Vos collègues ont réagi

02.12.2022 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE


Des éléphants en tutu

Nuit sans lune. Dans la tête de certains, il fait tout le temps noir. Pas qu’ils soient moins intelligents – au contraire même parfois –, mais ils ne forment aucune image mentale et n’arrivent donc pas à visualiser leurs souvenirs. Une « variante de la nature humaine » qui n’est pas propice à l’imagination, d’où son nom : l’aphantasie.

Introspection. Peu connu, le phénomène est devenu l’objet d’étude de chercheurs qui, piqués de curiosité, se sont aperçus qu’ils étaient les seuls à ne rien « voir » à l’évocation de souvenirs parmi leur entourage – seulement quelques pour cent de la population seraient touchés. 

À part. Tout comme la synesthésie ou même l’autisme – notre série sur le sujet est à retrouver dans nos archives –, il semblerait que les populations de chercheuses et chercheurs soient plus enclines à présenter ce genre de caractéristiques neurologiques. Merci à Stéphanie Chayet, elle-même aphantasique, à l’origine d’un bel article dans la revue XXI de l’été 2022.

La parole est à vous. Et vous, vous souvenez-vous des derniers numéros de TheMetaNews ? Certains d’entre vous nous ont écrit suite à la lecture de nos articles et nous publions aujourd’hui leurs réactions. Un numéro spécial courriers des lecteurs que nous aimons renouveler régulièrement. Écrivez-nous ! Il suffit de répondre à nos mails.

À très vite, 
— Lucile de TheMetaNews.

PS. On en est à 25% ! Notre campagne « Demain, ouvrir TMN » bat son plein. N’oubliez pas : à 100%, on lève le paywall.

Sommaire

→  COURRIERS DES LECTEURS  Neutralité et corrélations
→  UN CHIFFRE  Des achats coûteux… en CO2
→  UN OUTIL  Pour un bon usage de la bibliométrie
→  EXPRESS  Votre revue de presse
→  ET POUR FINIR Faux jumeaux Ep. 2

TEMPS DE LECTURE : 5 MINUTES

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COURRIER DES LECTEURS

Neutralité ou réserve ?


Directrice de recherche à l’Inserm, Ghislaine Filliatreau est directrice de la délégation à l’intégrité scientifique depuis 2016. Elle nous a écrit en réaction à notre second épisode sur les scientifiques en rébellion.

↳ « Vous écrivez que “le devoir de neutralité est toujours inscrit noir sur blanc dans la charte nationale de déontologie des métiers de la recherche datant de 2015”. Mais dans la charte, le devoir de “réserve et neutralité” est explicitement mis en lien avec le statut de la fonction publique.

Dès lors, j’interprèterais les mots “réserve et neutralité” dans le sens étroit de la déontologie de la fonction publique, c’est-à-dire vis-à-vis des partis politiques, de la race, de la religion, des idéologies etc, et pas dans le sens de se réfréner à diffuser la connaissance (dont, par ailleurs et de manière assez contradictoire, on affirme souvent qu’elle est neutre par nature !).

Les enseignants-chercheurs, qui sont des fonctionnaires académiques, peuvent d’ailleurs s’appuyer sur la “liberté académique” dont ils jouissent, pour une interprétation plus engagée de la neutralité…

Bref, tout ceci peut ressembler à du coupage de cheveux en quatre. L’essentiel de votre analyse (excellente) n’est pas là… »

COURRIER DES LECTEURS

Pas une seule et unique neutralité


Astrophysicien au CNRS, Olivier Berné est un des co-fondateurs du collectif Labos1point5. Il a également réagi à notre second épisode sur les Scientifiques en rébellion. Voici un résumé des échanges sur Twitter.

↳ « Il y a un problème dans ce débat, je trouve, car il considère qu’il n’y a qu’une seule et unique neutralité et ignore la différence entre neutralité en valeur et neutralité concernant les faits. L’éthique scientifique impose la neutralité vis à vis des faits mais nullement une neutralité en valeur (en ce qui concerne le climat, l’éthique animale, l’intégrité, etc.). Cela veut dire que l’on peut à la fois considérer que la science s’attache à un certain rapport aux faits, tout en considérant que certaines pratiques ou recherches sont inacceptables sur le plan éthique. Considérer cela, c’est simplement faire son travail de scientifique, et cela ne transforme personne en “chercheur-militant”, un terme à proscrire absolument car il ne fait que servir nos adversaires. Donc non, la question du climat ne remet absolument pas en cause la notion bien établie de neutralité scientifique. Dire cela c’est faire le jeu des climatosceptiques, et c’est extrêmement dangereux. »

COURRIER DES LECTEURS

Les résultats invalidés ne font pas la une


Chercheur, Nicolas Chéron travaille au sein du département de chimie de l’ENS. Il nous a écrit suite à notre clin d’œil Pas de chocolat, pas de Nobel.

 ↳ « L’adage dit qu’on peut être très sérieux sans se prendre au sérieux, et vous gérez parfaitement cette ligne de crête entre sérieux et humour. Je lis vos newsletters avec beaucoup d’intérêt et je me permets de rebondir sur votre “et pour finir”. J’ai plusieurs fois entendu parler de l’étude sur le chocolat, et je voulais vous envoyer cet article parce que je pense que cela illustre bien quelque chose de classique actuellement : certains résultats scientifiques font la une mais, lorsqu’ils sont invalidés, on n’en parle pas parce que c’est moins drôle. Voici également de beaux exemples de corrélations à interpréter prudemment. »

UN CHIFFRE

73%

C’est la part des achats dans le bilan de gaz à effet de serre du CNRS, réalisé grâce aux outils de Labos1point5 – notamment GES1point5, on vous parlait déjà en 2020 – selon une méthode publiée en septembre dernier. Alors que le poste des missions, via notamment les voyages en avion, vient immédiatement en tête lorsqu’on parle d’émissions de CO2 dans la recherche, l’énergie “grise” nécessaire à la fabrication des objets divers achetés par les labos et les émissions associées restent un élément plus qu’important.

