Mais non vous n’êtes pas en retard |
Communiquer sur ses résultats avant publication est de plus en plus fréquent. Mais à quel moment exactement tôt est trop tôt ? La baisse de la pollution durant le confinement tout le monde en a parlé. La physicienne Cathy Clerbaux a reçu beaucoup de demande d’interviews à ce sujet. Elle et son équipe ont en effet très vite observé une diminution des polluants dans l’atmosphère – dès janvier en Chine. Devant l’intérêt des journalistes et de la population, ils ont mis en ligne leurs résultats tout chauds – les cartes montrant la présence des polluants avant/après confinement. Communiquer avant de publier – “pre-publication communication” dans la langue de Lewis Carroll – est sujet à polémique, encore plus depuis quelques mois. Il y a deux ans, des chercheurs américains et canadiens amorçaient une réflexion sur le sujet et identifiaient cinq inquiétudes principales : – La politique de l’employeur. Le comité d’éthique du CNRS (pour ceux qui en dépendent) ne dit rien à ce sujet… – L’incertitude sur les résultats. Une solution possible : donner le niveau d’incertitude. – Mettre en péril une future publication. Beaucoup d’éditeurs affirment qu’une communication à la presse ne gênera pas la publication d’un article. – Publier sans peer-review est contraire à l’éthique. C’est surement le point le plus sensible, surtout après l’affaire Raoult, mais au final c’est le cas pour tous les preprints. – La peur de se faire doubler. On n’acquiert pas des données du jour au lendemain. Dans le cas de Cathy Clerbaux, les données sont publiques – la sonde IASI est sur un satellite européen – mais très difficiles à analyser. Sa crainte de se faire doubler était donc modérée : « Les quelques autres chercheurs qui connaissent la méthode sont déjà bien occupés en ce moment. », nous raconte-t-elle. Et pour la publication dans une revue ? « Nous voulions attendre la fin du confinement pour observer le retour de la pollution. » Un article complet est en préparation avec l’interprétation des résultats qui elle n’a pas été communiquée. « Ne pas rendre les cartes publiques auraient vraiment été maladroit. », nous confie la chercheuse. En plus, cette initiative, qui est le fruit d’un travail collectif au sein de son équipe de onze personnes, a donné un sens au confinement : « c’était notre but commun ». |