[TMN#5] Spéciale Européennes : de la paillasse à l'isoloir

C’est sûr, les élections européennes amènent leur lot de listes plus ou moins exotiques.

S’y arrêter serait oublier que l’Europe a un rôle majeur dans le financement de la recherche, comme le prouve, entre autres, le projet LifeTime, dont nous vous reparlerons dans notre prochain numéro.
Nous avons passés au crible les programmes des 34 listes pour en extraire les propositions axées science, recherche et enseignement supérieur.
Vous verrez, il y a quelques surprises !
Laurent de TheMetaNews


Une précision pour commencer. Les listes sont présentées dans l’ordre suivant : en premier celles qui ont une chance significative de remporter au moins un siège, d’après l’analyse qu’en a fait Lemonde.fr. Suivent celles qui ont un volet recherche dans leur programme. Les listes purement catégorielles ou sans mesures d’intérêt (le vôtre, s’entend) ferment le ban. Au sein de de chaque catégorie, l’ordre est aléatoire.
Nous avons également scanné les CV des candidats des listes principales en position éligible pour pointer les éventuels scientifiques ou enseignants dans le supérieur.

Les leaders des sondages

Les sept listes qui suivent ont les plus grandes chances de pouvoir placer au moins de leur candidat au Parlement européen.


  • Pour la France : Transformer l’Europe
    François-Xavier Bellamy, Union de la droite et du centre

C’est 75 propositions que la liste de la droite et du centre a colligé pour ce scrutin européen. Parmi elles, certaines concernent la recherche et l’enseignement supérieur, comme instaurer un un « Erasmus 3.0 » universel (proposition#26) pour tous les jeunes qui le souhaitent, depuis le collège jusqu’à la faculté. Les programmes de recherche sont également mis en avant, au travers de l’adoption d’une grande cause européenne (proposition#63) « pour découvrir le remède à Alzheimer, Parkinson et les maladies neuro-dégénératives » dans les cinq années du mandat (sic). La proposition#64 vise à établir une stratégie européenne pour l’intelligence artificielle. Pour l’anecdote, il est également proposé que des scientifiques de renom (Pierre et Marie Curie, Albert Einstein) puissent orner les billets de banque, à l’image de Goethe, Cervantes ou Van Gogh.
Aucun des candidats en position éligible n’entretient en revanche de rapport évident avec le monde de la recherche ou de l’enseignement supérieur.


  • Projet Renaissance
    Nathalie Loiseau, LREM 

L’accent est particulièrement porté dans ce programme sur l’écologie (1000 milliards pour la transition écologique, sortir du glyphosate, transparence sur l’évaluation des produits chimiques…) mais ne comporte aucun engagement clair sur les budgets ou la politique de recherche. On a tout de même détecté quelques mesures qui favoriseraient la science, comme de « de transférer le capital d’une entreprise à une fondation (…) l’autoriser à investir dans des causes de bien commun », ainsi que côté enseignement supérieur, la création d’une « vingtaine d’universités européennes d’ici 2024 » où chaque étudiant bénéficierait « de cursus, de diplômes communs et d’une mobilité libre ».
A signaler sur cette liste, Pierre Karleskind, vice-président de la région Bretagne, PhD en philosophie et océanographe.


  • Europe écologie
    Yannick Jadot, EELV

Cette liste verte propose bien sûr un programme très axé sur l’écologie, avec notamment un plan d’investissement massif de 100 milliards d’euros pour sauver le climat dont on imagine volontiers qu’une partie sera reversée à la recherche et au développement de technologies propres, sans qu’aucun montant ne soit toutefois avancé.
Parmi les têtes de liste en position éligible, aucun chercheur ou universitaire, même si on notera la présence de Michèle Rivasi (ENS, agrégée en biologie), connue pour son engagement au sein de la Criirad mais aussi plus récemment pour ses positions « vaccinocritiques », pour reprendre ses termes.


  • L’Avenir en commun, en Europe aussi !
    Manon Aubry, La France insoumise

Le programme de cette liste pour le scrutin du 26 mai (on se permet de vous rerappeler la date) évoque explicitement les problématiques de la recherche, au travers de plusieurs propositions, notamment la création d’un « institut européen public de recherches sur la transition énergétique ». Mais ce n’est pas tout. Le programme prône également de monter des « laboratoires de recherche publique européens » (santé, éducation, environnement…) mais aussi d’augmenter l’effort financier en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur, avec « un objectif de 3% du PIB », ce qui, rappelons-le était déjà inscrit dans la Stratégie de Lisbonne, lancée en… 2000. La France insoumise précise vouloir écarter de ces financements les labos soutenus par le mécénat des grands groupes (Total, LVMH…). L’objectif général de ces mesures est de « redonner aux chercheurs le droit au temps long dont ils ont besoin ».
What else ? Le second de la liste LFI, dont vous pourrez trouver la liste intégrale ici, Manuel Bompard, est titulaire d’une thèse en mathématiques appliquées à l’aéronautique, le 6e, Emmanuel Maurel a « enseigné dans le supérieur ».


  • Prenez le pouvoir
    Jordan BardellaRassemblement national

Ni la recherche, ni l’enseignement supérieur ne sont explicitement cités dans les mesures proposées par le RN et sa tête de liste Jordan Bardella, principalement axées sur la politique migratoire et la révision des textes européens.
Aucun candidat potentiellement éligible, à l’exception notable de Gilles Lebreton, docteur en droit public, professeur d’université et directeur de laboratoire, n’a de rapport direct avec l’ESR ou la recherche. Nous avons vérifié jusqu’à la 25e place de la liste RN.


