L’IA s’invite partout

07.02.2025 • N° 482 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE


ChatGPT n’est pas une fatalité

Éléphant. Alors que s’ouvrait hier le volet scientifique du Sommet pour l’action sur l’IA à Polytechnique – nous y serons aujourd’hui – comment ne pas aborder ce sujet qui bouleverse tant de secteurs, que ce soit la recherche ou le journalisme ?

Main invisible. Plus de réglementation pour garantir la fiabilité de l’information, c’est l’objet d’une tribune signée par cinq syndicats d’éditeurs de presse — y compris le Spiil auquel TheMetaNews adhère —, dans un contexte où les médias alimentent la bête, la plupart du temps « à l’insu de leur plein gré ».

Noir sur blanc. La tribune exige ainsi le respect d’un droit d’opposition à ces pratiques, ainsi que la traçabilité des sources et une rémunération en cas d’exploitation des contenus par les IA. Des problématiques très proches de celles de la recherche sur fond d’ouverture des publications et des données.

Reprendre la main. De l’intime à la géopolitique, l’IA s’invite décidément partout, comme le prouve notre entretien avec l’expert spécialisé sur les impacts de cette technologie et ses enjeux de souveraineté, j’ai nommé Pierre Noro.

Bonne lecture, 
— Lucile de TheMetaNews

Sommaire

→  INTERVIEW  De l’intime à la géopolitique, Pierre Noro décrypte l’IA
→  OUTIL  Calculez l’empreinte de vos pipettes
→  CHIFFRE  La météo de la science ouverte
→  EXPRESS  Votre revue de presse
→  ET POUR FINIR Felis domesticus scholasticus

TEMPS DE LECTURE : 5 ou 10 MINUTES

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INTERVIEW

« L’IA n’est pas un 100 mètres mais une course d’orientation »

Affilié à Sciences Po et à l’Université Paris Cité, Pierre Noro cumule les casquettes d’enseignant et d’expert avec un point commun : l’impact des technologies numériques et leurs enjeux de gouvernance. Entretien quelques jours avant l’AI Action Summit.

Crédit photo : Juno Grace Lee

 

Vivons-nous vraiment un moment de rupture sur l’IA ?

   ↳ Une rupture dans les usages, oui. Depuis la sortie de ChatGPT et les progrès dans les grands modèles de langage (ou LLM en anglais), les textes produits sont d’une très grande qualité. Alors qu’ils restaient principalement des gadgets développés par fascination technologique il y a encore quelques années (…)

OUTIL

Calculez l’empreinte de vos pipettes

Est-il plus vertueux pour la planète d’utiliser des pipettes en verre ou en plastique jetable ? Développé au sein du labo Micalis de l’Inrae, l’outil EcoLabWare calcule les empreintes carbone et eau de chaque option, en tablant sur trente réutilisations – un paramètre que vous pouvez modifier. Comme vous pouvez vous en doutez, le verre gagne haut la main, mais les procédés de lavage nécessaires à son usage ne sont pas toujours faciles à mettre en place. Alors qu’un chercheur en biologie consomme en moyenne jusqu’à 20 fois plus de plastique qu’un Européen lambda, des actions voient le jour. Un exemple ? Le laboratoire de microbiologie de l’Institut Roslin de l’Université d’Édimbourg a réduit de 75% sa consommation de tube en plastique, décrypte Labos 1point5.

EXPRESS

Pendant ce temps dans les labos

● Coup dur. Le dispositif « Jeune Docteur » du Crédit d’impôt recherche, incitant l’emploi des docteurs dans le privé, a disparu dans le nouveau projet de loi de finances (PLF) 2025. Au grand regret de l’association nationale des docteurs (ANDès) qui avait milité pour sa mise en place. Le cabinet de conseil en recrutement de docteurs Adoc Talent Management est également vent debout contre la mesure, y voyant une menace pour la compétitivité des entreprises.

● Bonne poire. Des heures sup’ sans compensation, la nécessité de retravailler le soir ou le weekend sur son temps perso, voire durant ses congés ou en arrêt de travail : voici le quotidien d’une part non négligeable des agents de l’Université Lyon 2 (dont une bonne moitié de BIATSS) ayant répondu à l’enquête menée par la CGT. Avec des conséquences sur la santé des personnels : fatigue, stress et sentiment de mal faire son travail. L’Université tient grâce au dévouement des agents, alerte en substance le syndicat alors que de nouvelles coupes budgétaires se profilent.

