Ce papier fait partie de notre série sur les concours comprenant notre poster agenda à télécharger et partager librement.
Tic-tac… Les premières listes des sélectionnés pour les auditions vont commencer à tomber ! Côté chargé·e de recherche (CR), le CNRS ouvrira le bal avec les premières auditions dès le 18 mars, puis à l’Inserm en avril… on vous épargne la liste de tous les organismes. Les candidat·es aux postes de maître·sse de conférences (MCF) devront quant à elles et eux attendre jusqu’en avril-mai. Les heureux élus seront avertis par courrier environ deux à trois semaines avant – ça va donc aller très vite –, mais on vous conseille aussi de vérifier chaque jour après la date des jurys d’admissibilité sur dossier (voir le calendrier par section). Si c’est votre cas, bravo tout d’abord d’avoir survécu à l’écrémage : moins d’un tiers voire seulement un huitième des candidats admis à concourir passent cette étape. Pas cette année ? Ce n’est pas une fatalité (lire notre encadré) !
« La façon de présenter ma candidature s’est grandement améliorée avec les années »
Belen Pardi
Italienne. Comment préparer son audition ? Vous êtes habitué·e à présenter vos travaux durant des conférences, vous avez soutenu avec brio votre thèse… Devez-vous maintenant en plus passer du temps à préparer scrupuleusement et répéter maintes fois en vue des concours ? Cela peut faire toute la différence : « La façon de présenter ma candidature s’est grandement améliorée avec les années et les entraînements. Je l’ai senti durant ma dernière audition », témoigne Belen Pardi, biologiste argentine recrutée à l’Inserm en 2023.
Chrono en main. Tout d’abord, le format d’une audition est bien particulier. On vous demande de présenter vos activités passées et présentes, ainsi que votre projet de recherche – et d’enseignement pour les postes de MCF – en un temps record : 10 ou 15 minutes (cela dépend de chaque concours, donc à vérifier), suivies du même temps de questions. Il vous faudra donc donner le maximum d’info en un minimum de temps, sans perdre le jury ni être trop superficiel. Un vrai casse-tête ! Camille Jeunet, également biologiste mais recrutée au CNRS en 2018, conseille sur son blog d’écrire votre texte pour être certain d’utiliser les tournures de phrases les plus efficaces le jour J. D’autant plus que l’audition se fera en français, alors que vous avez peut-être l’habitude de présenter vos travaux dans la langue de Shakespeare. Un discours qui sera évidemment accompagné de slides, à confectionner aux petits oignons. Un détail peut jouer en votre faveur : une slide de fin synthétisant les éléments-clés de votre présentation.
« Parfois je ne me sentais pas à l’aise avec les conseils »
Belen Pardi
Cher public. Ensuite, le public sera totalement différent de celui dont vous avez l’habitude en conférence. Ce ne seront pas vos collègues de la même sous-thématique capables de saisir tous les détails techniques mais des membres de votre discipline assez élargie – une vingtaine au total, ne prenez pas peur en entrant dans la pièce. Vous aurez donc absolument besoin de vulgariser un minimum. De plus, ils ne sont pas là pour apprendre de nouvelles choses – même si cela peut-être une de leur motivation évidemment – mais pour départager des candidats souvent tous très bons. Vous devez donc démontrer que vous êtes LA bonne personne pour ce poste, en mettant en avant non seulement vos résultats mais aussi votre contribution, votre façon de travailler, votre vision de votre sujet sur le moyen terme – pareil pour l’enseignement le cas échéant. La maîtresse de conférence et historienne Célia Keren conseille dans son vade-mecum de se renseigner sur les membres du jury pour adapter son discours – et au passage également sur les autres candidats auditionnés.
Côté jardin. Répéter, répéter, répéter… Cela va vous occuper durant la dernière semaine avant votre audition. Tous les heureux recrutés interrogés nous l’ont confié : mieux vaut trop que pas assez. Sollicitez donc un maximum de personnes : des ami·es fraîchement recruté·es (ou pas), d’anciens collègues (votre équipe de doctorat par exemple), d’anciens membres de jury (ils auront un œil aguerri) ou votre labo d’accueil. Ariane Amado, juriste recrutée au CNRS en section 36 mêlant droit et sociologie, a répété sa présentation devant des publics des différentes disciplines pour s’assurer que son discours était bien adapté. Les labos en sciences humaines et sociales accompagnant les candidats pour les concours CNRS (relire notre analyse sur la préparation des dossiers) organisent même des auditions blanches pour les candidats retenus. À la fin de toutes ces répétitions, vous aurez une tonne de suggestions et d’avis qui peuvent diverger. « Parfois je ne me sentais pas à l’aise avec les conseils », témoigne Belen Pardi. Ne vous forcez pas la main, écoutez aussi votre instinct.
