Ils tentent de corriger la science

— Le 10 juin 2022

10.06.2022 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE


Il y a liberté et liberté

Fièvre médiatique. Un chercheur sur deux estime que ses collègues ne devraient pas exprimer leurs opinions personnelles dans les médias. C’est un des résultats préliminaires d’une étude menée au sein du CNRS qu’a présenté Michel Dubois au colloque sur la parole des scientifiques organisé le 09 juin par l’Office français de l’intégrité scientifique (Ofis).

Représailles. Les chercheurs auraient-ils peur d’un éventuel retour de baton ? Olivier Beaud et Yves Gingras sont unanimes : dans notre contexte franco-français, aucune sanction ne devrait être prise par les institutions contre ceux qui ont la langue trop bien pendue (on a tous des exemples en tête).

Responsabilité. Toutefois, la liberté académique se mérite : elle s’accompagne du devoir de ne pas exprimer des idées non justifiées par un raisonnement scientifique. Et pour les autres chercheurs, de ne pas se défausser quand il s’agit de monter au front pour rappeler le consensus.

La preuve par l’exemple. C’est un peu ce qu’a fait Raphaël Lévy, chercheur en nanobiologie, qui s’est mis en tête de corriger la littérature scientifique dans son domaine après avoir vu passer des énormités dans des revues prestigieuses. Son portrait, mon premier en tant que journaliste, vous attend dans ce numéro

A très vite, 
— Lucile de TheMetaNews.

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Sommaire

→  PORTRAIT  Le parcours de Raphaël Levy, chasseur de bullshit
→  UN CHIFFRE  Votre domaine est-il assez financé ?
→  EXPRESS  Des infos en passant 
→  EXPRESS  Votre revue de presse
→  ET POUR FINIR Avec des murmurations de chercheurs

TEMPS DE LECTURE : 3 ou 9 MINUTES

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PORTRAIT

Itinéraire d’un « emmerdeur »


© Lucile Veissier

Raphaël Lévy a tenté de corriger la science : un processus long, compliqué et plus qu’imparfait. Voici son histoire.

Aujourd’hui professeur à l’Université Sorbonne Paris Nord dans le « neuf trois », le physicien Raphaël Lévy est loin des institutions prestigieuses qu’il a un temps fréquenté. Il avait pourtant un poste, une équipe et des moyens à Liverpool où il a passé 18 ans. Mais le Brexit a mis fin à son expatriation. (…)

UN CHIFFRE

Un sur quatre


Un quart des chercheurs estime que son domaine est suffisamment financé, les plus satisfaits étant les informaticiens et les plus insatisfaits les matheux, révèle un rapport de sur le futur de la recherche publié par Elsevier. Malgré une diminution globale des financements, les plus de 2000 chercheurs sondés du monde entier restent plutôt optimistes et misent sur une augmentation des collaborations. Le rapport offre également un volet prospection en proposant trois scénarios pour le futur de la recherche. Dans leur boule de cristal : une montée en puissance de l’open science, de la Chine et de l’IA. On vous laisse juge de leur originalité et/ou de leur pertinence. 

EXPRESS

Des infos en passant


 ● Fauteuil vide. L’examen au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) du projet de texte pour le futur arrêté modifiant le doctorat a été repoussé à la prochaine réunion du 14 juin, faute de ministre en poste le 19 mai dernier. La soutenance à huis clos aurait disparu de ce texte qui a bien bougé depuis janvier, contrairement au serment des docteurs, toujours présent. On vous en reparle donc bientôt.

● Bras de fer. Situation toujours bloquée à la BnF où la grève, entamée début mai, a été à nouveau reconduite. Les personnels de la bibliothèque, soutenus par l’association des lecteurs et usagers de la BnF (ALUBNF), ont également reçu la visite de personnalités politiques. La pétition contre la réduction des communications dépasse aujourd’hui les 15 000 signatures.

● Mieux vaut tard. Le Japon lance enfin son serveur de preprints – c’était l’un des derniers pays à ne pas en avoir. La pratique de déposer ses articles sur des archives étant peu répandue au Japon, les débuts sont timides : Jxiv, en ligne depuis mars, compte à peine 40 preprints déposés. 

● Les fameux. Valérie Masson-Delmotte fait partie des 100 des personnalités les plus influentes désignées par le Time. Dans la catégorie “pioneers”, la paléoclimatologue connue dans les médias français pour sa coprésidence du groupe nᵒ1 du GIEC, se retrouve aux côtés de quelques autres scientifiques : l’économiste Emily Oster spécialisée dans la parentalité ainsi que les chercheurs Tulio de Oliveira et Sikhulile Moyo ayant découvert les variants (beta et omicron) du virus de la Covid.

● Money money. Permettant l’accès ouvert, le système des frais de publication pour les auteurs (APC en anglais) pourrait également “fermer la recherche” à cause des inégalités qu’il creuse, alerte les auteurs d’un article dans Scientometrics. Pendant ce temps, Nature s’enorgueillit d’ouvrir l’accès à de plus en plus de publis grâce aux accords dits transformants. Pour rappel, il s’agit de transformer le budget actuellement dépensé pour l’abonnement en budget de publication en accès ouvert, comme l’explique le blog Science ouverte de l’Institut Pasteur.

EXPRESS

Votre revue de presse


→ Covid-22. Quel est le risque de voir s’échapper d’un laboratoire un virus ultra-dangereux ? Alors que les estimations varient du tout au tout, Undark interroge chercheurs et experts et rappelle l’origine de cette nouvelle science qu’est l’évaluation des risques.

→ Cherche soutien. Sale temps pour les chercheuses afghanes. Comme dans l’ensemble de la société contrôlée par les talibans, les violentes discriminations dont sont victimes les femmes ont explosé, leur interdisant de côtoyer leurs homologues masculins sur les bancs des universités, rapporte Nature.
 

→ Pris par surprise. Aux États-Unis, les contrats de tenure track libérées par la titularisation des chercheurs ne sont pas renouvelés par les universités. La menace sur le nombre de postes – même précaires –  vient donc plutôt du côté des universités que des politiques publiques, conclut TheHigherEducation.

→ Sans filtre. On découvre un nouveau classement : celui de Research.com. Bien classé, le chercheur Philippe Froguel, le découvre également et réagit dans cet article de France 3 Hauts-de-France qui se transforme presque en tribune sur les conditions de la recherche en France.

→ Militant. Politis consacre tout un dossier aux scientifiques qui passent à l’action pour la cause climatique (relisez notre interview d’Élodie Vercken) avec un article sur le collectif Labos1point5 et une interview de François Gemenne qui s’insurge contre la soi-disant neutralité des scientifiques – mais qui prend tout de même l’avion et s’explique dans l’Obs.

→ Numéro gagnant. Devant la persistance des postes à moustache et des comités fabriqués sur mesure, des sociologues expérimentent le tirage au sort du comité de sélection à l’université CY Cergy pour lutter contre le localisme et les querelles de chapelle. Premier bilan dans Le Monde.

MURMURATIONS

Et pour finir…


Les chercheurs aussi réseautent sur Twitter, mais pas de n’importe quelle manière

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