État est déclassée et confiée au CNRS sur le territoire de la commune de Meudon • Quelques établissements obtiennent exceptionnellement le renouvellement de la qualification d’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général •
→ Ils réimpriment leur carte de visite. Sylvie Retailleau, professeure des universités et ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ainsi qu’Arnaud Ngatcha, adjoint à la Maire de Paris, sont nommés membres du Cercle Erasmus+ • Gilles Halbout est nommé conseiller éducation, enseignement supérieur, recherche et innovation à la présidence de la République en remplacement d’Anne Laude • Victoria Kiener est nommée conseillère communication et presse au cabinet d’Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche • Johanna Etner (titulaire) et Sophie de Ruffray (suppléante) sont nommées représentantes du ministre chargé de la Recherche au conseil d’administration de l’Institut national d’études démographiques • On connaît les membres du comité consultatif pour l’enseignement supérieur privé • Willy Bienvenut, titulaire, et Valérie Beaulieux, suppléante, sont nommés membres du conseil d’orientation de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (Onisep) • Olivier Palombi devient conseiller médical, enseignement supérieur et recherche auprès du ministre de la Santé Yannick Neuder • La Société d’accélération au transfert de technologie (SATT) Conectus annonce la nomination d’Emmanuel Poteaux en tant que président •
→ Et si c’était pour vous ? Les fonctions de directeur ou directrice de l’École d’économie et de sciences sociales quantitatives de Toulouse – TSE seront vacantes à compter du 1er septembre 2025 • De même pour l’Institut national universitaire Jean-François Champollion à compter du 1er mai 2025 •
EXPRESS
Votre revue de presse
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→ Ami-ami ? Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et sa rhétorique guerrière sur l’Europe, menaçant notamment de s’emparer du Groenland, inquiètent certains responsables de la recherche européenne, explique Science Business. De quoi pousser l’Union européenne à renforcer sa politique de coopération scientifique avec la Chine ou l’Inde ?
→ Tirelire en branle. Le PLF 2025 a été adopté par le Sénat : 630 millions d’économies sont à prévoir pour l’enseignement supérieur et la recherche. Françoise Combes, présidente de l’Académie des sciences, et Dean Lewis, vice-président de France Université s’inquiètent pour l’avenir de la recherche sur France Inter. Et ils ne sont pas les seuls. Même son de cloche de la part d’Anne Roger, Co-secrétaire générale du Snesup-FSU sur France Culture. Ainsi que de la part de Yasmine Belkaid, directrice générale de l’Institut Pasteur, sur France Info pour qui ces coupes budgétaires sont « quelque chose d’irréversible ».
→ Analyse ambitieuse. Qu’est-ce qui pousse les dirigeants politiques à financer la recherche scientifique ? Comment choisir à qui attribuer des fonds ? Ce sont les questions que David Monniaux, chercheur en informatique, se pose dans un billet de blog sur Médiapart avant de tenter d’analyser le mode de pensée des dirigeants.
→ Controverse. Didier Raoult fait de nouveau parler de lui. Le livre Les Juges et l’Assassin, coécrit par deux journalistes du Monde, revient sur la gestion des six premiers mois de la crise sanitaire. Pour Médiapart, le rôle accordé à l’épidémiologiste aux méthodes douteuses démontre comment Emmanuel Macron s’est souvent laissé guider par des considérations qui n’avaient rien de scientifique ↯.
→ No way. Depuis leur annonce en décembre 2024, les Keylabs n’ont cessé de faire polémique. Chercheurs et étudiants du CNRS étaient mobilisés le 27 janvier dernier devant le siège de l’organisme, à l’appel du collectif Rogue ESR, contre leur PDG Antoine Petit, explique France Info. En parallèle, France Universités a appelé à un moratoire et plus de 5 000 chercheurs ont signé une motion de défiance pour l’arrêt immédiat du label et la démission d’Antoine Petit, explique Reporterre.
QUIZ CITATION