Pourquoi l’Inde fraude

23.05.2025 • N° 507 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE


Un brin d’espoir

Champagne. Il faut savoir accueillir les bonnes nouvelles quand elles se présentent. Arthur Michaut, postdoc et membre du jury de notre événement No Future ? (rappelez-vous), a obtenu un poste au CNRS. Ce sera donc « Future » pour lui.

La famille s’agrandit. C’est également le cas de mon ancien collègue de bureau et ami, Raphaël Hahn, ainsi qu’un chercheur en exil que nous avions interviewé : Alexander Bikbov, directement titularisé à un poste de DR. Bravo à eux et à tous les recruté·es !

Indépendance. L’interviewé de la semaine, Achal Agrawal, a en revanche démissionné de son université en Inde. Pourquoi ? Afin d’éviter tout conflit d’intérêt.

Achal contre Goliath. Lui se bat contre les fraudes de ses collègues, eux-mêmes acculés à devoir publier plusieurs articles par an pour conserver leur poste. Mais vous comprendrez mieux tout cela en lisant l’interview dans son intégralité.

Bonne lecture, 
— Lucile de TheMetaNews

Sommaire

→  INTERVIEW  Achal Agrawal se bat contre la fraude en Inde
→  OUTIL  Publiez votre protocole… et profitez de ceux des autres !
→  EXPRESS  Partager pour publier et une chercheuse exclue du CNRS
→  CHIFFRE  Des postes en hausse… puis en baisse
→  EXPRESS  Votre revue de presse
→  ET POUR FINIR Sur la Croisette

TEMPS DE LECTURE : 5 ou 10 MINUTES

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INTERVIEW

« Je reste convaincu que la plupart des chercheurs en Inde sont honnêtes »

Chercheur en sciences des données, Achal Agrawal a fondé India Research Watch (IRW) avec l’objectif d’éradiquer la fraude scientifique dans son pays.

Une grande part des publications signalées aujourd’hui comme problématiques viennent d’Inde. Pourquoi selon vous ?

   ↳ J’étais tout d’abord très étonné que l’Inde arrive en tête des phrases torturées que détecte Guillaume Cabanac [ces expressions de vocabulaire scientifique mal traduites, NDLR]. Les chercheurs indiens sont anglophones, la plupart ont fait leurs études en anglais, ils le maîtrisent donc mieux que leurs homologues chinois, par exemple. Puis je l’ai vu de mes propres yeux à l’université en Inde (…)

OUTIL

Publiez votre protocole… et profitez de ceux des autres !

Malcolm. Voici une manière de valoriser certaines étapes du travail de recherche, de mieux les documenter et de rendre vos résultats plus transparents et reproductibles : publier son protocole expérimental. Où ça ? Dans certaines revues spécialisées comme MethodsX ou bien Bio-protocoldans la famille open, Nature Protocols, Nature Methods ou Current Protocols pour les hybrides. Et pourquoi pas le montrer en image ? C’est le principe de JoVE, sorte de revue mais avec des formats vidéo. Vous pouvez aussi simplement les mettre en ligne sur le site de votre labo (voici un exemple) ou les déposer sur une plateforme comme protocols.io (du groupe Springer Nature), Zenodo ou HAL, pour obtenir un DOI et pouvoir ensuite les citer. Le blog Open Science Pasteur en parle plus longuement. À l’inverse, inspirez-vous grâce au moteur de recherche de l’Université du Wisconsin-Madison ou scrollez parmi les milliers de vidéos sur JoVE

EXPRESS

Pendant ce temps dans les labos

● Incitation maximale. Deux revues de la maison d’édition IOP Publishing n’accepteront plus vos papiers, sauf exception, si vous ne partagez pas vos données, explique l’un des éditeurs sur The Scholarly Kitchen. Il s’agit de revues en sciences de l’environnement, discipline au sein de laquelle les chercheurs partagent plus volontiers que d’autres leurs données, d’après une récente étude réalisée par IOP Publishing : jusqu’à 80% le font d’une manière ou d’une autre. Environmental Research: Food Systems (ERFS) et de Environmental Research: Climate (ERCL)

● Coup de marteau. La sentence est tombée : la chercheuse en chimie Jolanda Spadavecchia est exclue pour deux ans du CNRS pour « manquements graves et répétés à l’intégrité scientifique » dans 17 publications, détaille le dernier Bulletin officiel de l’organisme. Une affaire qui avait débuté en 2021 et qui, deux enquêtes plus tard, débouche sur une des sanctions les plus sévères, rappelle Le Monde. Deux de ses publications ont récemment été rétractées, note Retraction Watch.

