Retour à l’envoyeur. L’idée semble simple : puisque les gaz à effet de serre, CO2 en tête, sont responsables du changement climatique, pourquoi ne pas les remettre d’où ils viennent : dans le sol ? En effet, ils sont principalement rejetés lors de la combustion d’énergies fossiles : charbon, pétrole, gaz naturel…
Ouvrez la cage. L’ancêtre de ce qu’on appelle aujourd’hui le captage de carbone est un procédé de nettoyage du gaz naturel – où il est séparé du CO2 – datant d’il y a presque un siècle. Sauf qu’à l’époque, le dioxyde de carbone isolé était ensuite relâché dans l’atmosphère. Le GIEC n’existait pas encore.
Pétrole un jour… C’est dans les années 1970 qu’on a commencé à injecter du CO2 dans le sol… pour mieux en extraire le pétrole ! Expérimentée au Texas, sans aucune visée écologique, cette démarche a tout de même permis de stocker des dizaines de millions de tonnes de CO2 mais aussi et surtout d’en démontrer la faisabilité.
Un geste politique va marquer le passage à l’action. Money is all. L’idée d’utiliser le stockage du CO2 pour lutter contre le changement climatique émerge parmi les scientifiques à la fin des années 1980 (▼ voir trombi ▼). Mais c’est un geste politique qui va marquer le passage à l’action : l’introduction de la taxe carbone en 1991, accompagné d’investissements massifs du gouvernement norvégien.
Réaction. Les compagnies pétrolières comprennent alors qu’il faut agir. Vite. Total mène un projet pilote à Lacq dans les Pyrénées entre 1990 et 1993. Une chaîne complète de captage à la sortie d’une chaudière à gaz, suivi du transport par pipeline et du stockage dans un gisement épuisé, est réalisée pour la modique somme de 60 millions d’euros.
Bien commun. Au sein d’un grand projet européen, des chercheurs en géosciences ont examiné entre 1993 et 1995 si le stockage du carbone est envisageable en termes de sécurité, mais aussi rentable. La conclusion sera positive, même si les coûts restent élevés, notamment pour la partie captage.
Vingt mille lieux. C’est ainsi qu’en 1996 démarre Sleipner, le premier projet de stockage de CO2 à grande échelle. Sous la mer du Nord, il ne s’agit pas d’un gisement de pétrole mais de ce que les géologues appellent des « aquifères salins profonds » – une sorte de réservoir naturel. La compagnie pétrolière nationale norvégienne, hier Statoil, aujourd’hui Equinor, pilote toujours le projet.
Ce qu’on sait aujourd’hui. Le stockage est bien maîtrisé et de nombreux projets sont à l’œuvre : le captage de fumées industrielles à Dunkerque pour un stockage en mer du Nord ou le stockage en Islande après captage du CO2 dans l’air par la startup suisse Climeworks.
Ce qu’il reste à faire. Les principaux défis sont sociétaux – convaincre que les risques, notamment de fuite, sont faibles – et financiers. Il faut en effet en diminuer les coûts, en particulier sur les étapes de captage et de surveillance des sites.
Sauver la planète chez Total ? Philip Llewellyn a quitté son poste au CNRS il y a quelques mois pour le géant du pétrole afin « d’agir face au changement climatique ». Total a effet investi 100 millions de dollars, soit 10% de leur budget de R&D, dans le stockage de CO2. Les principaux défis se situent pour son équipe au niveau de la surveillance des sites de stockage, que la sismicité naturelle des Pyrénées permet de tester à Lacq. Il s’agit à la fois de « développer des capteurs moins onéreux pour les installer en réseau sur des kilomètres autour du point d’injection » mais aussi « des outils de simulation pour prévoir le devenir du CO2 en sous-sol », en collaboration avec des universités américaines, dont Stanford. |
Le trombi du stockage de CO2 Erik Lindeberg Pionnier du stockage de carbone, ce scientifique affilié au SINTEF (organisme de recherche norvégien privé) propose en 1986 le projet qui sera financé par Statoil en mer du Nord. Jonathan Pearce Au sein du British Geological Survey, il investigue dès 1993 les risques liés aux fuites de CO2, qui restent faibles, et recommande des méthodes de surveillance Samuela Vercelli Docteure en énergie et environnement, cette chercheuse de l’université de Rome adopte une approche multidisciplinaire afin d’étudier la perception du public. |