Fin de vie nébuleuse pour Galaxie

Après presque vingt-cinq ans de bons et loyaux services (et quelques sueurs froides), la plateforme du ministère s’apprête à connaître une mue. Sortie dans l’espace.

— Le 29 mars 2024

Pour vous, utilisateurs et utilisatrices de Galaxie, la plateforme est le passage obligé pour toute candidature à des postes d’enseignants-chercheurs (on vous en beaucoup parlé cette année avec notre série concours), mais aussi pour la qualification ou les primes. Si monter son dossier représente un investissement de plusieurs semaines et une source de stress non négligeable, le recours à Galaxie en ajoute parfois une couche. Chaque année, que vous soyez candidats ou évaluateurs, les acteurs de l’ESR que vous êtes observent avec attention les éventuels bugs, notamment le jour de la clôture annuelle de la session synchronisée – qui a lieu cette année le jour même de la publication de cet article, le 29 mars à 16h pétantes. Mais tout cela va changer car Galaxie va progressivement laisser la place à une nouvelle plateforme.

« C’est un peu la préhistoire en terme de système d’information »

Fabrice Planchon

Aéropostale. « Galaxie n’est peut-être pas optimal mais a le mérite d’exister », estime Christophe Bonnet, secrétaire général du syndicat Sgen-CFDT. Fini le temps où les candidats devaient à leurs frais imprimer et envoyer des kilos de paperasse – publis incluses – par voie postale. Avec des risques : la légende raconte en effet qu’à la fin des années 1990, un jeune chercheur aurait vu toutes ses candidatures expédiées depuis l’Afrique du sud arriver hors délai suite à l’incendie d’un avion postal. L’objectif de la plateforme était donc évident : simplifier les procédures de recrutement des enseignants-chercheurs, comme le précisait le guide de Galaxie en 2010. Mais contrairement au Big Bang, cela ne s’est pas fait d’un coup d’un seul. 

Trous de vers. « Les premiers modules ont vu le jour en 2000 : Antares pour la qualification, Antee pour le recrutement des enseignants-chercheurs », rappelle-t-on au ministère et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR). Puis d’autres étoiles ont vu le jour : Fidis, Canopus, Vega… en tout quinze modules gravitent dans ce système qui baptisé Galaxie par les agents du ministère, non sans une certaine dose de poésie. Le développement informatique avait à l’époque été confié à l’entreprise GFI, devenue depuis INETUM, qui en assure aujourd’hui la maintenance. Au sein de la direction générale des ressources humaines (DGRH), la cellule Galaxie composée de six personnes se consacre à la “maîtrise d’ouvrage”. 

«  Le service de DGRH pour les enseignants-chercheurs n’est pas hors sol  »

Ministère de la Recherche

E = mc2. Mais la réalité est parfois à des années-lumière de la perception des utilisateurs : « C’est un peu la préhistoire en terme de système d’information », estime Fabrice Planchon qui n’a pas la langue dans sa poche. Ce professeur de mathématiques à Sorbonne Université a été vice-président de la CP-CNU lors de la mandature 2020-2023 (lire notre interview de la nouvelle présidente Anne Joulain) et est un des rares enseignants chercheurs à bien maîtriser le sujet : « La plateforme tourne sur des serveurs situés dans les sous-sols de la rue Regnault [dans les locaux du ministère de l’Éducation nationale, NDLR] », nous confie-t-il. Pour des raisons historiques, le service des personnels enseignants de l’enseignement supérieur et de la recherche dépend en effet d’une direction commune au MESR et au ministère de l’Éducation nationale : la DGRH.  Ce qui vous rappelle peut-être une époque où la recherche n’avait pas de ministère de plein exercice, d’où sa localisation dans le 13ème arrondissement parisien. 

Astrologique. « Depuis l’étoile Bêta d’Andromède, remontez vers le Nord, le long de deux étoiles, pour arriver à une tache diffuse : M 31 », conseille le site de l’Association Française d’Astronomie. Alors que notre Galaxie, la Voie lactée, contiendrait environ 100 milliards d’étoiles, la plateforme de l’ESR n’aurait à gérer “que” quelques centaines de milliers de candidatures par an. Pourtant, devant l’afflux massif des demandes supplémentaires générées par la Loi de programmation de la Recherche (LPR), notamment le doublement des candidatures au Ripec C3 comme l’expliquaient nos confrères de Campus matin, un énorme bug a frappé Galaxie à la toute fin de la campagne synchronisée 2022. En cause ? L’arrêt d’un des trois serveurs hébergeant la plateforme. La clôture et tous les jurys ont dû être reportés de plus d’une semaine. 

