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21.02.2025 • N° 485 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE
L’électrochoc de la rétractation
À la Une. Le biochimiste Thomas Südhof, lauréat du Nobel de physiologie en 2013, vient de voir un de ses papiers rétracté. Publié en 2017 dans la revue Neuron (impact factor de 14, si ça vous parle), il avait été cité près de 150 fois.
Fame and shame. Ce n’est pas une première : des problèmes d’analyse et de copier-coller l’avaient conduit à demander la rétractation d’un autre de ses articles en 2024. Mais contrairement à la chimiste, également Nobel, Frances H. Arnold, Thomas Südhof ne s’est pas livré publiquement sur le sujet.
Électrochoc. Pour répondre aux critiques postées sur Pubpeer, son équipe consacre toutefois une page de son site web à l’intégrité scientifique, tentant de prouver sa bonne foi, en partageant notamment son lab manual.
Sans attendre. Faut-il en arriver là pour s’améliorer ? Des chercheurs hongrois ont analysé les causes profondes des erreurs qui peuvent survenir au labo. Je vous livre leurs conclusions dans notre analyse de la semaine.
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Bonne lecture,
— Lucile de TheMetaNews
Sommaire
→ ANALYSE Ces bourdes qui mènent à la rétractation
→ OUTIL Un coup de pouce pour votre anglais
→ CHIFFRE Rétractés mais pas signalés (sur HAL)
→ EXPRESS Votre revue de presse
→ ET POUR FINIR Amour, gloire et papiers
TEMPS DE LECTURE : 5 ou 10 MINUTES |
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ANALYSE
Ces bourdes qui mènent à la rétractation
Un tiers des rétractations seraient dues à des erreurs de bonne foi. Comment les éviter ? Après avoir sondé les auteurs concernés, cinq chercheurs proposent des solutions concrètes.
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↳ L’erreur est humaine et le monde de la recherche n’y fait pas exception. Oublier de changer les paramètres de l’expérience d’une mesure à l’autre, mettre une virgule en trop dans le code d’analyse ou copier-coller trop vite… Les possibilités d’étourderie sont infinies (…)
OUTIL
Un coup de pouce pour votre anglais
Vous avez besoin d’un petit coup de pouce pour vos écrits en anglais ? Certains d’entre vous l’utilisent déjà et nous l’ont conseillé : Grammarly reformule vos textes en fonction du contexte ou en génère comme point de départ. Développé par deux Ukrainiens en 2009, l’outil s’appuie depuis 2023 sur l’IA générative (comme ChatGPT). Petit bémol, la version gratuite est assez limitée. Si vous préférez l’interaction humaine pour améliorer votre anglais académique, vous pouvez vous inspirer de l’initiative de ce biologiste japonais dont parle Nature.
EXPRESS
Pendant ce temps dans les labos
● Reconnus. En mai 2023, seize militants écologistes dont des scientifiques avaient bloqué le port du Havre pour dénoncer la construction d’un terminal méthanier. Après leur passage à la barre en décembre 2024, la justice les a relaxés au motif de « l’état de nécessité » – terme juridique signifiant que le délit est jugé nécessaire et proportionné par rapport au danger sur lequel il alerte. Une victoire pour les Scientifiques en rébellion.
● Affaire de style. Dans les titres de vos papiers, avez-vous déjà utilisé des phrases composées de trois mots séparés par des virgules, comme « Pattern, Perception, and Performance » ? Ce genre de titre dit tripartite a apparemment beaucoup de succès et cela se voit dans le nombre de citations des papiers : jusqu’à 32 fois plus que la moyenne en biomédical, selon une étude. Si les auteurs ne notent pas une utilisation en augmentation de ce genre de titre, on se dit que l’explosion du phénomène adviendra peut-être après la lecture de cette étude. Les paris sont ouverts !
● À livre ouvert. Publier des livres en accès ouvert ? Une enquête réalisée à l’échelle européenne révèle que les chercheurs du Royaume-Uni semblent bien plus informés sur la question qu’en Allemagne. Dans un billet de blog, les auteurs soulignent le besoin de développer une politique en local (relire mon analyse sur Nantes Université) et pas seulement nationale (relire l’analyse de Noémie). Comment financer l’open access des monographies ? Trois Britanniques présentent des initiatives locales, notamment pour faire face aux book processing charges (en référence aux APC) mis en place par plusieurs éditeurs.
