La folle semaine des Nobel



9 octobre 2020 /// L’actu des labos
Cachés sous
les paillettes

Ça brille de mille feux ! Entre la Fête de la science et les prix Nobel, on célèbre la science cette semaine. La science, la science… mais qui la fait ? Et comment ? Qu’est-ce qu’il reste quand on gratte sous le maquillage ?
En ces temps difficiles, même La Fête de la science fait réagir : une trahison pour l’auteur de ce billet, un pas vers le grand public pour le chercheur qui lui répond. Il ne faut en effet pas oublier les chercheurs et médiateurs qui s’efforcent de garder un lien avec les citoyens. 
Tout le monde s’accordera sûrement sur la nécessité de parler des enjeux quotidiens des chercheurs et pas uniquement de leurs résultats (et c’est modestement ce que nous faisons à TheMetaNews).
Bonne lecture,
Lucile de TMN


Ils sont beaux, ils font de l’inno. Elodie Chabrol va à la rencontre de chercheurs qui ont sauté le pas. Second épisode avec Pauline Eveno, entre jazz et science. 

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4 minutes de lecture sous les confettis



La folle semaine des Nobel


Petit bilan de ces quelques jours de folie venue de Stockholm.


C’est une Nobel, saurez-vous trouver laquelle ?
Des femmes. Lundi,  zéro. Mardi, une. Mercredi, deux. Jeudi, trois ?… Non, on s’arrête là. Andrea Ghez est la quatrième femme à recevoir le Nobel en physique. Quant à Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, elles sont sixième et septième sur la liste des lauréates féminines en chimie. Mais pourquoi si peu de femmes sont récompensées ? Réponse du comité : parce que les résultats récompensés datent parfois d’il y a 30 ans. Il faut prendre son mal en patience…

 Une Française. Cocorico ! La prix Nobel de chimie Emmanuelle Charpentier est française. Quelle université va pouvoir grimper dans le classement de Shanghai ? Aucune, car la chercheuse exerce à Berlin. La ministre Frédérique Vidal a beau se féliciter qu’« Emmanuelle Charpentier est un exemple de l’excellence de la formation à la française », cela a vite déchainé les foudres des twittos.
Des moyens. Malgré son début de carrière en France, la chimiste a vite quitté l’Hexagone. En 2016, Emmanuelle Charpentier s’exprimait ainsi suite au prix l’Oréal : « Je ne sais pas si, étant donné le contexte, j’aurais pu mener à bien le projet Crispr-Cas 9 en France. Si j’avais fait une demande de financement, il est probable que l’Agence nationale de la recherche (ANR) n’aurait pas alloué de fonds à mon projet. »
 Des virus. Nous sommes donc bien vite rattrapés par la réalité du monde de la recherche, moins reluisante. En plus, le prix Nobel de médecine récompensant les travaux sur l’hépatite C rappelle la situation sanitaire critique dans laquelle nous sommes actuellement avec la Covid et la pression sur les chercheurs pour y trouver une solution (voir plus bas notre interview de Bruno Canard ).


Un chiffre
 -70% 
C’est la chute libre dans la création de poste aux États-Unis par rapport à l’an dernier, d’après Science Mag. Les universités rouvriront peut-être leurs appels à candidatures l’an prochain, mais les jeunes chercheurs en quête d’un poste académique font face à des situations très compliquées.


Vous n’en avez pas eu assez ? Voici  une version longue de l’interview d’Arnaud Saint-Martin parue dans un précédent numéro ! La science est-elle en danger ? Le sociologue prône le collectif et l’autonomie.

3 questions à… Bruno Canard
« Derrière un prix Nobel, il y a des jaloux, de l’aigreur »


Suite à la récompense des travaux sur l’hépatite C par le prix Nobel de physiologie/médecine, le virologue Bruno Canard remet les points sur les i.


Un chercheur qui n’a pas la langue dans sa poche.
Suivez-vous habituellement la remise des prix Nobel ? Non, ce sont plutôt pour moi des discussions de café. L’attribution des prix permet d’ouvrir de nouvelles discussions, de satisfaire notre curiosité scientifique. Mais ce système de « starification » de la science est une ineptie. Derrière chaque prix Nobel, il y a énormément de polémique, de jaloux, d’aigreur… et surtout un véritable travail d’équipe !

Qu’en est-il du prix de physiologie/médecine de cette année ? Le prix récompense trois performances et un travail exceptionnel. Mais d’autres ont été oubliés. Je pense par exemple à Ralf Bartenschlager [prix Lasker en 2016, NDLR] qui a développé la recherche sur les traitements. Et bien sûr aux découvreurs des médicaments efficaces actuels. En effet, l’hépatite C a été la première maladie virale à pouvoir être éradiquée grâce à un traitement. C’était une révolution incroyable.

Qu’ont apporté ces découvertes à la virologie actuelle ? On pense bien sûr aux recherches d’un traitement pour la Covid et ces résultats sont importants pour ça. Ce sont des défis en échelle : la difficulté supplémentaire majeure – en plus de la mutation rapide du virus – est maintenant que la fenêtre de traitement est seulement de quinze jours et qu’il faudra donc une molécule très efficace.

A quand le prix Nobel pour une solution à la Covid ? Sans faire de pronostics, il est sûr que ce sera une grosse découverte et qu’elle sera récompensée. Il sera cependant plus difficile de l’attribuer à une seule personne étant donné le caractère collaboratif des recherches actuelles. Si auparavant une découverte pouvait se faire “par hasard”  en cherchant dans son coin, ce n’est plus le cas.


Bruno Canard a repris son activité de recherche sur les coronavirus depuis le début de la crise de la Covid. Depuis plus de 5 ans, il se bat pour obtenir des équipements de microscopie coûteux mais indispensables à la biologie structurale. Pour, selon lui, « revenir dans la compétition internationale après la déculottée – pas juste un décrochage ! – que l’on s’est prise ».


Des infos en passant //////// Encore des paillettes, les résultats du prix Jeunes Talents France de L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science sont tombés //////// Un chercheur quitte l’académie et la France, il explique pourquoi sur son blog //////// Les bourses Marie Curie vont-elles être prolongées ? Ca se négocie, rapporte Science Business //////// Une pétition pour plus de postes, encore une ? Oui mais cette fois-ci c’est en Suisse //////// « Un doctorant qui ne déprime pas, ce n’est pas un bon doctorant », ont entendu les étudiants à une réunion d’information de l’ENS Paris-Saclay //////// 


Votre revue
de presse express



Et pour finir…

Cette rotation à l’infini est obtenue grâce à un algorithme récursif. Le code est en libre accès pour renouveler l’expérience avec votre prix Nobel préféré ou même avec votre portrait. Hypnotique, non ?