On a rencontré Fariba Adelkhah

12.01.2024 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE


L’amour du risque

Blouses blanches et lunettes noires. Planqués dans leurs labos bien chauffés, les chercheurs ? Pas du tout : vous prenez des risques au quotidien, les exemples se sont récemment multipliés.

Quantumwashing. Tout d’abord le risque de voir ses travaux récupérés pour vendre des cosmétiques à 650 euros les 50 ml – on vous rappelle l’affaire Guerlain et sa « crème quantique » en revue de presse. Vos collègues de l’Université Palacky en Tchéquie ont dû s’expliquer.

Maraude en montagne. D’autres payent parfois un plus lourd tribut. L’anthropologue Didier Fassin décrit dans son ouvrage La recherche à l’épreuve du politique les intimidations qu’il a subies en étudiant l’action humanitaire à la frontière franco-italienne.

Chercheuse gênante. Pour une de vos collègues, c’est allé jusqu’à la prison. Fariba Adelkhah est resté plus de quatre ans derrière les barreaux en Iran, son pays d’origine. Libérée il y a quelques mois, elle nous a reçu dans son labo parisien de Sciences Po. Une interview à lire dans ce numéro.

À très vite, 
— Lucile de TheMetaNews

PS Notre campagne « Demain, ouvrir TMN » bat son plein. Toutes les infos.

Sommaire

→  INTERVIEW  Enfin libre, Fariba Adelkhah se livre
→  OUTIL  Ne lisez plus, écoutez
→  CHIFFRE  Autant d’APC que de financements doctoraux
→  EXPRESS  Votre revue de presse
→  ET POUR FINIR Chemins de traverse

TEMPS DE LECTURE : 5 ou 10 MINUTES

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INTERVIEW

« Je n’ai rien nié car c’était mon métier »

Anthropologue à Sciences Po, Fariba Adelkhah a été emprisonnée durant quatre ans par le régime iranien. De retour en France depuis septembre, elle témoigne et souligne la nécessité de lutter pour la liberté académique.

Avez-vous le sentiment que c’est en tant que chercheuse que vous avez été condamnée ?

   ↳ Dès qu’on analyse la société iranienne, on vous reproche tout et son contraire : la critique n’est pas acceptée par le régime et l’opposition m’a accusé de légitimer le régime… De manière générale, il y a une grande méfiance envers l’écrit, une absence d’autonomie de la recherche (…)

OUTIL

Ne lisez plus, écoutez

Dans l’oreillette. Et si, au lieu de les lire, vous écoutiez les articles scientifiques ? Plus besoin de rester planté derrière votre ordinateur, vous pouvez vous tenir informé des dernières publications durant une balade, une course à pied, un trajet à vélo – attention tout de même à rester vigilant. Plusieurs applications existent : listening.io, conçue spécialement pour les articles scientifiques, elle permet de choisir des sections à lire mais devient payante après deux semaines. Sur ordinateur, Audemic, gratuit jusqu’à cinq papiers, permet d’importer des articles en format PDF ou via Zotero et de les lire à différentes vitesses. Natural reader donne la possibilité d’interagir avec le document en PDF et de sélectionner des passages. Un moyen d’augmenter sa concentration, explique Andrew Stapleton dans une vidéo sur YouTube. Côté smartphone, Voicedream permet de lire n’importe quel document. Des outils indispensables pour les personnes qui ont du mal à lire les petits caractères mais qui peuvent se révéler également bien utiles pour des tâches précises comme la relecture de manuscrits, par exemple.

EXPRESS

Des infos en passant

● Monde post abo. Le CNRS vient d’annoncer son désabonnement à la base de données Scopus (Elsevier), quelques semaines après le choix très politique de Sorbonne Université d’arrêter de payer pour le service concurrent Web of Science (Clarivate), le chercheur Benoît Epron imagine dans un billet de blog le rôle des bibliothèques dans le monde d’après, tout open. Nous y reviendrons très bientôt.

● L’utile et l’agréable. Deux formations doctorales à vous présenter en cette rentrée : la première est le MOOC Doctorat et poursuite de carrière organisé par PhDOOC du 16 janvier jusqu’en mars – par ici pour les inscriptions. Labos 1point5 se lance également avec une formation intitulée Les crises environnementales : rôle et positionnement de la recherche et qui aura lieu le vendredi 9 février – toutes les informations sur leur site.

● Nouveauté permanente. Qu’apportent les sciences participatives à la recherche ? C’est avec cette question en tête que le séminaire du Centre d’Alembert reprend en 2024 avec une séance le mardi 16 janvier en présence d’un sociologue et d’un géologue, à suivre sur place à Saclay ou en visio.

CHIFFRE

1 sur 4

Un quart des articles publiés en 2022 par vos collègues portugais l’ont été contre paiement, révèle un preprint déposé sur socArxiv et dénonçant la dépendance aux frais de publication ou article processing charge (APC) en anglais. Le total représente une somme estimée entre 5,1 et 8,5 millions d’euros, à comparer aux 8 millions d’euros dépensés par l’agence portugaise Fundação para a Ciência e Tecnologia pour financer les 7000 doctorats annuels.

EXPRESS

Votre revue de presse

→ Tirs en rafale. L’affaire Claudine Gay, ancienne présidente de Harvard, continue de défrayer la chronique. Accusée de plagiat mais aussi de mauvaise gestion suite à des actes antisémites au sein de l’école, elle a finalement démissionné le 2 janvier, explique Libération. Neri Oxman, anciennement professeure au MIT et conjointe de l’homme d’affaires Bill Ackman qui avait appelé à la démission de Claudine Gay est, elle aussi, accusée de plagiat. Le site PlagiarismToday rappelle que l’utilisation du plagiat comme arme politique n’est pas nouvelle mais s’accélère. Bill Ackman compte maintenant s’attaquer au président du MIT, alerte Science Mag.

→ Sérum précieux. Une crème hydratante quantique ? Voilà qui sonne comme du charlatanisme mais la marque Guerlain se justifie par un partenariat avec une équipe de recherche tchèque en biologie quantique. Libération est allé vérifier l’information et a tendu le micro à quelques spécialistes français qui dénoncent une instrumentalisation. Le HuffPost a interrogé directement vos collègues tchèques : l’utilisation du mot quantique n’a pour eux aucun sens.

→ Chercheurs nomades. La pression à la mobilité est plus forte que jamais dans le monde académique. C’est du moins la conclusion que tire le média anglais Times Higher Education – repris par Courrier International– après avoir été à la rencontre de plusieurs universitaires expatriés au Royaume Uni. Ces derniers racontent ce qu’ils vivent tantôt comme un privilège, tantôt comme un sacrifice.

→ Science, lutte et rock’n’roll. La rock star du climat 2023 se trouve parmi vos collègues en la personne de Christophe Cassou. L’ayant rencontré au sein de la réputée ENS parisienne, le média Reporterre tire son portrait en soulignant à la fois son implication pour la médiation scientifique, au sein du GIEC, mais aussi dans les mouvements écologistes.

→ Pétitions en chaîne. Deux tribunes de chercheurs cette semaine. Dans Libération, une trentaine de directions de labo en sciences du climat tirent la sonnette d’alarme quant aux faibles effectifs et recrutements ↯ dans les sections concernées. Dans l’Humanité, près de 1300 chercheurs s’engagent « pour arrêter immédiatement le génocide et la guerre d’occupation en Palestine ».

↯ : articles protégés par un paywall

CHEMINS DE TRAVERSE

Et pour finir…

Pour atteindre son objectif, mieux vaut parfois ne pas suivre le chemin tout tracé.