Les organisations syndicales au secours des précaires

Les jeunes chercheurs en contrat court peuvent-ils trouver leur place au sein des syndicats ? Ces derniers sont-ils prêts à les défendre ?

— Le 6 mai 2022

→ Longue attente. Mathilde Maillard, fraîchement docteure, vient seulement de recevoir ses indemnités chômage avec quatre mois de retard. En cause ? Le manque d’information et la longueur de la nouvelle procédure imposée par le passage en janvier 2022 du CNRS en auto-assurance – on vous en parlait rapidement dans le dernier numéro de TMN vendredi.

→ Pas pour nous. Pas de réaction de la part des syndicats… Contacté par nos soins, le Snesup renvoie vers le SNCS qui lui-même n’en avait pas ouïe dire. Composés principalement de chercheurs permanents, les problématiques des doctorants, postdocs, vacataires et autres “précaires” semblent parfois leur échapper.

→ Prise en main. Faute de trouver leur place dans les organisations syndicales, certains déterminés se regroupent au sein de collectifs locaux. C’est notamment le cas de Nilo Schwencke à Paris Saclay ou de Benjamin Riviale, doctorant en science politique à Nanterre.

→ Unissons nos forces. Quand on y regarde de plus près, ces jeunes militants sont eux-mêmes souvent syndiqués. Et parmi les syndicalistes, certains regrettent la situation et souhaitent voir les précaires grossir leurs rangs. (Re)nouer des liens était donc un des objectifs des Assises de la précarité organisées à Paris fin mars – auxquelles j’ai assisté.

→ En appui. Premier constat : d’une université à l’autre, les relations entre précaires et syndicats varient du tout au tout, comme en témoignent les répondants de l’enquête lancée en amont des Assises. Les côtés positifs ? Une aide peut être apportée par les syndicats aux précaires : conseils techniques, soutien moral ou matériel, visibilité…

→ Par la pratique. Benjamin Riviale, secrétaire adjoint du CECPN (collectif d’enseignants-chercheurs précaires de Nanterre) également syndiqué et élu Snesup en a fait l’expérience : « Les liens entre collectifs et syndicats sont de plus en plus répandus. À Nanterre, nous avons lutté pour la contractualisation des doctorants et peu à peu “syndicalisé” nos pratiques. »

→ Trop radicaux. Mais dans d’autres cas, toujours selon l’enquête, les précaires voient leurs revendications balayées par les titulaires, ne sont pas les bienvenus pour siéger dans les instances ou sont en profond désaccord sur les modes d’action, notamment la rétention des notes effectuée régulièrement par des doctorants et/ou vacataires depuis 2019.

→ Merci patron. Mollesse, hypocrisie… des mots forts envers les syndicats sont ressortis de l’enquête et lors des Assises rue de Rome à Paris, crispant les débats. Aux tensions dues à la hiérarchie — les permanents sont souvent les employeurs des jeunes en contrat court — s’ajoutent des priorités qui s’opposent parfois.

→ Large spectre. Pour les permanents, c’est évidemment le temps long qui prime avec des revendications en conséquence : davantage de postes et moins de vacataires. Mais pour les autres, les besoins sont beaucoup plus impérieux, comme le constate Benjamin Riviale : « Au sein des précaires, on observe une extrême diversité des statuts. Avoir un contrat est souvent la priorité. »

→ Perspectives. Ce qui peut malgré tout les unir aujourd’hui ? « La précarité tire tout le monde vers le bas », analyse Philippe Aubry du Snesup, principal syndicat organisateur des Assises. Les précaires misent eux sur la coordination au niveau national « car nous avons finalement assez peu de contact avec les autres collectifs », regrette Benjamin Riviale.

 

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