🍀 Vous nous avez écrit

25 mars 2022 | La recherche et ses pratiques

Seul 

dans sa bulle

En silos. 100 000, c’est le nombre de chercheurs dans l’académie en France – du moins son ordre de grandeur. Et pourtant, à combien de chercheurs parlez-vous chaque jour ? 1, 10, 100 ? Et il y a de grandes chances pour qu’ils soient de votre discipline, sur votre sujet très précis.

Points communs. Pourtant, des maths à la socio, vous partagez les mêmes enjeux de la recherche et avez besoin d’en débattre : publication, appels à projets, interactions avec la société civile…

En première ligne. Pour répondre à ces questions, qui de mieux placé que vous-même, chercheurs « lambda ». C’est pourquoi nous publions vos réactions à nos articles, réactions que vous trouverez dans ce numéro.

Plus on est de fous. TheMetaNews n’a pas vocation à rester entre quelques « happy few ». Aidez-nous à grossir les rangs – aujourd’hui plus de 6 000 lecteursr – en invitant vos collègues à s’inscrire.

Bonne lecture,
Lucile de TMN

Si vous n’avez que 30 secondes

• David Ilcinkas réagit au jugement majoritaire
• Guillaume Blanc est-il est un scientifique en rébellion ?
• Claudine Chaouiya a une objection sur le boycott russe
• Une anonyme n’aime pas survendre sa recherche
• Des infos en passant
• Votre revue de presse express
• Et pour finir avec un meme bien geek

Cinq minutes de réactions à nos articles

▶ David Ilcinkas est chercheur en informatique à Bordeaux. Il réagit au numéro sur le jugement majoritaire (développé par des mathématiciens).

« Je ne suis pas expert en système de vote mais j’ai entendu Roberto Di Cosmo parler de cette fraude italienne et plus généralement de l’attaque “ballot-as-signature”. Je voudrais donc vous signaler que le jugement majoritaire a de graves problèmes de sécurité s’il est mal mis en œuvre (sections 2, 5 et 6 notamment).

En résumé, le nombre de bulletins différents est tellement élevé que l’on peut signer son vote par le bulletin, ce qui permet l’achat de vote. Un peu plus précisément, un « influenceur » dit au « votant » exactement quel jugement il doit donner à chaque candidat. Ensuite, lors du dépouillement, l’influenceur vérifie la présence d’un tel bulletin. Si un tel bulletin n’est pas présent, l’influenceur est certain que le votant n’a pas obéi. Si un tel bulletin est présent, l’influenceur est quasiment certain que le votant a obéi, car le nombre de bulletins possibles est très très nettement supérieur à la taille du bureau de vote et ce même si certains candidats doivent recevoir un jugement positif et d’autres négatif (le but est quand même d’influencer l’élection en faveur de certains candidats). Il est donc très peu probable que le bulletin ne provienne pas dudit votant. Une fois que l’influenceur a expliqué au votant comment il peut vérifier son obéissance en toute légalité sans rentrer avec lui dans l’isoloir, il peut contraindre le votant en le menaçant d’une quelconque manière de rétorsions en cas de désobéissance. »

▶ Guillaume Blanc est enseignant-chercheur, à l’origine en astrophysique mais il a depuis peu ré-orienté ses activités. Il réagit justement au numéro sur les scientifiques en rébellion.

« Sans être beaucoup plus optimiste qu’Élodie Vercken, s’occuper l’esprit et faire le maximum pour que les choses changent et qu’on « look up » la réalité en face, tout en se formant continûment sur le sujet, est déjà une satisfaction intellectuelle personnelle (et un peu égoïste aussi).

Quand Élodie Vercken dit : « J’avais donné devant des ingénieurs un cours sur l’effondrement de la biodiversité qui les avait beaucoup touchés. Cela fait partie des sujets dont les étudiants en lettres n’entendent jamais parler, alors qu’il faudrait au contraire les enseigner dans toutes les formations. » C’est exactement le sens du rapport Jouzel qui ne dit pas autre chose. Au passage, un séminaire de Luc Abbadie sur ce rapport a été enregistré dans Labos1point5.

Il faut maintenant œuvrer pour que ce rapport, très bon, ne soit pas enterré, pour que ses préconisations soient rapidement mises en œuvre. Et continuer de former les étudiants tout en essaimant ce genre de cours partout. Il y a donc des choses qui avancent dans le bon sens.

