La suppression de l’ENA signe-t-elle le grand soir de l’accession des docteurs à la haute fonction publique ? C’est moins évident qu’il n’y paraît. On ferme. Annoncée par Emmanuel Macron il y a déjà plus d’un mois, mais en gestation depuis presque cinquante ans, la suppression de l’ENA et sa transformation en un Institut de service public, « tronc commun » à treize écoles est une promesse remontant à avril 2019, en pleine crise des Gilets jaunes. Le président a tenu d’ailleurs presque exactement les mêmes propos à deux ans d’intervalle :« L’Institut sera plus ouvert au monde académique et de la recherche, en France comme à l’international. » Promotions docteurs. Après l’ouverture des concours de l’ENA aux docteurs en 2013 et la création d’un concours spécial docteurs en 2019, c’est un nouveau pas pour les promoteurs du doctorat, surtout en sciences sociales. La Conférence des présidents d’université prévient néanmoins :« La réforme du recrutement et de la formation des hauts fonctionnaires ne peut se résumer (…) à un ravalement de façade. » Tout changer pour ne rien changer. Cette inquiétude est partagée par d’autres, qui pointent des résistances internes et le risque paradoxal que le nouveau cursus ISP ne désavantage même les docteurs, en les obligeant à allonger encore des études déjà très longues. Yann-Maël Lahrer, fondateur d’Okaydoc, renchérit :« J’ai peur que ce soit une opération de rhabillage, on change le nom mais pas la philosophie de la fonction publique en apportant une petite dose de diversité sociale mais pas intellectuelle. » Role model. Certains incarnent déjà néanmoins cette volonté de “doctoriser” la haute fonction publique, même si ils sont encore une minorité, comme Anastasia Iline, haute fonctionnaire qui a intégré l’ENA à l’époque où le concours spécial docteur n’existait pas encore :« Dans certains pays ne pas avoir de doctorat est impensable, le paysage français est très spécifique mais l’Europe et l’international joue pour nous. Il y a quand même des freins : la valeur intrinsèque d’un doctorat varie selon les disciplines. » Un tour dans les archives. Tenter le coup des concours de l’ENA ne coûte rien, la preuve avec cette interview du physicien Quentin Glorieux, reçu dans les hautes sphères… avant de finalement décliner la proposition. |
L’autre pays du doctorat Être docteur outre-Rhin, ça pose sa femme (ou son homme) : le titre de docteur est notamment mentionné sur la carte bleue et la carte d’identité. L’Allemagne, où l’université forme l’élite des administrations contrairement à la France (Napoléon y est pour beaucoup), n’est pourtant pas un paradis pour les chercheurs, rappelle RogueESR dans cette analyse fouillée. Le mandarinat et la précarité y prospèrent en effet. Et si la comparaison France-Japon vous intéresse, consultez cette étude, qui remonte certes un peu, mais montre que faire briller le doctorat, c’est aussi (et surtout) une question de volonté politique. |