« Les questions de mes collègues sociologues m’ont surprises (…) il faut s’entraîner à y répondre vite »
Ariane Amado
Sur le grill. Un autre élément clé à préparer pour une audition est le temps des questions ! Car contrairement à votre dernier oral en conf’ où un silence gênant a succédé à votre brillante présentation (ça va, on plaisante), les membres du jury en auront plein, et pas forcément celles que vous attendez : « Les questions de mes collègues sociologues m’ont surprises : elles n’étaient pas pointues mais il faut s’entraîner à y répondre vite, de manière la plus synthétique possible sans être décontenancé », témoigne Ariane Amado. Même s’il faut évidemment vous préparer à quelques questions techniques, notamment de la part de vos rapporteurs qui seront les plus proches thématiquement – et n’hésitez pas à préparer des slides dédiées.
Pièges bienveillants. Attendez-vous également à des questions de type “Ressources humaines” : « Si vous aviez la possibilité de recommencer votre thèse, que feriez-vous autrement ? » ou « Au sujet de l’aspect XX, comment comptez-vous vous y prendre ? Avez-vous les compétences ? Si non, avez-vous des collaborateurs ? », cite en exemple Camille Jeunet. Pour sa part, Christel Devaud, recrutée à l’Inserm en 2023, se souvient s’être vu demander où elle se voyait dans dix ans ou comment elle gérait les conflits. Le jury veut d’assurer que vous savez travailler en équipe ou coopération au sein d’un projet, tout en étant autonome. Un conseil général sur les questions : le jury est en majorité bienveillant donc ne vous laissez pas déstabiliser – on le sait, c’est plus facile à dire qu’à faire.
« Lors de l’audition pour le CNRS, j’ai senti que mes messages n’étaient pas passés »
Christel Devaud
Positive attitude. Un rappel qui vous aidera peut-être à dédramatiser : l’audition est un peu comme une pièce de théâtre, chacun joue son rôle, le jury comme l’auditionné·e. Malgré les enjeux, Célia Keren appelle dans son vade-mecum à « sépar[er] clairement sa propre valeur d’enseignant·e chercheur·e, d’un côté, et sa réussite à l’exercice, de l’autre ». Pourtant, vous devrez convaincre le jury que vous êtes « un·e collègue idéal·e : sympa, dynamique mais humble, collectif, responsable ». Facile, non ? Camille Jeunet souligne l’importance de montrer à quel point vous aimez ce que vous faites et que vous êtes fier de votre travail – tout en restant modeste, cela va sans dire. Essayez de prendre du plaisir, comme Ariane Amado qui atteste avoir passé un « bon moment » et être ressortie avec des points d’amélioration.
Verdict. Réussite ou échec ? S’il est parfois difficile de juger à la fin de l’oral, certains ressortent avec les idées claires : « Lors de l’audition pour le CNRS, j’ai senti que mes messages n’étaient pas passés », explique Christel Devaud, qui ne sera en effet pas retenue par le jury. « Ce dernier a en effet considéré mon profil et mes recherches axées translationnelles comme « typiquement Inserm » ». Au concours Inserm, en revanche, c’était clairement plus positif : « Les questions me paraissaient pertinentes et m’ont permis de bien mettre en valeur mon travail ». Une intuition juste semble-t-il car elle apprendra quelques semaines plus tard qu’elle est classée dans plusieurs sections. On vous souhaite la même réussite !
Pas d’audition ? Pas de panique
« Si tu es sélectionné pour l’audition, c’est bon signe ! » Vous avez peut-être déjà entendu cette phrase dans votre labo. Si ce n’est pas le cas, est-ce forcément de mauvaise augure ? Tentez de demander un retour au jury quand les épreuves seront terminées, il vous apportera peut-être des éléments afin d’améliorer votre dossier pour l’an prochain. « Il est souvent compliqué de savoir pourquoi l’on a été retenu ou pas », estime pour sa part Christel Devaud qui a candidaté au CNRS et à l’Inserm plusieurs années mais qui, en 2020, n’a pas été sélectionnée pour l’oral : « Émotionnellement, ça a été un gros coup dur… », avoue-t-elle – et toutes celles et ceux qui l’ont vécu s’en souviennent certainement encore. Pourtant, elle a persisté en retentant deux ans plus tard, avec succès : « Il faut toujours croire en soi et ne pas se laisser enterrer », conseille celle qui est devenue à presque 40 ans chargée de recherche à l’Inserm.