● Mais aussi… Springer Nature a rétracté près de 3000 publications en 2024 dont environ 6 sur 10 dataient d’avant 2023, annonce la maison d’édition qui affirme s’être engagée dans un processus de correction de la littérature ● La région Île-de-France cofinance des doctorats (entre 100 000 et 120 000 euros). Dépôt des dossiers avant le 14 avril 2025 ● Un appel à projet autour des données massives est toujours ouvert auprès du CNRS et ce jusqu’au 5 mars ● Les 6ᵉ Rencontres de l’édition en sciences humaines et sociales auront lieu les 19 et 20 mars au campus Condorcet ● Trois universités britanniques ont mis fin à leur accord avec Elsevier, le bibliothécaire Peter Barr explique pourquoi sur le blog LSE Impact of Social Sciences ● Non-respect des exigences éthiques de la recherche sur l’être humain : quel est le rôle de la référente ou du référent à l’intégrité scientifique ? L’Ofis répond ●
CHIFFRE
91%
La très grande majorité (91%) des articles corrigés ou rétractés ne sont pas mentionnés comme tel dans HAL, révèle une étude publiée dans Learned Publishing. Un défi complexe pour la plateforme d’archives ouvertes – la deuxième plus grande au monde parmi les institutionnelles –, admet dans un billet de blog l’auteure qui appelle à « un meilleur signalement des versions combiné à l’affichage explicite de l’information de correction/rétractation ».
EXPRESS
Votre revue de presse
→ Fil rouge. Coupures budgétaires, censure et maintenant licenciements massifs. Depuis l’investiture de Donald Trump le 20 janvier, les mesures visant à brider la science s’accumulent. Pour ne pas perdre le fil, le magazine Science a mis en place un Trump Tracker – qui n’est pas sans rappeler le Silencing Science Tracker, relire notre analyse. S’inspirant des marches pour la science de 2017, chercheurs et étudiants se préparent à une mobilisation le 7 mars, avec l’espoir d’un sursaut.
→ Banni menteur. La présence d’Elon Musk dans les rangs de la Royal Society britannique fait de plus en plus grincer des dents – relire en notre interview de Dorothy Bishop qui a démissionné en guise de protestation. La société savante va-t-elle révoquer Musk ? C’est en tous cas le sujet d’une réunion de crise qui se tiendra début mars ↯, nous apprend Nature. En France, des chercheurs dénoncent dans une tribune à Libération les attaques du milliardaire contre la science et la liberté académique ↯.
→ Pas contents. En Tunisie, des docteurs sans emploi et en colère manifestaient cette semaine devant leur ministère de tutelle. Face au peu de postes dans les universités malgré les promesses des dirigeants politiques, les jeunes chercheurs réclament leur « droit à un emploi stable et digne ». Reportage signé Réalités Online.
→ À sa place. Vous soumettez votre abstract pour la prochaine grosse conférence de votre discipline sans vous sentir complètement légitime ? Doctorant au Maroc, Anas Bedraoui a réalisé que la plupart des chercheurs plus expérimentés souffraient également du même syndrome de l’imposteur – relire notre numéro spécial – et en témoigne dans les colonnes de Science.
→ Hobby à plein temps. Le docteur en dynamique des fluides Nick Wise compte à son actif de détective le signalement de plus de 1000 publications problématiques, qui ont depuis été rétractées. Pourquoi ne pas être payé pour cela ? Le jeune chercheur travaille aujourd’hui chez un éditeur et donne ses premières impressions dans Retraction Watch.
→ Portraits de femmes. La neuroscientifique Emmanuelle Baillet a grandi dans le Nord de la France et officie aujourd’hui dans la prestigieuse université de Berkeley : une fierté pour ses parents ; Le Réveil de Berck lui tire le portrait. En Loire-Atlantique, Ouest France met en lumière la directrice de recherche Valérie Renaudin qui rêvait au départ de devenir architecte ↯.
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AMOUR, GLOIRE ET PAPIERS
Et pour finir…
Dans la liste des 30 couples de pouvoir se trouve un couple de chercheurs. Devinerez-vous qui (et dans quelle discipline) ?