[TMN#27] On Vous Prend Pour Des Bleus (Budgétaires)

En attendant Madame Vidal.
C’est entendu, l’interview que nous avions organisée avec Frédérique Vidal a été repoussée de quelques semaines, « le temps des arbitrages », comme on dit.
Au risque de de se répéter, ces « arbitrages » sont ceux de la loi de programmation de la recherche qui dessineront les contours de votre métier pendant plusieurs années.
Dans l’intervalle notre proposition tient toujours : si vous avez une question à poser à votre ministre, envoyez-la nous par retour de mail. Nous lui poserons en votre nom.
A très vite,
Laurent de TheMetaNews
PS. Message plus personnel à ceux qui s’inquiète pour le palais de la Découverte : il y aura une réunion d’information et de mobilisation le 7 novembre à 17h à 19h (salle Jean-Jaurès de l’Ecole Normale Supérieure).


On a lu pour vous… le jaune et le bleu budgétaire (en partie)
Le PLF2020, ça ne dit pas grand chose à personne et pourtant, le projet de loi de financement, voté tous les ans est un jalon incontournable, y compris pour la recherche. Au moment où les députés se penchent sur le PLF, le ministère du budget a publié le jaune budgétaire, précédé il y a quelques jours du bleu budgétaire, soit les dépenses ligne par ligne pour l’année prochaine, en particulier en matière d’emploi. Une lecture certes ardue mais expurgée des éléments de communication gouvernementale. Se concentrer sur le programme 172, le terme désignant en langage budgétaire les « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », hors recherche spatiale, d’un poids de 6 milliards d’euros, est instructif et permet, institution par institution, de connaître le nombre de postes ouverts, fermés ou transférés en 2020 et les crédits alloués : par exemple, zéro poste en plus pour le CNRS, zéro pour l’Inserm, zéro pour l’IRD, 960 en plus au sein de l’INRA… mais suite à la fusion avec l’IRSTEA, qui sera effective au 1er janvier prochain. Seule l’Agence nationale de la recherche voit ses effectifs passer de 267 à 272 postes en équivalents temps plein. Seul « opérateur » bien loti, le Commissariat à l’énergie atomique, qui gagne lui 140 postes (18 545 en 2020) ! Les autres attendront 2021, ou pas.


« L’émotionnel est crucial »

Il y a deux semaines, quelques chercheurs ont pris la parole, dont François Gemenne, alors que le mouvement Extinction Rebellion bloquait la place du Châtelet pour dénoncer l’urgence climatique. Serge Janicot, chercheur de l’IRD, n’est pas un habitué de ce genre d’événement, mais a pourtant accepté d’y participer. Il nous dit pourquoi.
[TMN] Qu’avez-vous dit le 10 octobre, rue de Rivoli, et quelles ont été les réactions ?
SJ Extinction Rebellion (ER) cherchait des scientifiques pour faire une tribune à propos des conséquences du changement climatique sur les migrations. Il se trouve que c’est mon domaine de recherche. C’était très informel. L’important pour moi était de délivrer un message scientifique, qui est qu’il existe déjà des zones inhabitables en Afrique subsaharienne à cause du changement climatique. Les gens étaient intéressés, très réceptifs. Ils ont posé beaucoup de questions à propos des solutions, mais ont également abordé la question des sentiments chez les scientifiques.
[TMN] Justement, un chercheur peut-il faire part de son sentiment personnel ?
SJ L’émotionnel est crucial lorsqu’on veut faire passer un message, y compris scientifique. Surtout sur le changement climatique, qui reste un problème souterrain pour la plupart des gens. Face à un discours neutre sans émotion, les citoyens ne s’inquièteront pas, et ne réagiront pas. Au contraire, la peur, si on ne se laisse pas déborder par les émotions, pousse à l’action.
[TMN] Vous considérez-vous comme militant ?
SJ Les mouvements de désobéissance civile sont intéressants mais je ne suis pas militant. Disons que je suis un scientifique engagé et sympathisant de ces actions. Les résultats scientifiques montrant l‘urgence, la démission de Nicolas Hulot, les marches pour le climat ou les grèves de lycéens m’ont donné une impulsion pour aller plus communiquer en direction du grand public en tant que chercheur. Au sein de mon laboratoire, on trouve tout le panel : des scientifiques qui souhaitent rester absolument neutres, des chercheurs qui veulent communiquer plus, et certains qui sont carrément très engagés. 

Propos recueillis par Lucile Veissier



Encore un petit webinar 
Ca va finir par devenir un rendez-vous récurrent dans [TMN]. Pour la troisième semaine consécutive, voici un webinar, programmé le 30 octobre, sur le sujet hautement sensible de la datavisualisation. Vous y apprendrez notamment pourquoi les graphiques en barres peuvent être dangereux.


Notre revue de presse express

  • Un boycott et après ? Dans cette tribune parue dans The Scientist, le chercheur Shaun Khoo explique par A+B pourquoi le boycott d’Elsevier semble peine perdue. La solution ? Monter son propre journal.
  • Vulgariser, c’est décevoir. Peut-on parler de « mini-cerveaux » pour des organoïdes cérébraux utilsés en laboratoire ? Réponse : non, à lire cet article de Cortex Mag. (Merci Jérémie Naudé)
  • Expérience traumatique. Quel est le rapport entre les violences domestiques et le football américain ? Les commotions cérébrales. Cette tribune parue dans Undark appelle à mieux prendre en charge leurs conséquences à long terme.


ET POUR FINIR

Les astronautes Jessica Meir et Christina Koch ont réalisé une première : une sortie spatiale uniquement féminine. Et vous voulez savoir pourquoi cela a pris 61 ans à la Nasa, c’est sur The Verge (no pun intended) que vous l’apprendrez. Ne reste plus qu’à envoyer une douzaine de femmes sur la Lune pour voir si elles y seront aussi maladroites que les hommes.