L’ingérence chinoise dans la recherche française

— Le 6 octobre 2021

Théâtre d’ombres
Deux rapports démontrent l’entrisme de la Chine — et d’autres — dans la recherche française. Explications.

Ricochets. Deux rapports viennent à quelques jours d’intervalle dresser le portrait (chinois ?) des ingérences étrangères dans la recherche française. Le premier baptisé « Les opérations d’influence chinoise » a été produit par deux chercheurs de l’Irsem, le second porte sur les ingérences étatiques extra européennes et a été produit par une commission sénatoriale (voir l’interview).

Coup sur coup. Loin de son traditionnel mutisme, la Chine n’a pas manqué de réagir au premier par la voix très peu modérée de son ambassade. Un changement de ton qui signe la montée d’un nationalisme très actif… et qui se fait sentir jusque dans les labos français. Pour cela, la Chine attaquerait, selon l’Irsem là où le bât blesse en France :« Le manque de reconnaissance et de moyens dans les laboratoires a rapidement été identifié par Pékin comme un talon d’Achille »

Coup sur coup. Le rapport cite ainsi le chercheur Antoine Bondaz — qualifié de « petite frappe » par l’ambassadeur de Chine, rappelez-vous —pour qui la Chine est « un paradis : des labos flambant neufs, des moyens financiers importants et des équipes de soutien à la recherche pléthorique ». Ce qui explique l’entrisme chinois dans certains établissements moins bien dotés, comme Poitiers, Angers, Arras ou Pau. Comme le résume le sénateur Pierre Ouzoulias :« Si l’on veut éviter que les chercheurs se financent par des sociétés écrans chinoises, il faut leur donner plus de moyens (…) notre système public nous protège encore »

Les chemins mènent à Pekin. La France est une cible importante pour le Parti communiste chinois. Le rapport liste ainsi environ plusieurs centaines de cellules chargées d’attirer des chercheurs : les États-Unis sont la cible prioritaire, avec 146 cellules identifiées, puis viennent l’Allemagne (57), l’Australie (57), le Royaume-Uni (49), le Canada (47), la France (46).

Mille talents. Le rapport de l’Irsem rappelle qu’une publicité placée en janvier 2018 dans la revue scientifique Nature expliquait ainsi que tous les candidats retenus recevraient une prime de départ de 126 000 € et pourraient demander une dotation d’environ 500 000 euros, dans le cadre du programme Mille talents (dissous depuis).

Cécité sur les SHS. Outre les sciences « dures », les sénateurs pointent les « nouvelles stratégies d’influence qui ciblent les sciences humaines » ou l’impact du classement de Shanghaï. A tel point qu’ils proposent dans leur rapport de créer un classement alternatif, où les universités seraient notées sur l’intégrité ou les libertés académiques. 

Notre analyse  Aucune trace du rachat pourtant hautement symbolique d’EDP science par l’Académie des sciences chinoises dans ces deux rapports. Aucune trace non plus de l’islamogauchisme comme influence extérieure dans notre vie académique.
L’impossible contrôle

Sur le papier, tous les partenariats internationaux doivent être examinés par le ministère de la Recherche. 912 dossiers ont ainsi été soumis depuis 2019 et le taux d’avis négatifs est de 6,5 %. Les sénateurs dénoncent dans leur rapport une méthode très imparfaite : outre l’absence de déclaration systématique, sans réponse au bout d’un mois, les dossiers sont réputés approuvés. Il faudrait tripler ce délai, selon eux. Dans leurs propositions, ils suggèrent de renforcer le rôle des fonctionnaire sécurité défense (FSD), souvent bien seuls au sein des établissements, à l’exception notable de l’équipe du CNRS. Enfin, ils proposent que les ministères de l’Economie et des Armées puissent être mis dans la boucle et que ce contrôle soit étendu aux filiales française de boîtes étrangères (coucou Huawei).

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