  Mais aussi…  La finale nationale de Ma thèse en 180 secondes (MT180) aura lieu le 17 juin à Paris et la billetterie (gratuite) vient d’ouvrir. Vous retrouverez dans le jury Wendy Le Mouëllic, gagnante de l’édition précédente et membre du jury de notre événement No Future ? Vous êtes l’auteur·ice d’un ouvrage scientifique ? Candidatez d’ici le 6 juillet pour venir le présenter devant des professionnels de l’audiovisuel au salon des idées scientifiques organisé par Pariscience en octobre prochain Et sinon, le Printemps de la donnée est toujours en cours

CHIFFRE

+1,5%

Dans sa dernière publication analysant les données 2022, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche se félicite d’une croissance de 1,5% de l’emploi scientifique dans le secteur public, montant à 2% pour les organismes de recherche (CNRS, Inserm, etc.). Avec 333 800 chercheurs (en équivalent temps plein), la France occupait ainsi en 2021 la 7ème place au niveau mondial en terme de « puissance de recherche ». La Conférence des praticiens de l’enseignement supérieur et de la recherche (CPESR) est moins enthousiaste concernant l’entrée dans la carrière : alors que le nombre de postes ouverts aux concours de maître de conférences était à la hausse les deux dernières années, la tendance s’inverse : de 1557 en 2024, il retombe à 1367 en 2025 toutes disciplines confondues, malgré des départs à la retraite toujours en augmentation.

EXPRESS

Votre revue de presse

→ Scientopopulisme. Qui doute de la science ? Contrairement aux idées reçues, la religion ou le niveau d’études ne sont pas des facteurs déterminants, analyse le chercheur de Sciences Po Emiliano Grossman dans The Conversation, alors que l’orientation politique jouerait beaucoup plus. Pendant ce temps, les libertés académiques se réduisent dans une trentaine de pays, rapporte Alternatives Économiques. Coïncidence ?

→ Perso vs co. Anciennement postdoc en biologie, Élise Bordet a finalement jeté l’éponge sans obtenir de poste en recherche… Et les annonces présidentielles sur l’accueil de chercheurs étrangers lui restent en travers de la gorge. Suite à sa publication sur LinkedIn, Ouest France puis BFMTV l’ont faite témoigner. À l’autre bout de la France, l’Université de Picardie Jules Verne tente d’accueillir un chercheur états-unien mais rencontre des obstacles budgétaires, explique son président sur les ondes d’ici Picardie.

→ Écoterrorisme. À Bordeaux, une jeune chercheuse s’est vu refuser l’accès à un labo en Zone à régime restrictif (ZRR) – relire notre analyse – dans lequel elle devait commencer un postdoc. Son engagement écologique en serait à l’origine, selon notre confrère de Mediapart, qui rappelle que les refus deviennent de plus en plus fréquents. L’affaire est entre les mains du tribunal administratif.

→ En voie de disparition. Des tableaux Excel, des notes et des critères standardisés quelles que soient les disciplines : l’évaluation de la recherche faite par le Hcéres est née d’une volonté politique et disparaîtra peut-être de la même manière – relire notre article. La sociologue des institutions de la recherche Clémentine Gozlan, que nous avions interviewée, livre son analyse dans The Conversation.

→ Solidaires. Dans une tribune au Monde, 350 universitaires dont Patrick Boucheron ou Edith Heard demandent au gouvernement d’intervenir pour faire évacuer les 12 lauréats du programme PAUSE toujours bloqués à Gaza ↯, et de relancer un fonds d’urgence – stoppé par manque de budget, relire notre entretien avec sa directrice Laura Lohéac.

↯ : liens menant à des articles protégés par un paywall

SUR LA CROISETTE

Et pour finir…

Savez-vous quel est le point commun entre le festival de Cannes et le CNRS ?