Nous avons une équipe enseignement dans le GDR Labos1point5 dont l’objectif, outre de produire du contenu sur les enjeux écologiques, est d’actionner les leviers pour mettre en mouvement l’ensemble de la communauté universitaire afin de former massivement (et correctement) les étudiants. Il y a beaucoup d’autres initiatives en ce sens, notamment au niveau des écoles d’ingénieurs. L’université reste encore marginalement touchée, l’inertie y est peut-être plus grande, la mise en réseau plus difficile. »

▶ Claudine Chaouiya est mathématicienne au sein de l’Université Aix-Marseille. Elle réagit au numéro sur la suspension des relations avec la Russie.

« Concernant les réactions face à la terrible guerre qui sévit en Ukraine, je constate qu’il n’est plus de mise de déclarer que les scientifiques n’ont pas à se mêler de politique ou qu’il est contre-productif de boycotter les institutions.

Le traitement réservé à la Russie, l’injonction de « choisir son camp » à la Bush, tout cela fait douloureusement écho aux attaques subies par le mouvement BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions) lancé par les Palestiniens en 2005 contre Israël qui piétine le droit international depuis des décennies. En France, les appels au boycott sont criminalisés (en juin 2020, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour avoir violé le droit à la liberté d’expression de militants ayant appelé au boycott de produits israéliens), les associations de défense des droits palestiniens sont dissoutes par Darmanin, etc.

Cette campagne menée contre les institutions et individus russes pourrait être crédible si elle s’appliquait de façon similaire à Israël. »

Vous aimez ce que vous lisez ? Alors réfléchissez à deux fois avant de nous transférer : une fois ça va, vingt fois, bonjour les dégâts.

▶ Une chercheuse anonyme réagit au numéro sur la (sur)promotion des publications.

« La survente de la recherche n’a pas lieu que dans les papiers mais dans toutes les activités : écriture de projet, de brevets, compte-rendu de projet, présentation en conférence…

De mon côté, cela me met toujours mal à l’aise de faire cet exercice, qui pourtant est nécessaire pour publier, avoir de l’argent et accessoirement faire de la recherche. Cette survente est aussi liée à l’évolution du métier de chercheur vers un métier de marketing. Celui qui a les codes et sait bien présenter sa recherche est un « chercheur »…. Cela me fait penser à votre note “Les articles les plus cités possèdent des abstracts moins lisibles que la moyenne”, comme le montrait une publication du Journal of Infometrics [et c’est peut-être même une volonté des chercheurs pour donner une apparence de qualité et de compétence, analyse l’auteur, avions-nous écrit, NDLR].

Je voulais aussi rebondir sur le séminaire gouvernemental sur l’attractivité des carrières académiques. Est-ce que le gouvernement pourrait se demander comment arrêter de « détruire » des chercheurs avant de se demander comment les attirer ? Quoique le but est probablement de développer une recherche avec uniquement des chercheurs individualistes, égocentriques et sûrs d’eux ? Cela fait aussi écho à votre remarque sur le modèle des femmes “exceptionnelles” [lire l’édito de ce numéro]. »

 Des infos en passant  En dix ans, les libertés académiques ont reculé dans 19 pays selon l’Academic Freedom Index. Vous devinez lesquels ? Brésil, Hong-Kong, Inde et Turquie… mais pas que //////// Zotero fait peau neuve avec une sixième version, « the biggest upgrade in Zotero’s history » selon ses créateurs (voir aussi le « Et pour finir ») //////// Le consortium Couperin vous interroge sur vos besoins documentaires. Votre établissement principal (employeur ou tutelle) vous a-t-il abonné à TheMetaNews ? Si ce n’est pas le cas, c’est le moment de le dire ! //////// 

Votre revue de presse express

• Manger ou chercher. L’inflation au Venezuela fait fuir les chercheurs, comme en témoigne un écologue parti vivre en Espagne dans cet article de Nature traduit par Courrier International. Malgré des contrats courts, il y vit mieux que dans son pays natal.

• En route Marcel. Après l’âge d’or des émissions scientifiques à la télévision dans les années 1990, leur nombre ne fait que diminuer depuis la fin du fameux programme “C’est pas sorcier” en 2014. Marianne est parti à la recherche de ses successeurs.

• Relativité. La science n’a pas la côte auprès du grand public, d’après le nouvellement paru « Baromètre de l’esprit critique ». Les manques de fiabilité et d’indépendance des chercheurs (oui, vous) semblent être les principaux reproches, comme le détaille France Info.

Et pour finir

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On peut difficilement faire plus geek que ce meme déniché sur la page Facebook de Ciel Mon Doctorat, qu’on ne peut que vous conseiller de suivre pour d’autres clins d’œil à cette belle profession qu’est la vôtre.