Quentin Glorieux : « J’ai fait le show du scientifique décalé et passionné »

— Le 29 novembre 2019


C’est tout nouveau, l’ENA a ouvert un concours spécial pour les docteurs. Les résultats de l’oral sont tombés le 14 novembre. Parmi les trois admis, le seul chercheur est Quentin Glorieux. Il confie à TMN ses motivations et le déroulement du concours.

Qu’est-ce qui pousse un physicien comme vous à vouloir entrer à l’ENA ?


Au départ, cette démarche était une blague. Il y avait 300 candidats pour 3 places, donc je n’y croyais pas du tout. J’aimerais partir de la région parisienne mais avec mon poste de maître de conférences (MC) c’est très compliqué. Personne ne me donnera un poste de MC dans une autre université parce que j’en ai déjà un; pour les postes de professeur c’est encore plus dur : zéro poste (hors promotion) dans ma section l’an dernier, et je suis encore assez jeune. Alors pourquoi ne pas tenter l’ENA ? Avoir un boulot qui ne sert à rien c’est cool, mais avoir un impact et de l’influence c’est aussi très attirant.

Les épreuves du concours étaient-elles difficiles ? 

Non, et c’était assez marrant. L’écrit consistait à rédiger une synthèse sur les réglementations des nitrates dans l’agriculture. La partie scientifique était très simple, principalement des statistiques, mais il fallait aussi donner des recommandations. Je pense qu’ils attendaient des avis politiques tranchés. L’oral d’analyse politique était impressionnant, et les membres du jury étaient de haut niveau. L’épreuve comportait une mise en situation à propos de la nouvelle loi européenne qui vise à supprimer des contenus haineux ou diffamatoires sur Facebook. Il se trouve que j’en avais parlé avec une copine juriste la veille ! Puis ils m’ont posé des questions « random », sur Greta Thunberg par exemple. Je ne connaissais pas les codes, j’ai fait le show du scientifique décalé et passionné.

Donc vous allez arrêter la recherche ? 


Je vais assister à la semaine de remise à niveau pour les trois docteurs, puis je déciderai. La rentrée est le 6 décembre et, durant les deux ans d’études, il y a beaucoup de stages, dont certains à l’international. A la sortie les premiers postes sont pensés pour des jeunes de 26 ans et j’ai peur de me retrouver attaché de quelqu’un, à presque 38 ans. Et surtout, il y a trop d’inertie, trop de codes dans ce milieu. C’est attirant car je ne le connais pas, mais j’ai très peur de ne pas résister face à la malhonnêteté intellectuelle, à la manipulation, à la flatterie. J’ai déjà du mal au conseil d’administration de la fac…

Crédit photo Céline Le Guyader
 

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