  Mais aussi…   Nantes Université annonce son désabonnement de la base de données Web of science ainsi que des revues de Wiley, en prenant notamment exemple sur Sorbonne U, le CNRS ou l’Université de Lorraine ayant passé le pas en 2024. Peut-on vraiment se passer du Web of science ? Relisez notre analyse La Société française de physique appelle aux candidatures pour ses prix jusqu’au 31 mai 2025 et vous rappelle de penser à proposer des femmes

CHIFFRE

67%

Parmi les 160 000 publications scientifiques françaises parues en 2023, 67% étaient en accès ouvert en décembre 2024, indique le Baromètre de la science ouverte publié chaque année par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Une légère hausse par rapport à l’édition précédente, avec toujours les mêmes disparités selon les disciplines (relire notre analyse sur les matheux) et qui amène fatalement la question suivante : faut-il rendre obligatoire le dépôt en accès ouvert ? Souvenez-vous, nous analysions les différentes positions, notamment au sein de Nantes Université. Le débat n’est toujours pas clos.

EXPRESS

Votre revue de presse

→ Couperet. Aux États-Unis, près de 10 000 projets de recherche sont en train d’être réévalués par la National Science Foundation (NSF) – l’équivalent de l’ANR en France. La raison ? Vérifier qu’ils ne tombent pas sous le coup des décrets signés par Donald Trump visant à faire reculer les politiques pour la diversité, le climat ou la protection des étrangers. Aux premières loges, les employés du NSF sont tout aussi inquiets et confus que les chercheurs, rapporte en exclusivité Nature, et tentent d’empêcher que des financements soient coupés – ce qui pour l’instant n’est pas arrivé, selon Science.

→ Mister freeze. Pendant ce temps, la machine du National Institute of Health – le pendant santé du NSF – se remet doucement en marche pour l’attribution de ses grants, après deux semaines de pause pour les mêmes raisons, rapporte Science. En France, Mediapart synthétise les attaques contre le monde scientifique et de la santé ↯ par la nouvelle administration.

→ Liberté. Plus de 500 universitaires signent une tribune en soutien à la sociologue Pınar Selek (relire notre interview), toujours poursuivie par la justice turque. Alors qu’une énième audience a lieu ce jour, ils demandent son acquittement dans les colonnes du Monde. France Universités et l’Université Côte d’Azur soutiennent également la chercheuse.

→ Total recall. Après un premier article fin décembre relatant le combat des Scientifiques en rébellion pour connaître la teneur du partenariat entre l’université de Strasbourg et Total, Rue89Strasbourg publie la convention de mécénat obtenue ↯ (à retrouver également sur Mediapart) : ne pas ternir l’image de l’entreprise apparaissait notamment comme monnaie d’échange. Outre-Manche, l’Aberystwyth University annonce mettre fin à ses relations avec l’industrie des énergies fossiles, rapporte The Ecologist.

→ Invité surprise. À Montpellier, des militants des Soulèvements de la terre interpellent les chercheurs du Cirad, à leur étonnement : une de leurs filiales collabore avec une société dont le milliardaire d’extrême-droite Vincent Bolloré est actionnaire. Un reportage signé Reporterre.

→ Malscience. Après avoir documenté dans les colonnes de Science les fraudes entachant les recherches sur Alzheimer aux États-Unis, le journaliste Charles Piller publie un ouvrage retraçant le scandale. L’Express brosse son portrait ↯, Retraction Watch publie un extrait de son livre, pointant du doigt la responsabilité d’une revue du domaine.

→ Zone grise. Oxbridge Publishing House, une maison d’édition basée au Royaume-Uni, engrange des millions en publiant des articles de qualité discutable. Beaucoup étant liés à des universités espagnoles, le quotidien El Pais a mené l’enquête (à lire en anglais).

↯ : liens menant à des articles protégés par un paywall

FELIS DOMESTICUS SCHOLASTICUS

Et pour finir…

Les chats aussi écrivent des papiers : voici le plus cité d’entre eux.