
31.01.2025 • N° 480 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE
Star du petit écran
Je m’baladais. Ce lundi, alors que j’interrogeais des chercheurs venus protester devant le Collège de France contre les coupes budgétaires (nous vous en parlions dans TMN mercredi), je reconnus un visage familier. Celui de l’une des nombreuses chercheuses que j’ai eu l’honneur d’interviewer.
Positive attitude. Invitée de l’émission Quotidien en 2021, Ana-Maria Lennon s’était montrée très enthousiaste. Alors que certains avaient pu lui reprocher d’occulter les parties moins reluisantes de la recherche, elle s’en était expliquée dans nos colonnes : « Se plaindre, ça ne marche pas ».
Blanc et noir. Aurait-elle changé d’avis pour descendre ainsi battre le pavé ? À ma question, elle a répondu sans perdre sa bonne humeur : la biologiste trouve toujours génial le métier de chercheur mais l’admet : les conditions d’exercice sont de plus en plus compliquées.
Exigence. Adorer la recherche mais dénoncer ses dysfonctionnements, c’est aussi le credo de Dorothy Bishop. Reproductibilité, fraudes… ou plus récemment la présence d’Elon Musk à la Royal Society, elle ne laisse rien passer. Noémie l’a interviewée et nous livre cet entretien très riche à lire absolument.

Bonne lecture,
— Lucile de TheMetaNews
Sommaire
→ INTERVIEW Dorothy Bishop claque la porte de la Royal Society
→ ÇA VOUS A FAIT RÉAGIR Les Short Notes par Marc Le Bert
→ CHIFFRE Évaluation quanti, preuve à l’appui
→ EXPRESS Votre revue de presse
→ ET POUR FINIR Évaluation quanti, preuve à l’appui
TEMPS DE LECTURE : 5 ou 10 MINUTES |
℗ Contenu réservé à nos abonné·es
INTERVIEW
« J’ai démissionné quand j’ai compris que la Royal Society ne ferait rien contre Musk »
Chercheuse émérite en psychologie à Oxford, Dorothy Bishop dénonce depuis des années les mauvaises pratiques scientifiques. Elle vient de claquer la porte de la Royal Society britannique pour protester contre la présence d’Elon Musk.

Au mois de novembre 2024, vous avez quitté la Royal Society, l’équivalent britannique de l’Académie des sciences française. Le regrettez-vous ?
↳ « Aucunement, je suis encore plus satisfaite de ma décision aujourd’hui. J’ai quitté la Royal Society pour dénoncer la présence d’Elon Musk dans ses rangs et, depuis, son comportement n’a fait qu’empirer : il est chaque jour un peu plus extrême. Je suis donc très heureuse de ne plus être associée à une organisation dont il fait partie (…) »
ÇA VOUS A FAIT RÉAGIR
« Au centre français pour les 3R, nous avons créé une plateforme de Short Notes [ou micropublication, relire notre outil, NDLR] pour la diffusion libre de résultats qui n’ont pas trouvé leur place : des répétitions, des résultats positifs ou négatifs, en lien avec l’animal, mais pas seulement (…) La force de ces Short Notes ? Un format court en anglais (2000 mots et 2 figures max) et un peer review rapide (environ 1 mois) (…) L’une des deux premières Short notes a été consultée sur HAL plus de 300 fois !»
Marc Le Bert | Chargée de projet « Conception expérimentale et accès aux données ouvertes » au FC3R | Ingénieur de recherche CNRS au sein du Laboratoire Immuno NEuro Modulation à Orléans.
EXPRESS
Pendant ce temps dans les labos
● Surprise. Faut-il financer en priorité les recherches qui promettent de soigner le cancer ? C’est la question que se sont posée les auteurs de cette étude publiée dans Research Policy. Après avoir analysé 90 000 projets de recherche financés par le NIH étasunien et plus d’un million de publications en découlant, leur réponse est plutôt « non » : certains travaux ont des retombées inattendues pour des pathologies autres que celles visées au départ. La sérendipité existerait donc bel et bien, aussi en santé, relaie Nature.
