Valérie Masson-Delmotte est-elle une chercheuse engagée ?

16.12.2022 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE


L’année en beauté

Moment solennel. Mardi soir, j’étais à l’Institut de France pour écouter de tout jeunes docteurs témoigner de leur prestation de serment. Eh oui, cette disposition de la loi Recherche se met doucement en place. Certains sont surpris, d’autres grognent… mais celles et ceux qui témoignaient en étaient fiers.

Sortez vos mouchoirs. Beaucoup d’émotion donc lors de ces interventions – on devine que certains docteurs ont versé une petite larme lors de la soutenance. Le sénateur Pierre Ouzoulias, à l’initiative du dispositif, l’avait d’ailleurs “vendu” ainsi à ses confrères parlementaires : faire pleurer les mamans.

Cadre réconfortant. Une directrice de thèse – Marianne Canonico – en a profité pour livrer son ressenti de mère : dans un monde de plus en plus incertain, la jeune génération ne semble pas rejeter les règles, au contraire même, montrant un attachement à la morale et à l’éthique.

Rencontre. L’éthique et la responsabilité, c’est évidemment de cela que nous avons parlé avec la très médiatique Valérie Masson-Delmotte durant l’heure et demie que nous avons passée ensemble. Une interview à lire cette semaine dans ce dernier numéro de l’année 2022.

À très vite, 
— Lucile de TheMetaNews.

PS. On a fait un saut quantique : nous sommes à 34% de l’objectif de notre campagne « Demain, ouvrir TMN » ! À 100%, on lève le paywall.

Sommaire

→  INTERVIEW  Valérie Masson-Delmotte a des choses à vous dire
→  UN CHIFFRE  Des zombis parmi les publis
→  UN OUTIL  Ne cédez plus vos droits !
→  EXPRESS  Votre revue de presse
→  ET POUR FINIR Deep Impact

TEMPS DE LECTURE : 5 ou 10 MINUTES

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INTERVIEW

« Oui, je me considère comme engagée »


Chercheuse en sciences du climat et co-présidente d’un groupe du GIEC, Valérie Masson-Delmotte est devenue la coqueluche des médias mais aussi des politiques. Elle nous raconte l’envers du décor dans ce grand entretien.

Comment s’est déroulée votre présentation au séminaire de rentrée gouvernemental en septembre dernier ? A-t-elle été efficace ?

 ↳ La gravité dans les regards de nombreux ministres et secrétaires d’État qui ont géré des urgences tout l’été – pénuries d’eau, incendies de forêt… – m’a frappée. On m’avait demandé de couvrir les trois volets du GIEC mais aussi de faire un retour sur l’été 2022 qui était particulièrement lourd en termes de climat [sa présentation est accessible sur Twitter, NDLR]. Dans les échanges entre ministres auxquels j’ai pu assister par la suite, j’ai pu constater que (…)

UN CHIFFRE

60%

La fréquence de citation des articles rétractés diminue – seulement ! – de 60% par rapport à la moyenne des publications non rétractées. Une étude parue dans la revue PlosOne sur environ 3000 articles montre ainsi que ceux qui ont été rétractés sont toujours trop cités… Si se rendre compte de ses erreurs prend parfois du temps – pour l’anecdote, un mathématicien a retiré un preprint 24 ans après son dépôt initial ! – savoir qu’un article est rétracté est parfois compliqué. Pour favoriser l’auto-correction de la science, les auteurs de l’étude proposent quelques pistes, dont le référencement des articles rétractés – relire notre outil à propos de Zotero.

UN OUTIL

Ne cédez plus vos droits !

C’était déjà une recommandation européenne, le CNRS vient d’en remettre une couche avec les déclarations d’Alain Schuhl : ne cédez plus vos droits d’auteur de manière exclusive aux éditeurs scientifiques ! Qu’est-ce que ça veut dire concrètement ? Idéalement, la dernière version de votre papier (version of record en anglais) ou a minima la version auteur du manuscrit accepté (author accepted manuscript, sans la mise en forme de l’éditeur) doit être placée sous la licence Creative commons CC BY. Celle-ci permet une utilisation libre à condition de citer les auteurs, en accord avec les principes de la science ouverte. Nommée également stratégie de conservation des droits – ou Rights Retention Strategy en anglais –, celle-ci consiste en pratique à ajouter un paragraphe dans la section des remerciements, comme indiqué dans le guide de cOAlition S :

« This research was funded, in whole or in part, by [Organisation Name, Grant #]. A CC BY or equivalent licence is applied to [the author accepted manuscript / the version of record] arising from this submission, in accordance with the grant’s open access conditions. » 

Ensuite, vous pouvez déposer votre papier dans la version qu’il convient sur une archive ouverte. Malgré la résistance de certains éditeurs, toutes les revues sont au courant, comme l’indique le Plan S européen dans son bilan annuel. Un grand merci au blog Open Science de l’Institut Pasteur dont les auteurs sont revenus plusieurs fois sur ce point qui est tout sauf un détail.

