Où candidater ? Le guide

Maintenant que vous avez téléchargé notre poster pour préparer les concours, passons à l’action avec les bons conseils pour choisir son labo d’accueil.

— Le 6 octobre 2023

« Ça va, il y a le temps, les concours sont dans deux mois, voire plus… » vous entend-on déjà bougonner. Pas du tout, tous les reçu·es aux concours vous le diront : une candidature, ça se construit sur des mois, voire des années ! Alors ne procrastinez pas – relisez notre papier à ce sujet au besoin –, c’est dès l’automne qu’il faut contacter les équipes dans lesquelles vous vous verriez bien poser vos valises au moins pour les dix ans à venir. Un poste s’ouvrirait-t-il dans leur département ? Soutiennent-ils déjà un·e candidat·e ? Quels sont leurs projets pour le futur ? Et ainsi pouvoir commencer à élaborer une ou plusieurs candidatures. Candidature à quoi déjà ? On revient aux bases – désolée pour celles et ceux qui connaissent déjà tout ça par cœur.

« L’affectation ne relève pas des sections mais des instituts »

Fabien Jobard, président de la Conférence des Présidents du Comité National (CPCN) du CNRS

Demandez la liste. Chaque année, près de 2000 postes sont ouverts aux concours pour le recrutement de jeunes chercheurs et enseignants-chercheurs fonctionnaires (voir les alternatives en encadré). Sauriez-vous énumérer tous les établissements qui recrutent ? Tout d’abord les universités et grandes écoles : en 2023, le plafond fixé par le ministère était de 1605 postes de maître·sse de conférences (MCF, recherche et 192 heures d’enseignement) – un plafond rarement atteint par manque de budget et qui pourrait à nouveau ne pas l’être cette année suite à des coupes budgétaires. Puis les organismes de recherche, sous la forme de postes de chargé·e de recherche de classe normale (CRCN, 100% recherche) : 254 au CNRS, 67 à l’Inserm, 59 à Inrae, 30 à l’IRD, 21 à Inria et 2 à l’Ined en 2023. 

Jeu de poste. Dans les organismes, les postes sont officiellement publiés par arrêté – cliquez sur les liens précédents – entre décembre et février et sont déjà dispatchés par section disciplinaire ou thématique pour le CNRS, l’Inserm, Inrae et l’IRD ou par centres géographiques à Inria. Chaque organisme possède sa plateforme – tapez simplement “concours chercheurs XXX” dans un moteur de recherche pour la trouver. Dans les établissements d’enseignement supérieur, l’ouverture des postes se fait localement, puis les offres sont répertoriées sur la fameuse plateforme Galaxie et classées par section disciplinaire CNU (Conseil national des universités) – dont les numéros ne correspondent en rien à celles du CNRS, évidemment ! Le plus simple pour savoir à quelles sections/commissions thématiques vous pourriez candidater ? Demandez aux chercheurs de votre labo à laquelle ils appartiennent ! Côté timing, il existe une campagne dite “synchronisée” s’ouvrant vers mars, mais aussi des offres déposées “au fil de l’eau” dont la liste est régulièrement mise à jour et consultable sur Galaxie. Vaut mieux donc rester toujours aux aguets…

« Les premières candidatures s’apparentent souvent à un entraînement »

Mathieu Souzy, chargé de recherche Inrae (2023)

Embarras du choix. A-t-on toujours le choix de l’équipe d’accueil lorsqu’on candidate ? Pas forcément. « À Inrae, les fiches de poste pour les concours sur profil sont très détaillées et précisent l’unité d’accueil, l’environnement de travail, la formation demandée », explique Stéphanie Pommier, responsable du recrutement par concours. Très fléchés, ces postes se distinguent des plus rares concours dits sur projet – une dizaine de recrutements tous les deux ans –, où le candidat est libre d’élaborer un projet avec l’équipe de son choix. Une stratégie très différente des autres organismes où l’initiative personnelle des candidats est un critère cardinal. Inrae semble mettre à l’honneur l’historique de l’équipe : « On élabore une stratégie à dix ans autour d’un projet collectif », explique Soizic Morin, chercheuse Inrae à Bordeaux. « J’ai tout de même élaboré un projet après avoir contacté l’équipe », explique Mathieu Souzy, mécanicien des fluides tombé avec étonnement sur une fiche de poste Inrae qui semblait bien lui correspondre. Ce qui lui a réussi : il a rejoint l’unité Recover (Inrae) à Marseille l’an dernier. Comme quoi les candidatures spontanées, ça peut marcher.

