26.01.2024 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE
De publis et d’eau fraîche
Drogué. Publishing addiction ? Le terme a été introduit dans la littérature, non sans ironie, par Andrew Finlay qui, du haut de ses 400 publications, se qualifiait lui-même d’accro à la publi.
Inoubliable. Vous souvenez-vous de ce que vous étiez en train de faire lorsque vous avez reçu l’email annonçant que votre premier papier était accepté ? Et le sentiment qui vous a envahi ? Vous avez certainement envie que ça recommence. Encore et encore.
Inventivité. Un phénomène évidemment accentué par la course à la publication qu’on aborde dans notre analyse de la semaine avec une nouvelle technique de fraude pour gonfler les citations. Le classement des chercheurs les plus cités (HCR) pourrait-il être entaché ?
À très vite,
— Lucile de TheMetaNews
PS Notre campagne « Demain, ouvrir TMN » bat son plein. Toutes les infos.
Sommaire
→ ANALYSE Un nouveau type de fraude à la citation décrypté
→ OUTIL Utilisez le “bullshitomètre”
→ CHIFFRE Les nouvelles revues open
→ EXPRESS Votre revue de presse
→ ET POUR FINIR Dalí dans l’amphi
TEMPS DE LECTURE : 5 ou 10 MINUTES |
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ANALYSE
Quand les citations jouent à cache cache
Des petits malins ont trouvé une combine pour gonfler leur nombre de citations. La liste des chercheurs les plus cités pourrait-elle en être affectée ?
↳ Fin limier. Guillaume Cabanac, enseignant chercheur en informatique à Toulouse, traque depuis plusieurs années les fraudes. Il a notamment mis en lumière les phrases torturées, ces expressions traduites dans une langue puis dans l’autre qui ne veulent plus rien dire. En mai 2022, son attention est attirée par une étrangeté (…)
OUTIL
Utilisez le “bullshitomètre”
Publis de confiance. Connaissez-vous le “foutaisomètre” ? Au-delà de sa dénomination légère, cette fiche très sérieuse aide à évaluer la qualité d’une source en attribuant des points positifs ou négatifs selon une liste de critères : le sujet fait-il partie du domaine d’expertise de l’auteur ? La date de publication ou de mise à jour est-elle en évidence ? Réalisée par Pascal Martinolli, bibliothécaire à l’Université de Montréal, il s’agit de la version francophone (en pdf ici) du fameux “bullshit-o-meter” (en pdf là). À adapter bien évidemment à votre discipline et à ses usages. Merci encore une fois à la Rédaction médicale.
EXPRESS
Des infos en passant
● À la barre. La relaxe a été prononcée pour les Scientifiques en rébellion dont l’audience s’était tenue le 30 novembre 2023 au tribunal de Paris (nous y étions, voici notre compte-rendu). Suivant les réquisitions du Parquet, le tribunal a annulé les amendes infligées aux activistes qui avaient occupé sans violence le Muséum national d’Histoire naturelle en avril 2022. Une victoire pour le collectif qui faisait l’expérience de son premier procès. Leurs homologues espagnols ne bénéficieront peut-être pas de la même clémence : le procureur du tribunal de Madrid a requis 21 mois de prison pour avoir repeint en rouge sang le Palacio de las Cortes des députés espagnol. Les rebelles scientifiques dénoncent une criminalisation croissante du mouvement.
● Concours 2.0. Suite à notre point concours de la semaine dernière, certains d’entre vous ont réagi : il existe d’autres concours de (enseignants) chercheurs ! Le ministère de la Transition écologique recrute par exemple entre 10 et 20 chargés de recherche dans le développement durable chaque année – on vous préviendra de l’ouverture du concours. Le Conseil national des astronomes et physiciens (CNAP pour les intimes) recrute quant à lui en ce moment-même via la plateforme Galaxie (normal pour des astronomes, direz-vous). Vous en connaissez d’autres ? Faites-nous signe.
