Des simulations pas innocentes

07.11.2025 • N° 544 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE


Si tu vas à Rio

Suspens. Dans quelques jours s’ouvrira au Brésil la COP30, dix ans après les accords de Paris qui visaient à rester sous la barre d’un réchauffement global de 1,5°C  – un objectif malheureusement déjà obsolète. 

Assorti. En attendant le résultat des négociations, nous vous avons concocté – presque par hasard – un numéro dans le thème. Car s’il y a bien un secteur qui semble accélérer sans se préoccuper des limites planétaires, c’est celui du numérique et de l’IA.

Don’t wait and see. La recherche, notamment en développant des outils de simulation et de calcul intensif, a un rôle important à jouer. Comme je l’analyse cette semaine, elle reste tiraillée entre injonction à la performance et sentiment de responsabilité.

Bonne lecture, 
— Lucile de TheMetaNews

 PS. Vous êtes membre d’un comité ou d’une commission qui évalue les dossiers de vos collègues ? Nous lançons avec l’Eprist un sondage express (3 minutes !) sur l’évaluation à l’heure de la science ouverte. Répondez-y et partagez-le ! Un immense merci par avance.

Sommaire

→  ANALYSE  Le dilemme du calcul intensif
→  OUTIL Diminuer l’empreinte de votre labo
→  EXPRESS  Prévention des VSS, reproductibilité et livres ouverts
→  CHIFFRE  L’utilisation de l’IA dans la recherche
→  EXPRESS Votre revue de presse
→  ET POUR FINIR Type to act

TEMPS DE LECTURE : 5 ou 10 MINUTES

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ANALYSE

Le dilemme du calcul intensif

Le tsunami de l’IA générative plonge la recherche et spécifiquement celle qui repose sur le calcul intensif dans un choix cornélien entre performance et responsabilité environnementale.

     ↳ XXXL. Au Sud de la région parisienne, au sous-sol de l’Institut de développement et des ressources en informatique scientifique (Idris), seize armoires remplies de serveurs tournent à plein régime. Le supercalculateur Jean Zay, le plus puissant de l’Hexagone, réalise jusqu’à 126 millions de milliards d’opérations par seconde (…)

OUTIL

Diminuer l’empreinte de votre labo

Le scénario écolo. Proposé par Labos 1point5, l’outil Scénario 1point5 vous permet de simuler les réductions d’émission de gaz à effet de serre (GES) des mesures prises au sein de votre labo d’ici à 2030 : remplacement du système de chauffage, électrification du parc automobile ou achats d’occasion en font partie. Deux nouvelles mesures viennent d’ailleurs de s’ajouter à la liste : remplacer le plastique – relire notre analyse – et changer de régime alimentaire – en réduisant notamment fortement la viande. Ces simulations peuvent être réalisées sur le bilan GES de votre laboratoire.

EXPRESS

Pendant ce temps dans les labos

● Réplique imparfaite. Un nouveau type d’article débarque dans eLife : les Replication studies visant à vérifier des résultats déjà publiés – relire notre reportage sur les Replication games organisés par des économistes. La chercheuse Dorothy Bishop, bien calée sur le sujet – mais aussi sur Elon Musk, relire notre interview – n’est pas convaincue.

À livre ouvert. Comment étendre l’open access aux livres ? L’équation financière reste difficile à résoudre pour beaucoup – relire notre analyse – mais l’éditeur Taylor&Francis propose le financement collectif par des bibliothèques universitaires aux États-Unis, en Europe ou en Australie, ce qui a permis cette année l’accès ouvert et gratuit à 32 ouvrages.

Gender power. L’Observatoire des Violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur et la recherche publie un guide juridique sur les violences numériques dans l’ESR (lu dans leur newsletter d’octobre) et appelle à descendre dans la rue le 22 novembre, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences sexistes, sexuelles et de genre aux côtés de Nous Toutes.

● Mais aussi… La prédation dans le milieu de l’édition scientifique  : un billet signé Innocent Azilan, doctorant en sciences de l’information et de la communication et qui aborde notamment le sujet de MDPI, éditeur en zone grise – relire notre analyse

CHIFFRE

84%

Plus de huit chercheurs sur dix utilisent des outils d’IA – ChatGPT loin devant, suivi de DeepSeek, Gemini et Copilot – révèle une étude menée par la maison d’édition Wiley auprès de plus de 2400 collègues. La pratique prend de l’ampleur – ils étaient à peine six sur dix il y a un an – et devient plus fréquente : au moins hebdomadaire pour près de la moitié. Les utilisateurs les plus assidus sont en sciences physiques, basés en Asie ou en début de carrière. Leur motivation première serait de rester dans la course dans son domaine ou son organisation. Avec en parallèle des inquiétudes face aux hallucinations des IA, à la confidentialité des données, l’éthique ou le manque de transparence. L’IA générative est perçue comme pertinente pour la synthèse d’une grande quantité d’informations (par exemple des publications) mais pas du tout pour concevoir des hypothèses ou des protocoles.

EXPRESS

Votre revue de presse

Exil. Cinq chercheuses sont en train de quitter les États-Unis pour rejoindre les universités de Montpellier et de Toulouse, explique Ici (ex-France Bleu). La première vient d’arriver : Pleuni Pennings est écologue – qui est une vraie science comme le rappelle The Conversation – et témoignait de la peur qu’elle ressentait outre-Atlantique au micro d’Ici Hérault. La région se targue en parallèle de ses nouvelles installations d’astronomie au Pic du Midi, rapporte France 3.

Évincés. Aux États-Unis, l’inquiétude continue de régner parmi les scientifiques : les physiciens perdent leur voix au sein des instances de décision du Department of Energy qui finance de nombreuses infrastructures – dont les supercalculateurs dont nous vous parlions cette semaine – rapporte Science.

007. Au Canada, un ancien chercheur d’Hydro-Québec est accusé d’espionnage économique au profit de la Chine. L’Actualité revient sur son procès en cours. Pourtant, les scientifiques chinois coordonnent de plus en plus de collaboration internationale avec l’Europe, le Royaume-Uni ou les États-Unis, analyse Nature.

Censure. Laura Murphy, professeure spécialisée sur les droits humains à l’université de Sheffield Hallam, a été sommée d’arrêter ses travaux sur les Ouïghours, suite à des pressions chinoises, rapporte The Guardian. Le phénomène semble toucher d’autres établissements britanniques.

→ Passeport check. Face à la montée en puissance des paper mills – ces entreprises qui vendent une place d’auteur sur un papier déjà accepté, nous vous en parlions – vérifier l’identité des auteurs devient de plus en plus critique pour les revues, rapporte NatureChemistryWorld revient quant à lui sur les outils d’IA utilisés par les éditeurs – relire également notre analyse.

→ Just a comment. Vous connaissez certainement ces “letters to the editor”, plus des commentaires que des articles scientifiques, qui sont publiés sans peer review, parfois dans des revues prestigieuses. Leur nombre explose depuis l’arrivée de l’IA générative et des chercheurs viennent de montrer qu’elles proviennent en réalité d’un petit groupe de chercheurs. Un moyen simple et rapide de faire gonfler leur CV, comme l’analyse Science.

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TYPE TO ACT

Et pour finir…

Ainsi font, fond, fond… Voici une police de caractère qui fond comme la banquise.