Tic tac, tactiques. À l’université ou dans les écoles, le choix de l’équipe d’accueil doit bien évidemment se faire parmi les laboratoires sous tutelle et selon la fiche de poste mais il reste souvent une petite marge de manœuvre. Les besoins d’enseignement ou de responsabilités collectives priment souvent dans les arbitrages pour l’ouverture d’un poste puis dans ceux de la commission. Reste forcément quelques joutes stratégiques entre équipes et labos, que ladite commission est supposée ignorer. On vous rappelle au passage que la qualification est obligatoire pour concourir aux postes de MCF et qu’il vous faudra donc passer cette étape supplémentaire au moins six mois avant. S’il s’agit d’une formalité dans certaines disciplines, dans d’autres, la sélection est beaucoup plus rude – relire notre analyse suite à l’interview de la ministre en janvier 2021 à ce sujet. Rappel : cette année, vous devez déclarer votre candidature avant le 10 novembre.

« J’ai choisi un laboratoire de taille modeste à Lille, peu demandé » 

Ariane Amado, chargée de recherche CNRS (2023)

Darwin-win. Pour des organismes comme le CNRS, l’Inserm ou Inria, vous avez plus ou moins carte blanche : à vous d’élaborer le projet de votre vie – avec autant d’enthousiasme que notre Président lorsqu’il était lui aussi candidat – au sein de l’équipe de votre choix. Le triptyque “CV + projet + adéquation avec l’équipe d’accueil” est souvent cité comme déterminant par les candidats heureux autant que par les membres des commissions. « L’affectation ne relève pas des sections mais des instituts », rappelle Fabien Jobard, président de la Conférence des Présidents du Comité National (CPCN) du CNRS regroupant les 47 présidents de section, avant de rappeler l’hétérogénéité des pratiques : « Certaines sections, formées en jury d’admissibilité, ne regardent pas les voeux du candidats, ni les lettres de soutien. Pour d’autres, le choix du labo est un élément essentiel, car ce sont les équipements du labo qui permettront, ou non, la réalisation du projet de recherche », explique le politiste. 

Tel Guillaume Tell. « Lorsqu’on est expérimentateur, on dépend beaucoup des sujets de l’équipe d’accueil car les premières années, on n’aura pas d’argent pour monter une toute nouvelle manip ou thématique de zéro », abonde Hanna Le Jeannic, chargée de recherche en physique, recrutée au CNRS en 2020. Pour Belen Pardi, recrutée à l’Inserm avec un profil plus senior, la question ne s’est pas posée en ces termes : ayant décroché un financement Atip Avenir l’an dernier, elle s’était déjà établie. Ariane Amado, juriste admise cette année au CNRS – dans la fameuse section 36 qui fait tant couler d’encre – n’a proposé qu’un labo d’accueil alors que trois choix peuvent être émis : « J’ai choisi un laboratoire de taille modeste à Lille, peu demandé et qu’il était surement important de faire vivre avec un recrutement CNRS. On m’avait par ailleurs déconseillé de proposer un labo parisien car il y avait beaucoup trop de candidats. » Mais rien n’empêche de rectifier le tir, comme le montre l’exemple de Christel Devaud, recrutée cette année à l’Inserm : « Lors de ma première candidature, la commission m’avait demandé pourquoi je n’étais pas rattachée à un autre centre. Depuis, j’ai rejoint l’équipe où il fallait que je sois. »

Soutien sans faille. Le soutien de cette équipe d’accueil est généralement crucial – même si on trouve toujours des exceptions, évidemment. Un soutien qui peut se matérialiser par une lettre au jury mais surtout par un accompagnement tout au long de votre candidature : élaboration du projet, références bibliographiques, relecture du dossier, répétition de l’audition – ne vous inquiétez pas, nous y reviendrons dans nos prochains papiers de la série. Après tout, ce sont bien les membres de cette équipe qui bénéficieront de vos talents si vous arrivez à franchir la barre des concours, donc ils et elles doivent être les premiers motivés à vous aider. Bien sûr, multiplier les sources de conseils et solliciter l’ensemble de votre réseau ne fera qu’enrichir votre candidature. Alors pas de pudeur, annoncez vos ambitions autour de vous !

« Lorsqu’on est expérimentateur, on dépend beaucoup des sujets de l’équipe d’accueil »

Hanna Le Jeannic, chargée de recherche CNRS (2020)

Trop jeune ou trop vieux.  Vous vous demandez peut-être : ai-je assez d’expérience ? L’âge des heureux élus varient grandement d’une discipline à l’autre mais également parfois au sein d’un même concours : « Depuis la fusion des deux corps de chargés de recherche [datant de 2017, NDLR], on sélectionne à la fois des profils “jeunes” autour de 32 ans avec quelques années de postdoc et des profils plus “seniors” qui approchent la quarantaine et ont commencé à monter leur propre groupe », explique Catherine Schuster, présidente d’une commission Inserm. Christel Devaud y a été recrutée 14 ans après son doctorat alors que la géographe Ninon Blond avait soutenu sa thèse deux ans auparavant lorsqu’elle a obtenu son poste à l’ENS Lyon. Vous voulez des stats dans votre discipline ? Certaines sections/commissions produisent des rapports, doublés par l’analyse d’associations comme celle des Candidats aux Métiers de la Science Politique (ANCMSP). Le CV parfait n’étant pas de ce monde, tous les conseils se rejoignent sur ce point : tentez le coup ! 