UN OUTIL

Pour un bon usage de la bibliométrie

La bibliométrie est une science qui permet d’observer la recherche, mais ses indicateurs sont également largement utilisés pour évaluer les chercheurs – relire notre interview d’Yves Gingras. D’où l’importance de rappeler les bonnes pratiques dans l’usage de la bibliométrie, ce que fait l’université du Québec avec ce guide à destination des chercheurs et des évaluateurs élaborés par ses bibliothécaires. Sont notamment proposés des tableaux comparatifs des indicateurs de performance des revues mais aussi des indicateurs pour les auteurs ou les articles.

EXPRESS

Des infos en passant


● Science post-normal. Cinq chercheurs et journalistes nord-américains ont étudié la couverture médiatique des preprints durant la Covid à travers des entretiens réalisés auprès de journalistes et publient leurs résultats dans Plos One. Si éviter la désinformation était l’une de leurs motivations premières, ces derniers reconnaissent manquer de temps et de connaissances pour examiner minutieusement les preprints, dont le traitement va certainement rester dans les mœurs des médias.

● La critique facile. Commenter les preprints sur les archives ouvertes reste une pratique marginale : parmi ceux déposés en 2020 sur bioRxiv et medRxiv, seulement 7% avaient reçu au moins un commentaire sur une durée moyenne de sept mois et demi, analyse une étude déposée elle-même sur bioRxiv. Critiques, corrections ou suggestions, ces commentaires jouent le même rôle que le peer review, analysent les auteurs. Viennent ensuite les compliments et des questions.

● Vote à main cachée. Voulez-vous des chaires de professeur junior ? Si vous avez raté le début, on vous en expliquait les grandes lignes en juin 2021 puis on analysait leur mise en place timide début 2022. Un certain nombre de labos, d’UFR ou de départements votent en ce moment même pour définir leur positionnement vis-à-vis de cette mesure de la Loi de programmation de la recherche (LPR) plus que controversée. Avec parfois pas mal d’abstention comme en témoignent quelques-uns de nos lecteurs. Et chez vous ?

● Cheveux blancs. Qui sont les référents intégrité ? On se posait déjà la question l’an dernier avec ce début de réponse : souvent des chercheurs expérimentés, parfois proche de la retraite, qui font rarement face à des cas “graves” – relire notre numéro spécial. L’Office français de l’intégrité scientifique (Ofis) publie les résultats de son enquête qui confirme notre portrait robot. La très grande majorité ne traitent que cinq cas ou moins par an.

EXPRESS

Votre revue de presse

→ Nature peinture. Sauce tomate sur un Van Gogh, purée sur un Monet… Ces actions menées par de jeunes activistes écologiques ont fait le tour de la toile. Face au mépris suscité par ces actes symboliquement forts, quatre enseignants-chercheurs spécialistes du patrimoine et des musées apportent leur soutien au mouvement et soulignent la justesse de leurs actions dans le média Basta!.
 

→ Interdit aux plus de 50 ans. Impulscience, le nouveau programme de financements créé par la fondation Bettencourt Schueller et parrainé par Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de chimie, a pour mission d’aider les jeunes chercheurs en sciences de la vie à poursuivre leurs travaux dans le milieu académique, explique Science & Avenir via l’AFP. Deux critères de sélection : avoir moins de 50 ans et travailler dans un laboratoire public en France.
 

→ Hors-la-loi. Au Japon, de nombreux chercheurs risquent de voir leurs contrats de travail résiliés après 10 ans de CDD à la chaîne alors qu’ils pourraient prétendre à un emploi permanent, selon une loi de 2013, rapporte University World News. Suite à ces licenciements massifs, les universités japonaises font face à de nombreuses poursuites judiciaires. Une situation qui peut rappeler les conséquences de la loi Sauvadet en France dont nous vous parlions

→ Révision im-pair-ative. Diviser l’évaluation par les pairs en plusieurs étapes ? C’est ce que préconise Olavo B. Amaral, pour qui la relecture par un expert n’est nécessaire qu’une fois la cohérence des données vérifiée par un algorithme, explique-t-il dans Nature. Un travail qui semble aussi nécessaire pour pallier la « crise de reproductibilité » en science sociale, peut-on lire dans Polytechnique Insights.

→ Peur au ventre. Quand un collègue, encadrant de thèse ou ponte du domaine se transforme en prédateur… Dans les laboratoires comme dans les colloques internationaux – Farah Deruelle et Adèle Combes en ont parlé à TMN ici et ici – les jeunes chercheuses sont les premières victimes de harcèlements et de violences sexuelles, souligne cette enquête de Libération.

→ Changement de direction. Face à l’urgence climatique, de nombreux chercheurs redirigent leurs recherches afin de les adapter à des problématiques plus ancrées dans le contexte de crise environnementale. Une transformation des savoirs scientifiques est nécessaire pour faire face à la mutation écologique, explique le physicien Pablo Jensen pour Analyse Opinion Critique (AOC).

Revue de presse réalisée par Noémie Berroir

FAUX JUMEAUX EP. 2

Et pour finir…


Un de nos fidèles lecteurs nous signale une homonymie au détour d’une rue orléanaise