vendredi 19 juin 2020 /// L’actu des labos
Une génération
chasse l’autre
Les millennials prennent difficilement leur place dans la recherche. Aujourd’hui autour de la trentaine, ils ont vu déjà passer beaucoup de réformes, et le nombre de postes s’amenuiser.
Cette génération ne semble pourtant pas s’opposer aux précédentes et cultive une sorte d’exception française en restant critiques du système (voir notre enquête ).
Y aura-t-il un gap plus grand avec la « gen Z », biberonnée au smartphone ? « OK boomer », on en parle la semaine pro’.
Bonne lecture,
Lucile de TMN
PS. Après trois mois d’absence, vous avez de nouveau rendez-vous avec Matilda. Notre Matilda est cette fois Pérola Milman. A écouter absolument. |
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Si vous n’avez que 30 secondes
• Les millennials sont critiques du système, surtout les Français
• Un outil bien pratique pour votre biblio ;
• La confiance dans les scientifiques chute ;
• Télétravailler n’est pas une sinécure, selon Marianne Le Gagneur ;
• Votre revue de presse express. |
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A partir d’ici 4′ de lecture enrichissante.
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La France a les millennials qu’elle mérite |
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Les chercheurs français, fidèles à leur culture académique, critiquent la course à la citation, au contraire de leurs confrères étrangers |
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Les intéressés comprendront
Les Français se distinguent. Les « millennials » (ou génération Y), aujourd’hui pour la plupart en postdoc ou tout juste titularisés, utilisent largement les métriques basées sur les citations (impact factor, h-factor…) à la fois pour évaluer leur propre travail ou juger celui des autres. Mais si 61% les utilisent en moyenne à l’international, cette proportion est de seulement 39% en France. « Les Français sont clairement critiques, ils ont des modes de fonctionnement plus réflexifs », déclare Chérifa Boukacem-Zeghmouri.
« C’est très facile de manipuler les altmetrics, je ne leur fais pas confiance. »
Un jeune chercheur interviewé dans Harbingers.
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Et les alternatives ? Les jeunes chercheurs français restent toutefois très méfiants par rapport aux « altmetrics » (voir encadré) : 80% des sondés ne les utilisent pas, contre 59% tous pays confondus. « C’est très facile de manipuler les métriques alternatives, je ne leur fais pas confiance. On peut facilement observer comment ces gadgets participent aux jeux d’influence », leur confiait un des Français interrogés durant l’enquête préliminaire.
L’exception française a du bon. Les Français restent attachés à la qualité des publications, quitte à produire moins. La tradition hexagonale de formation à la recherche et la politique d’évaluation moins agressive qu’au Royaume-Uni ou qu’en Chine les protège encore. « Un système d’évaluation basé uniquement sur les publications entraîne une véritable distorsion dans la recherche. Surtout lorsqu’on ne donne pas plus de moyens aux chercheurs pour travailler », conclut Chérifa Boukacem-Zeghmouri.
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Mais que sont les altmetrics ?
Le très vaste et nouveau monde des métriques alternatives ou « altmetrics » reste encore peu connu. Quelques unes de ces métriques sont quand même rentrées dans les mœurs : le nombre de téléchargement, le nombre de tweets… Mais pour Chérifa Boukacem-Zeghmouri, un des plus pertinents est le nombre de fois où l’article est entré dans un logiciel de gestion des références (comme Zotero).
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C’est dans la boîte (à outils)
Tous connectés |
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Un chiffre qui en dit long
– 10 points
C’est la baisse de la confiance dans les scientifiques entre le 16 mars et le 30 avril, où elle chute à 76%). Selon le projet Citizens’ Attitudes Under the Covid-19 Pandemic, 36% des Français estiment « probable » que les scientifiques cachent des informations. Sylvain Brouard du Cevipof propose trois explications : les décisions politiques qui ont exposé les scientifiques via les conseils d’expert, la polémique des masques et enfin l’affaire Raoult.
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Des infos en passant //////// Les conduites contraires à l’éthique, comment enquêter de manière standardisée dessus ? Des chercheurs japonais posent les bases dans la revue Accountability in Research (eh oui ça existe) //////// Les répercussions du confinement sur les jeunes chercheurs : une première enquête au Royaume-Uni dans eLife //////// |
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//////// L’association pour la Qualité de la science française (QSF) dénonce l’hybridation des cours (dont on vous parlait il y a deux semaines et que Perola Milman récusait dans sa lettre ouverte) //////// Les chercheurs deviennent parfois parents : comment les universités devraient les accompagner dans cette étape, par la LERU (League of European Research Universities) //////// |
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Trois questions à… Marianne Le Gagneur
« Télétravailler doit rester un choix »Spécialiste du télétravail chez les cadres, Marianne Le Gagneur a du pain sur la planche. On lui a demandé d’extrapoler et de parler des chercheurs. |
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Le télétravail n’était-il pas relativement naturel pour les chercheurs ? Ils n’ont pas attendu le confinement pour s’y mettre et sont dans la catégorie socio-professionnelle qui utilise d’habitude ce dispositif. Mais, alors que le télétravail se fait en général à distance du lieu de travail dans le cadre d’accords négociés, les chercheurs l’effectuaient souvent sous forme de « surtravail », en poursuivant leur journée de travail à la maison. Ce « surtravail », en dehors de tout cadre légal, va dans le sens de la liberté des espaces de travail du chercheur.
La recherche est un travail collectif. Y-a-t-il un risque de perte de sens ? Tout à fait. Dans ce télétravail qui s’est installé sur le long terme, des solutions ont été mises en place pour pallier cette solitude. Mais la situation était plus compliquée pour celles et ceux qui s’occupaient de leurs enfants à domicile – et en particulier pour les femmes, qui ont en moyenne moins publié. La perte de sens peut s’expliquer par la disparition du collectif mais, pour moi, elle est avant tout due à la crise que nous avons vécue. Certains chercheurs ont pu se sentir désœuvrés car pas directement utiles.
Comment envisager le retour à la normale ? Le télétravail va probablement se répandre mais il doit rester choisi et non subi. Car si certains sont très intéressés par le télétravail, pour d’autres, ne plus se rendre sur leur lieu de travail est vécu comme une privation. De plus, au lieu de laisser le flou sur les conditions de travail des chercheurs et les laisser gérer eux-mêmes, on pourrait élaborer des règles communes comme le télétravail partiel et fournir des outils adéquats. On a laissé aux individus la charge de prendre soin les uns des autres car rien de systématique n’a été mis en place au niveau institutionnel.
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