Loin du cœur. Enfin, si un postdoc à l’étranger est souvent un gros plus dans le CV – même en SHS quand on cherche à rentrer au CNRS –, être à l’autre bout du monde au moment où l’on candidate a ses avantages et ses inconvénients : « De retour de mon postdoc en Australie, c’était difficile de se refaire une place en France », témoigne Christel Devaud. Même son de cloche pour Belen Pardi, recrutée à l’Inserm cette année, originaire d’Argentine et ayant fait ses armes postdoctorales en Allemagne : « Comprendre comment devenir principal investigator [“PI” pour les intimes, NDLR] en France était compliqué. Petit à petit, j’ai profité des conférences pour demander à des chercheurs français ». Mais être loin de l’ambiance très franco-française des concours peut aussi avoir du bon : « En France, les collègues m’auraient assaillie de questions. Au Danemark, personne ne m’en parlait plus que ça alors j’ai certainement été moins stressée en préparant l’audition ! », témoigne Hanna Le Jeannic. 

Faut-il vous lancer cette année ?

POUR

  • Chaque candidature est un entraînement
  • Élaborer un projet est enrichissant en soi 
  • Une candidature se construit souvent sur plusieurs années

CONTRE

  • Le risque d’être pris sur un poste qui ne vous convient pas
  • Candidater prend beaucoup de temps et d’énergie
  • Du temps que vous pourriez consacrer à autre chose…

Salutation au soleil. Quoi que vous décidiez, ce ne sera jamais du temps perdu : chaque candidature est un entraînement pour monter son dossier, faire le bilan de ses activités de recherche, prendre des contacts… De plus, élaborer un projet est enrichissant en soi : faire de la biblio, contacter de potentiels collaborateurs, se projeter dans quelques années, nouer des affinités scientifiques, réfléchir à ce qui nous paraît le plus intéressant et/ou le plus prometteur… Bref, il est possible de joindre l’indispensable à l’agréable ! Enfin, une candidature se construit souvent sur plusieurs années, dit-on dans le milieu. Les membres de la section qui vous examinent pour les postes de CRCN restent quatre ou cinq ans et la première année tient souvent lieu de présentation au jury. Les candidats qui finissent sur liste complémentaire une année ont en général beaucoup de chance de passer l’année suivante. Pour les concours de MCF, les comités se font et se défont pour chaque poste mais comme le monde de la recherche est petit, vous pouvez recroiser les mêmes d’une fois sur l’autre et faire valoir votre classement à un concours précédent. 

« Au lieu de préparer les concours, j’ai préféré me concentrer sur l’écriture d’un papier pour Science »

Christel Devaud, chargée de recherche à l’Inserm (2023)

Le sens des priorités. « Les premières candidatures s’apparentent souvent à un entraînement », constate Mathieu Souzy. Avec toutefois le “risque” d’être admis et de ne pouvoir refuser un poste qui ne vous convient pas vraiment. C’est d’autant plus vrai sur les postes de MCF, les mobilités étant possibles en tant que CRCN. De plus, candidater n’est pas une sinécure : au moins un mois de travail cumulé, voire deux si vous êtes admis·e à l’oral – et c’est tout le mal qu’on vous souhaite. Du temps que vous ne pouvez donc pas consacrer à autre chose, comme vous investir dans un nouveau postdoc ou ne pas louper des occasions en or comme Christel Devaud : « En 2021, au lieu de préparer les concours, j’ai préféré me concentrer sur l’écriture d’un papier pour Science. Suite à une présentation devant l’éditrice, elle nous avait donné le feu vert pour soumettre, c’était exceptionnel ! ». Un papier qui a finalement été accepté directement chez une petite sœur de la célèbre revue et qui a certainement pesé dans la balance l’année suivante. 

Les alternatives

Si vous n’êtes pas particulièrement attaché au statut de fonctionnaire, d’autres possibilités de recrutement s’offrent à vous, qui ne passent pas par un concours mais restent sélectives : les chaires de professeur junior (CPJ, CDD avec accès favorisé aux concours de professeur des universités ou directeur de recherche, relire notre point de février 2022), les Inria Starting Faculty Position (ISFP, CDI contractuel), des postes de chercheurs contractuels dans les EPIC (CEA, Ifremer, Cirad…), des postes d’enseignants-chercheurs en CDI dans les écoles d’ingénieurs… la liste n’est pas exhaustive et on ne vous parle même pas des recrutements dans le privé !

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