Les doctorants veulent jouer les prolongations

— Le 20 mai 2020
Le flou entourant la prolongation des contrats doctoraux crée des tensions. On en sait (un peu) plus aujourd’hui.

L’unanimité totale dans la recherche est rare. Mais le cas de la prolongation des contrats doctoraux fait l’unanimité : universités, syndicats (pas un ne manque à l’appel), directeurs de laboratoires (par la voix de l’ADL) associations, sociétés savantes, institutions et organismes de recherche et financeurs comme l’Agence nationale de recherche (ANR) sont tous suspendus aux annonces de Frédérique Vidal (et à l’arbitrage de Bercy).

Le 23 avril, la ministre avait pourtant donné un signal positif : les contrats doctoraux ou post-doctoraux pourraient être prolongés « si nécessaire » d’un an et les crédits non consommés reportés en 2021, notamment ceux de l’ANR. De plus, il « coulait de source » que les établissements ne paieraient pas de leur poche. Concernant l’ANR la mesure, financièrement neutre, a été réglée rapidement… mais tout autre engagement budgétaire est encore pendant.

La loi jette le trouble. Pour ne rien clarifier, la loi d’urgence en discussion à l’Assemblée nationale ne prévoyait qu’une prolongation à durée très limitée, celle de l’état d’urgence, avant que le gouvernement revienne sur cette demi-annonce par amendement. Restait maintenant l’essentiel : éviter aux structures de recherche d’avoir à financer elles-mêmes ces prolongations, ce que la ministre semble avoir fait hier.

Les besoins de prolongement sont très hétérogènes, de zéro mois à un an ou même plus si un terrain a été annulé, une lignée de souris euthanasiée ou un printemps raté, le ministère de la Recherche a demandé un état des lieux précis (en voici un exemple).
Qui prolonger ? Pour quelle durée ? Sur quel critère ? On voit se profiler des « arbitrages horribles » en cas de manque de moyens, pour paraphraser un connaisseur du dossier.

Frédérique Vidal donne quelques garanties. Dans une allocution (à distance !) devant les députés le 19 mai, la ministre a assuré que l’Etat « sera là pour financer » la prolongation des contrats. Reste maintenant à connaître le sort des doctorants et post doc qui ne relèvent pas de l’Etat mais de régions ou d’associations par exemple. Frédérique Vidal a promis une circulaire rapidement sur le sujet : « On ne demandera pas à chaque doctorant d’aller au guichet de son financeur ».

Le chiffrage de la mesure est compliqué. Plusieurs estimations existent : le chiffre de 55 millions d’euros équivalent à deux mois de prolongation pour tous, qui a circulé de source ministérielle, a tout d’un prix plancher. Les sociétés savantes évaluent la prolongation de trois mois de tous les contrats à durée déterminée en recherche et dans les universités  à 362 millions. La question politique est plutôt : pourquoi faire l’économie de cette dépense alors que les doctorants sont le bras armé de la recherche en France ?
Interdits de labo

 La loi est absurde mais c’est la loi : le décret « post confinement » du 11 mai 2020 (exactement son article 12) interdit aux « usagers » l’accès aux établissements d’enseignement supérieur. Et par « usagers », la loi entend de nombreuses catégories… dont une partie des doctorants, à savoir ceux qui ne sont pas salariés par l’université, comme les boursiers ou ceux dépendant d’un organisme de recherche mais aussi tous les étudiants en stage par exemple. Une contradiction qui n’est pas qu’apparente avec les directives de déconfinement du ministère de la Recherche qui précisent que « la reprise progressive des activités de recherche en présentiel pourra concerner l’ensemble des personnels qui y concourent, quel que soit leur statut juridique ».

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