EXPRESS

Des infos en passant


● Gazon maudit. Organisée entre autres par l’association des journalistes scientifiques (AJSPI) et la Société française de physique, la journée Sciences et médias se déroulera le 31 janvier 2023 à Paris. Cette édition sera consacrée au ménage à trois parfois houleux que forment scientifiques, journalistes et politiques. Quelques noms connus sont au programme.

● Pari sur l’avenir. Valérie Masson-Delmotte le mentionne dans notre entretien (à lire plus haut) : le comité d’éthique du CNRS, le COMETS, vient de se prononcer pour une éthique environnementale de la recherche. Doit-on s’interdire une recherche polluante ou miser sur le fait qu’elle servira à la préservation de l’environnement dans le futur ? Avant d’élaborer un plan de transition au sein du CNRS – notamment sous l’impulsion de Labos1point5 –, les finalités de la recherche doivent être débattues, souligne le comité.

● Sortilèges. Notez le lancement de BADASSES, le Blog d’Auto-Défense contre les Agressions Sexistes et Sexuelles dans l’Enquête en Sciences sociales. À parcourir en écoutant Patriarchy is burning qui vous met de suite dans l’ambiance, celui-ci regroupe des témoignages de violences subies sur le terrain – vous pouvez d’ailleurs leur adresser le vôtre – avec l’objectif de développer des ateliers de formation et de réflexion. Un exemple pour les autres disciplines ? Notre podcast Rendez-vous avec Matilda abordait en 2020 cette question dans l’archéologie avec Laura Mary du blog Paye ta truelle.

● À travers. Si vous aviez raté cette info : Nature Communications va publier automatiquement les rapports des reviewers avec l’article – de manière anonymisée, rassurez-vous. La revue le proposait aux auteurs depuis 2016 et sa célèbre grande sœur Nature s’y était mise en 2020. Bilan de cet essai : environ la moitié des auteurs avait fait le choix de la transparence, grimpant à 70% dans Nature Communications. Ces rapports accessibles à tous fournissent à la fois des données pour les études sur le peer review et des exemples pour les reviewers.

EXPRESS

Votre revue de presse

→ Réalisme. Une percée historique dans la fusion nucléaire ? C’est ce qu’annoncent les scientifiques américains, peut-on lire dans France Info via l’AFP. Mais face à la quantité d’énergie nécessaire pour faire tourner les lasers – 100 fois plus que celle produite – les grands quotidiens français – Libéle Monde ou le Figaro – ne semblent pas dupes quant au fossé qui nous sépare encore d’une centrale électrique – relire notre numéro consacré à la fusion.

→ VOST. Peut-on encore faire de la science en français ? s’interroge le magazine québécois L’actualité – les inquiétudes étant d’autant plus vives outre-Atlantique. Alors qu’une bonne partie des chercheurs francophones avouent ne pas communiquer leurs résultats dans la langue de Proust, Vincent Larivière, sociologue des sciences spécialisé dans la bibliométrie, reste optimiste.

→Wonder Woman. Autre question d’importance dans le milieu de la recherche : peut-on se permettre de tomber enceinte en postdoc ? Le Monde Campus fait témoigner plusieurs jeunes chercheuses. Même si la désapprobation se fait moins sentir, la culpabilité envers les collègues proches et la peur de rester sur le carreau dans la course aux postes permanents restent de mise.

→ Oncle Sam. Petit point USA avec deux nouvelles dans Nature. Pour mettre fin aux biais et à la concentration des financements, le National health institute (NIH) modifie son évaluation des projets au profit de critères moins quantitatifs. Effet post-Covid, les étudiants internationaux reviennent faire leur doctorat aux États-Unis, mais des efforts restent à faire sur leurs conditions d’accueil pour maintenir le rebond.

DEEP IMPACT

Et pour finir…


Et si vous simuliez vous-même le crash d’un astéroïde sur Terre ? C’est par ici !