● À qui le tour ? L’Université de Strasbourg quitte à son tour le réseau social X (ex-Twitter). Après Bordeaux, Aix-Marseille ou Rennes 2, les raisons invoquées sont toujours les mêmes : le virage nocif de la plateforme – n’hésitez pas à relire notre article sur le sujet. Le compte sera suspendu jusqu’à fin février pour laisser ce message visible, date à laquelle il sera définitivement supprimé, explique le communiqué de l’établissement qui s’est rabattu sur Bluesky.
● Vieux barbus à lunettes. Comment attirer plus de jeunes femmes en maths ? En faisant bouger le monde des maths, affirment les autrices de l’ouvrage Matheuses qui sort chez CNRS Éditions. Nous vous en parlerons plus longuement bientôt mais d’ici là, vous pouvez les rencontrer, elles sont en tournée dans toute la France (dates sur la même page).
Mais aussi… Une enquête par l’Inalco sur les terrains de recherche « empêchés » ou « entravés », en français ou en anglais ● Expérimentation animale : une nouvelle méthode pour réduire le nombre d’animaux est exposée dans la revue Lab Animal ● Nouvelle version du jeu À l’asSO avec vingt nouvelles questions pour apprendre ou initier les nouveaux à la science ouverte. On vous en parlait en octobre 2020, ce qui ne nous rajeunit pas ● Les citations sont plus diversifiées, notamment en terme géographique, dans les papiers en open, conclut une étude dans Scientometrics●
CHIFFRE
55%
Plus de la moitié des revues créées entre 2011 et 2020 sont en open access, révèle un article publié dans la revue Information research. Parmi celles qui n’exigent pas de frais de publication (APC), beaucoup sont éditées par des universités, notamment dans des pays où les grandes maisons d’édition ne sont pas présentes (Brésil, Indonésie, Espagne). Au passage, 46 titres des Presses universitaires de Rennes passent en accès ouvert.
EXPRESS
Votre revue de presse
→ Gros ventre sous la blouse. Maternité et recherche académique sont-elles compatibles ? Les institutions aident-elles les chercheuses qui veulent avoir un enfant ? Cinq universitaires britanniques témoignent pour Times Higher Education.
→ Loin des bombes. Malgré les sanctions internationales, la vie continue dans les labos russes où la plupart des chercheurs n’osent pas se plaindre – par retenue face aux horreurs de la guerre en Ukraine mais aussi par peur du régime. Courrier international traduit un reportage du magazine Science faisant le point sur la recherche russe deux ans après le début des conflits ↯.
→ Chassez le naturel. Les prix Nobel exilés à l’étranger seraient-ils les arbres qui cachent la forêt ? L’Étudiant aborde la fuite des cerveaux à travers des points de vue très différents : celui du président de l’Université de Strasbourg Michel Deneken – que nous avions interviewé sur un tout autre sujet – et celui du sociologue Charles Bosvieux-Onyekwelu, auteur d’un livre sur la précarité dans la recherche.
→ David contre Goliath. Cela fait dix ans que trois chercheurs australiens traquent les fraudes de Yoshihiro Sato – décédé depuis – et Jun Iwamoto, tous deux bien placés dans le top 10 des rétractations. Et c’est l’heure du bilan : un tiers des 300 publications signalées aux éditeurs n’ont fait l’objet d’aucune mesure, rapporte Science. Les lanceurs d’alerte avouent leur fatigue.
→ Précieux sang. Les sanctions commencent à tomber pour les travaux utilisant des données biométriques obtenues de force, notamment auprès des Ouïghours, par le gouvernement chinois. Rappelez-vous, le biologiste Yves Moreau nous en parlait en 2020. Il continue le combat, craignant la publication de nombreuses nouvelles études violant les règles éthiques alors que le rythme des rétractations reste bien trop lent, rapporte Nature.
→ Coup d’État. L’ensemble du comité éditorial de la revue Theory and Society a démissionné suite à la décision prise sans consultation par Springer Nature d’installer de nouveaux responsables à la tête de la revue, rapporte Retraction Watch. La raison serait-elle politique ? Les désaccords de fond sur l’approche scientifique mais aussi sur la gestion de la revue sont évoqués dans les nombreux commentaires qu’a généré la nouvelle.
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