  • Amoureux de la France, unissons-nous !
    Nicolas Dupont-Aignan, Debout la France !

C’est Nicolas Dupont-Aignan qui prend la tête de la liste de son propre parti aux Européennes, avec un programme axé sur la souveraineté des peuples. Il contient quelques propositions concernant directement la recherche, comme « un plan de lutte contre le cancer, Alzheimer et les maladies orphelines » ou un effort dans les énergies propres (panneaux solaires, filière thorium) ou la recherche de « substituts non polluants aux glyphosates ». Sa proposition la plus forte est certainement de « favoriser les investissements privés et publics dans la recherche et l’innovation pour atteindre 5 % du PIB européen comme la Corée du Sud ». Mazette ! Pour mémoire, nous en sommes à environ 2 % aujourd’hui, public et privé confondu.
Par ailleurs, aucun des candidats en position éligible de la liste DLF n’occupe de poste dans la recherche ou l’enseignement supérieur.


  • Envie d’Europe écologique et sociale
    Raphaël Glucksmann, divers

Menée par l’essayiste Raphaël Glucksmann, cette liste d’union de gauche (PS, PRG…) propose dans son programme « d’investir massivement pour développer une recherche indépendante » (point 6), particulièrement dans le domaine énergétique mais aussi un mécanisme de protection des investissements nationaux dans la recherche, notamment (point 27). Toujours ça de pris.


Les outsiders labos compatibles
On a essayé de vous extraire des programmes des 27 listes (!) restantes, les pépites concernant l’ESR. 


  • La Liste citoyenne du Printemps européen (Benoît Hamon, Generation.s) propose un pass liberté pour étudier en Europe, avec une bourse de 850 euros par mois.
  • Les Européens (Jean-Christophe Lagarde) proposent à la fois la création d’un livret E pour l’investissement dans des projets d’avenir et l’augmentation des « budgets européens liés à la recherche agronomique ».
  • On va s’arrêter un peu plus longuement sur le programme du parti Pirate (Florie Marie), qui est riche et promeut l’open science sous toutes ses formes, donc le libre accès pour les résultats scientifiques et les publications en commons ainsi que le développement de logiciels libres. Les pirates prônent un allégement des brevets pour faciliter la recherche. De plus, ils veulent « rendre l’approche scientifique obligatoire dans tout processus de prise de décision environnementale ».
  • Urgence écologique (Dominique Bourg) veut augmenter « les moyens alloués à la recherche scientifique indépendante » et réorienter la recherche européenne vers l’écologie.
  • Le programme d’Allons enfants (Sophie Caillaud) est plutôt complet en terme d’innovation. Jugez par vous-même (proposition 21).
  • L’Union démocratique pour la la liberté, égalité, fraternité (Christian Person) propose quelques mesures axées éducation et recherche.
  • Evolution citoyenne (Christophe Chalençon) veut « des programmes de recherche dans les énergies propres financés par la taxation des gros pollueurs ».
  • Le Parti fédéraliste (Yves Gernigon) propose de nombreuses mesures typées innovation/ recherche, notamment des plans d’investissement.
  • La Liste de la reconquête (Vincent Vauclin, Dissidence résistances) veut lever les entraves à la « liberté d’expression et à la recherche historique ».
  • Le Parti des citoyens européens (Alexandre Auric) a lui de hautes ambitions pour la recherche, en préconisant d’atteindre les 3% du PIB… soit en gros d’augmenter de 50% les budgets actuels, tout de même.
  • Ca va être compliqué pour les chercheurs au cas (plus qu’improbable) où la liste Une France royale au coeur de l’Europe (Robert de Prévoisin) se fait une place au Parlement. Cette liste, au programme par ailleurs plutôt complet, veut « sortir du sortilège républicain » et, côté recherche, considère « toute manipulation génétique, et toute production ou récupération de fœtus doit être strictement interdite ».


Ceux qui ne proposent rien
(ou presque)


Les propositions des listes suivantes sont trop catégorielles : Les oubliés de l’Europe, le Parti animaliste, Langue commune et équitable pour l’Europe, A voix égales, Démocratie représentative, Neutre et actif. Enfin, nous n’avons pu consulter le programme exact de l’Union pour une Europe au service des peuples, leur site étant hors ligne.



Et maintenant, allons voter !


Si vous voulez jeter un oeil à tous les candidats et toutes les professions de foi, elles sont disponibles sur le site du ministère de l’Intérieur.


Qui sommes-nous ?


Laurent Simon

Né depuis une quarantaine d’années, journaliste depuis quinze ans, dont dix ans de rédaction en chef en presse pro, docteur en pharmacie et récemment diplômé du master médias de Sciences po Paris, où TheMetaNews a été pensé pour la première fois. Oh ! Il a un père chercheur qui est certainement pour quelque chose dans tout ça.

Eddie Barazzuol

Né également depuis une quarantaine d’années, il est passé par Le Figaro, la presse quotidienne régionale, AEF ou La Recherche où il a exercé ses compétences en communication, marketing mais aussi en organisation d’évènements. Freelance depuis 2018, il n’a plus quitté la compagnie des chercheurs, puisqu’il a développé et lancé la grande enquête GenerationPhD.