
13.06.2025 • N° 512 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE
Tueur en série (de publis)
Exclusif. Une publication sans données fiables a été retrouvée hier soir tard, dans une revue prestigieuse. Un témoin a tout de suite signalé sur Pubpeer les faits, pour lesquels les auteurs sont identifiés. Le mobile reste encore inconnu, le CNRS a lancé une enquête.
Après-coup. Voici ce que vous pourriez lire dans notre rubrique « faits divers de la science »… si elle existait. Il faut bien l’avouer, ces affaires inquiètent et fascinent tout à la fois. Et comme pour les faits divers, passé le choc et l’émotion, se pose la question des enseignements à en tirer.
Emballement. En plus d’être l’occasion d’ouvrir le capot de la machine judiciaire en termes d’intégrité scientifique, ces cas individuels en disent long sur notre système qui incite à la publication et aux promesses. Cette semaine on retrace l’affaire Jolanda Spadavecchia qui aura duré quatre ans pour déboucher sur deux ans d’exclusion et 17 publications à rétracter.

Bonne lecture,
— Lucile de TheMetaNews
PS Dans le cadre du festival Double science qui a lieu ce weekend à Paris au Ground control, j’animerai dimanche 15 juin une table ronde autour des manières de s’informer sur les sciences. On s’y croise ?
Sommaire
→ ANALYSE Nanoparticules, fraudes et sanction au CNRS
→ OUTIL Devenez détective scientifique
→ EXPRESS Des cahiers de labo électroniques et un peu de société
→ CHIFFRE Des investigations concluantes
→ EXPRESS Votre revue de presse
→ ET POUR FINIR Voyage initiatique
TEMPS DE LECTURE : 5 ou 10 MINUTES |
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ANALYSE
Nanoparticules, fraudes et sanction au CNRS
L’affaire Spadavecchia semble arrivée à son terme avec l’exclusion pendant deux ans de la chimiste du CNRS pour de nombreux manquements à l’intégrité. Reste à en tirer toutes les conclusions.

↳ « Mme Jolanda Spadavecchia, (numéro matricule SIRHUS n° 00075188), directrice de recherche de 2ème classe au sein du laboratoire “Chimie Bio-organique, Biophysique et Biomatériaux pour la Santé”, UMR7244, est exclue temporairement de ses fonctions pour une durée de deux ans (…). » Voici ce qu’annonçait le bulletin officiel du CNRS daté d’avril 2025 (…)
OUTIL
Devenez détective scientifique
Sherlock Holmes de la publi. Vérifier que des figures n’ont pas été manipulées, commenter sur Pubpeer ou signaler aux éditeurs des publications problématiques… Bref, participer à la correction de la science vous intéresse ? Un collectif d’experts a élaboré une série de fiches pratiques pour celles et ceux qui débutent : la Collection of Open Science Integrity Guides.
EXPRESS
Pendant ce temps dans les labos
● Journal intime. Le cahier de labo électronique, vous vous y êtes mis ? L’université de Lorraine publie les résultats d’une enquête auprès de ses utilisateurs, notant une adoption croissante de l’outil et des avantages notables : il facilite la traçabilité des données, améliore la lisibilité des notes, permet l’ajout de fichiers numériques et renforce la collaboration et le suivi de projets grâce au partage des dossiers. Bref, il permet « d’accroître la rigueur scientifique », concluent les autrices. Encore besoin de réflexion ? Lisez notre analyse sur le sujet !
● PMU. Comment les sciences peuvent-elles nous aider à construire le monde de demain ? C’était le thème de la consultation lancée auprès de tous les Français par le CNRS. L’organisme fait le bilan avec 17 idées consensuelles comme « investir de manière significative et pérenne dans la recherche (…) » ou « faire de la science un bien commun au service du vivant », et d’autres classées comme controversées comme « prioriser (…) les sciences dures en réduisant le soutien aux disciplines jugées non scientifiques ». Euh…
● Lapis-lazuli. Soutenue par plusieurs associations et collectifs de chercheurs, l’Agora Sciences Université Recherche (ASUR) organise un colloque les 16 et 17 juin à Paris. Au programme : liberté académique, relations sciences société et organisation de la recherche. Nous y passerons.