« J’étais désespérée : j’avais fait tout ce travail pour rien »

Viviane Pons

Petits caractères. En 2024, notre amas stellaire a connu un autre soubresaut concernant des candidats aux postes de professeur des universités. À partir du 6 février 2023, une nouvelle pièce devait être ajoutée aux dossiers de candidature : un arrêté de titularisation pour les maîtres de conférences. Ces derniers sont en effet désormais exemptés de qualification – encore une disposition de la LPR. Le hic ? L’espace candidat n’exigeait pas ladite pièce même si le site Galaxie livrait la marche à suivre en nota bene d’un encadré en bas de page : envoyer la pièce par email au service RH de l’établissement. Un détail que n’avait pas remarqué Viviane Pons, dont la candidature a été refusée deux jours après la clôture – c’était le 6 mars dernier, en dehors de la campagne synchronisée (késako ? lire notre encadré). 

Par la bande. Cette maîtresse de conférences en informatique que nous avions interviewée en mai 2021 a depuis obtenu un financement par l’ANR et décroché son HDR. Suite logique, elle candidatait cette année pour la première fois à des postes de prof mais a passé l’un des pires week end de sa vie : « J’étais désespérée : j’avais fait tout ce travail pour rien, mon dossier ne serait même pas lu par le jury… » En larmes dans son bureau, elle en parle sur les réseaux sociaux et entre en contact avec d’autres candidats dans son cas – six en tout. Prête à en découdre, elle contacte le service RH de l’université Paris Cité, qui en informe la présidence… et obtiendra finalement l’autorisation du ministère d’accepter la pièce manquante après la date de clôture : « Refuser des candidats sur des critères non scientifiques mettait à mal la crédibilité du concours », estime Viviane Pons. Tout est bien qui finit bien, donc, mais cette mésaventure restera longtemps dans sa mémoire.

« Galaxie n’est peut-être pas optimal mais a le mérite d’exister »

Christophe Bonnet, CFDT

Mue à venir. « Le service de la DGRH pour les enseignants-chercheurs et chercheurs n’est pas hors sol : il a un pied dans la théorie – avec notamment la conception des normes, directives et textes de cadrage pour les établissements – et l’autre dans la pratique avec l’accompagnement des établissements en matière de gestion RH et le pilotage des recrutements s’appuyant sur Galaxie », explique le ministère. La mise en conformité de Galaxie en regard des nouvelles réglementations, ainsi que des améliorations suite à des retours d’expérience d’utilisateurs font partie intégrante des missions du service, assure-t-on. Pourquoi, dans le cas précis des candidatures des MCF à des postes de professeur des universités, ne pas avoir ajouté une ligne pour charger la nouvelle pièce demandée ? « Nous avons été contraints par le temps (…) et n’avons pas pu matériellement engager les développements spécifiques requis, étant donné également la perspective prochaine de l’ouverture d’Odyssée à conduire en parallèle », répond le ministère. Prévu pour 2025 – en tous cas pour les premiers modules – Odyssée remplacera donc Galaxie très bientôt. Ce sera l’objet de notre second épisode.

Synchronisation des mises en orbite

Certains sont familiers avec le concept, d’autres moins : le recrutement des enseignants chercheurs se fait majoritairement via ce qu’on nomme dans le jargon la session dite “synchronisée”, avec un calendrier commun pour tous les établissements qui choisissent d’y participer. Pour les candidats, l’avantage est d’une part la simplicité du processus – plutôt que d’avoir des échéances différentes à chaque candidature mais aussi de pouvoir choisir en connaissance de cause s’ils sont admis – oh miracle – sur plusieurs postes, avec un système de file d’attente. En dehors de ce calendrier, les établissements peuvent également recruter via la procédure dite “au fil de l’eau” – qui représente environ un huitième des postes selon les données de la DGRH. Initialement prévue pour répondre à des besoins en cours d’année, elle est utilisée par certains établissements, notamment parmi les plus prestigieux, qui semblent vouloir faire cavalier seul. Bref, comme tout dans l’ESR, le sujet fait débat.

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