Les chercheurs ont-ils changĂ© leurs habitudes d’Ă©criture avec la Covid ?
C’est exactement la question que nous nous sommes posĂ©e, mes deux co-autrices et moi : la crise de la Covid et la dĂ©ferlante de preprints qui l’accompagnait avaient-elles un impact sur la façon de rĂ©diger ? La rĂ©ponse est oui : les chercheurs ont utilisĂ© un lexique plus optimiste dans les abstracts des preprints sur la Covid partagĂ©s au tout dĂ©but de la crise, comparĂ© Ă un corpus tĂ©moin avant Covid.
Comment quantifier ces changements ?
Nous avons cherchĂ© diffĂ©rents types de marqueurs dans les abstracts [presque 24 000 preprints au total, NDLR] et comparĂ© leur Ă©volution par rapport Ă avant la crise. D’une part les mots positifs comme « robust », « impressive », « effective », « significant » ou encore « novel » – le plus frĂ©quent de tous – étaient encore plus employĂ©s dans les preprints sur la Covid. D’autre part, les mots nĂ©gatifs, dĂ©jĂ peu prĂ©sents dans la littĂ©rature scientifique, l’étaient encore moins. Enfin, nous avons remarquĂ© la prĂ©sence accrue de mots montrant l’incertitude comme « may », « would », « suggest ». En rĂ©sumĂ©, notre corpus regorge de « it could be effective » (« ça pourrait ĂŞtre efficace »).
Surpromotion et incertitude en mĂŞme temps, cela peut sembler contradictoire, non ?
Les chercheurs ont certainement eu recours à l’exagération pour accrocher le lecteur et se démarquer dans le très large lot de preprints. Mais ils ont aussi très vite compris que dans ce moment particulier, ils allaient toucher une audience particulière. Tout le monde peut lire les preprints au-delà de la communauté scientifique, comme les politiques ou les journalistes. D’où cette invitation à la prudence vis-à -vis des tout premiers résultats partagés, surtout que le résumé est souvent la seule partie que les gens lisent.
Cette tendance Ă la surpromotion existait-elle avant la Covid ?
Oui et elle avait déjà été repérée dans les abstracts, les introductions ou même dans le corps principal des articles. L’exagération des résultats – « hyping science » en anglais – est particulièrement visible dans les abstracts car il s’agit d’un genre promotionnel en général gratuit : une accroche pour que le lecteur lise la suite.
Y a-t-il des conséquences néfastes ?
Oui, on peut parler de méconduite scientifique lorsque les résultats scientifiques sont exagérés, mais aussi lorsque la présentation des résultats est infidèle à la réalité – notamment en laissant de côté ce qui n’a pas marché. La survente est dangereuse et il faut éviter de partir dans l’exagération car si les chercheurs savent déjouer les pièges, un lecteur moins averti peut être biaisé et de faux espoirs être communiqués dans la presse. Pour lutter contre cette mauvaise pratique, les éditeurs scientifiques ont réagi en publiant des guidelines ou en interdisant même l’usage de certains mots.
Avez-vous donc fait attention lorsque vous avez Ă©crit votre abstract ?Â
Oui, nous avons fait attention ! On se surveille mais on se surprend également : ne serions-nous pas un peu trop positives ici ? Et il n’y a pas que dans les publications que cela nous arrive, les promesses sont très présente dans les réponses aux appels à projets, à coup de « promising » et « unique ». Mais sommes-nous capables de les tenir ?
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