● Détournée. Maintenant que vous lisez assidûment TheMetaNews, vous connaissez la liste des Highly Cited Researchers, publiée chaque année par Clarivate et récompensant les chercheurs les plus cités de leur discipline. Mais connaissez-vous son histoire ? Lauranne Chaignon a mené l’enquête auprès des créateurs de cette base de CV qui est devenue un véritable indicateur bibliométrique, utilisé notamment dans le classement de Shanghai. À lire dans la revue Quantitative Science Studies.
● Mais aussi… Les inscriptions aux concours Inrae pour des postes de chargés de recherche de classe normale sur profil sont ouvertes jusqu’au 4 mars ● En dehors des concours de la fonction publique, l’Institut Pasteur propose à destination des postdocs seniors (entre 2 et 16 ans d’expérience) des packs incluant poste et financements. Candidatez jusqu’au 28 février ●
CHIFFRE
97%
L’écrasante majorité (97%) des politiques d’évaluation se base sur la production scientifique. Des critères assez normatifs qui peuvent restreindre les opportunités des chercheurs, alertent les auteurs d’une étude publiée dans Nature analysant dans plus de 120 pays les conditions d’accès aux postes de professeur. L’utilisation d’indicateurs bibliométriques (nombre de publis, impact factor, position dans la liste des auteurs…) semble bien plus forte dans les pays du Nord global que dans ceux du Sud global, qui valorisent davantage des indicateurs qualitatifs comme l’impact sociétal, la qualité des publis ou le rôle des auteurs. Les journalistes de Nature écrivent également sur le sujet.
EXPRESS
Votre revue de presse
→ Antidépresseurs. Épuisement, symptômes dépressifs, voire abandon de thèse… Plusieurs doctorants subissent depuis plusieurs années le harcèlement moral de leurs encadrants ↯ au sein d’un labo de l’école Centrale Nantes, rapporte Mediacités.
→ Paraphe. Parmi les décrets signés par Donald Trump le jour de son investiture, l’un supprimait les politiques de promotion de la diversité. Les conséquences s’avèrent concrètes et immédiates dans les institutions scientifiques comme le NIH ou la Nasa, rapporte Science.
→ Coup d’accélérateur. Le Cern passe la seconde sur la science ouverte : celui-ci subventionnera les éditeurs de onze revues partenaires qui permettent de publier en accès ouvert, rapporte Nature. Un bel encouragement pour certains, un risque de hausse des frais de publication pour d’autres.
→ Autrui. La sociologue Caroline Guibet Lafaye se retrouve exclue du CNRS pour deux ans ↯, dont un avec sursis, révèle Marianne. La chercheuse qui aurait mis en danger la vie de personnes sur le terrain conteste la sanction devant le tribunal administratif.
→ Ethno. En sciences sociales, ne fait-on que valider ses hypothèses sur le terrain ? Bien sûr que non, répond l’anthropologue Didier Fassin au micro de l’émission À voix nue sur France Culture : l’enquête permet de « comprendre des choses qu’on n’avait même pas imaginées ».
→ Responsable. Face au changement climatique, tous les secteurs doivent se transformer, y compris la recherche. Les chercheuses Tamara Ben Ari et Aude Valade appellent dans une tribune au Monde à une convention nationale pour dessiner une recherche éthique ↯, alignée avec les impératifs écologiques et sociaux.
→ Cartons. L’écologue internationalement reconnu Thomas Crowther se fait lâcher par son employeur, l’ETH Zurich, qui ne renouvellera pas sa tenure track ↯, rapporte Nature. Accusé de diverses méconduites, il va devoir déménager son équipe d’une cinquantaine de personnes.
↯ : liens menant à des articles protégés par un paywall
SCIENCE OSÉE
Et pour finir…
Quand on voit la science partout, même dans les titres de romans érotiques.