● Mais aussi… La finale nationale de Ma thèse en 180 secondes (MT180) qui aura lieu le 17 juin à Paris sera retransmise en live sur Twitch ● En tant que reviewer, même si vous êtes certain que les auteurs se sont trompés, nuancez votre rapport, conseille le chercheur Jeremy Fox ● Le chercheur Gianluca Grimalda, viré pour avoir refusé de prendre l’avion, a retrouvé du travail, rapporte Reporterre ● Les concours externes pour des postes d’ingénieur et de technicien viennent d’ouvrir au CNRS, alors qu’ils se terminent le 20 juin à l’Inserm ●
CHIFFRE
2 sur 3
Dans deux cas sur trois, soit 130 fois en deux ans, les instructions des établissements ont confirmé les manquements à l’intégrité scientifique signalés, révèle le rapport de l’Office français de l’intégrité scientifique (Ofis). Premier du genre, il se base sur les données remontées par environ la moitié des établissements interrogés sur 2022 et 2023. Seule la moitié d’entre eux ont finalisé au moins une investigation pendant ces deux années – nous vous parlions des référents intégrité scientifique –, avec des problématiques de conflits d’auteurs, plagiat, ou falsification de données impliquant 88 personnes dont 16 ont subi une procédure disciplinaire. La biologie reste la discipline la plus concernée (et de loin).
EXPRESS
Votre revue de presse
→ Publitrafic. Comment fonctionnent les paper mills, ces entreprises qui vendent des articles prêts à être publiés ? À un bout de la chaîne, des auteurs obligés de publier plus de 20 articles par an – Achal Agrawal nous en parlait. À l’autre bout, des entreprises difficiles à combattre – Anna Abalkina nous en parlait. Nature vous fait plonger dans l’antre du mal, version publication. Qui existe également en version brevet : Lonni Besançon signe sa première chronique au Point sur les « patent mills ».
→ Collatéral. La révolution de l’open access déstabilise les sociétés savantes, qui tirent des revenus importants de l’édition de revues scientifiques. Science en est un parfait exemple. Notez que sa déclinaison journalistique, qui analyse le phénomène, est éditorialement indépendante.
→ Prudence. La psychologie a beaucoup souffert du manque de reproductibilité de ses résultats mais la situation semble s’améliorer. Deux études pointent en effet des indices encourageants. Un changement durable des pratiques ? À confirmer, modère Science.
→ Juge et partie. Étudier sa propre maladie, les discriminations qu’on subit ou le gang qu’on a intégré… Pour certains chercheurs, le vécu est une matière première. Le magazine suisse Horizons tire leur portrait au sein d’un numéro spécial sur l’implication personnelle des chercheurs et leur objectivité.
→ Reconstruction. « Trouver un lieu sans les bombes », c’est ce qu’a permis le programme PAUSE aux 17 scientifiques et artistes débarqués de Gaza en avril dernier – relire notre interview de sa directrice, Laura Lohéac. À Marseille, Mediapart est allé à la rencontre de cinq d’entre eux ↯.
→ Besoin de rien. Critiquer la science et les technologies, ok, mais avec quelles valeurs ? Au milieu des différents collectifs écologistes, Anti-tech résistance qui se veut « le plus radical de notre époque » est aussi parfois qualifié de réactionnaire. Usbek & Rica nous plonge dans leur univers.
↯ : liens menant à des articles protégés par un paywall
VOYAGE INITIATIQUE
Et pour finir…
Stop à la course aux publications et aux appels à projet… Et si vous tentiez une retraite dans le noir ?