Docteure en psychologie sociale et psychologue, Jeanne Boisselier a co-fondé avec Colin Lemée (relire ici son interview) l’association Doctopus. Elle vient de dispenser une première formation à l’attention des doctorants et nous éclaire sur le syndrome de l’imposteur. Comment savoir si l’on est atteint par le syndrome de l’imposteur ? Difficile d’y voir clair car une fois atteint par ce syndrome, les pensées sont distordues pour aller dans le sens de sa croyance : on est un imposteur. Mais il existe tout de même une forme de lucidité, que nous avons détectée dans les expressions libres des répondants à notre enquête Doctopus. Le savoir ne veut pas dire en guérir mais cela permet de remettre en question son mode de pensée, ce qui est une première étape. Les doctorants sont-ils particulièrement touchés ? Nous pensons que le doctorat est un terreau favorable. Ce n’est pas prouvé par des études rigoureuses mais de nombreux indices vont dans ce sens. En tant que doctorant, les mesures fiables manquent pour savoir si l’on fait « bien ou pas bien », ce que recherchent justement les personnes présentant le syndrome de l’imposteur. Venant de master, le gap est énorme : les doctorants sont souvent évalués sur le long terme, de manière abstraite, parmi des chercheurs possédant trente ans d’expérience. Les encadrants peuvent-ils aider ? C’est super si l’encadrant est rassurant. Mais une bonne relation avec son directeur de thèse peut ne pas suffire : un doctorant évolue dans un cadre beaucoup plus large, au milieu d’autres doctorants plus âgés et de chercheurs parfois reconnus… De manière générale, nous recommandons de demander l’avis de personnes de confiance. Les femmes sont-elles plus touchées ? Nous manquons de données sur le sujet mais une chose est certaine : le sentiment d’imposture touche particulièrement les minorités – de classes sociales, d’origine, de couleur de peau… En l’absence de modèle, l’identification est plus difficile et la solitude peut se faire ressentir, conduisant à penser que la personne n’est pas à la bonne place. Dans certaines disciplines où les femmes sont en minorité, celles-ci peuvent être plus enclines à développer ce syndrome. |
Hélène Gispert : « L’absence des femmes aux Nobel n’est que la partie émergée de l’iceberg »
Les femmes sont encore une fois les grandes perdantes de cette série de Nobel 2024. Faut-il s'en indigner ? En effet, si l’on regarde les cinq dernières années, sur les trois prix de médecine, physique et chimie, 29 hommes et seulement six femmes ont été récompensés....