10.01.2025 • N° 474 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE
La qualité, plus que la quantité
De retour aux affaires. Après les congés, encore un peu écœuré·e des agapes de la période des fêtes ou toussant encore de la grippe qui vous a cloué au lit, vous vous interrogez peut-être comme moi sur le sens de votre métier et vos pratiques.
Fatigue informationnelle. Un des derniers sondages de la Fondation Jean Jaurès m’a interpellée : plus de la moitié des répondants se sentent stressés par un trop plein d’informations et découragés face au manque de suivi des sujets.
Bonne résolution. Alors en ce début d’année 2025 – que je vous souhaite la meilleure possible – c’est promis, je ferai tout pour ne pas vous noyer sous les actualités mais au contraire vous donner toutes les clés pour appréhender au mieux le sujet, ses conséquences et pourquoi pas des solutions.
Si loin et si proche. On commence avec un parfait exemple : le problème des paper mills qui vendent des articles déjà acceptés à des auteurs désespérés de remplir leur CV. Nous avons choisi pour vous l’experte du sujet Anna Abalkina, qui traque ces entreprises plus ou moins légales et analyse leur fonctionnement.
Bonne lecture,
— Lucile de TheMetaNews
Sommaire
→ INTERVIEW Anna Abalkina contre les paper mills
→ OUTIL Le bon éditeur LaTeX
→ CHIFFRE Les revues chinoises montent en visibilité
→ EXPRESS Votre revue de presse
→ ET POUR FINIR Autocitation record
TEMPS DE LECTURE : 5 ou 10 MINUTES |
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INTERVIEW
« Les paper mills représentent un danger »
Chercheuse en science sociale à l’Université libre de Berlin, Anna Abalkina étudie la corruption dans le monde académique et traque les fraudes dans la littérature scientifique. Elle vient d’être récompensée par Nature.
En quoi les paper mills représentent un danger ?
↳ Les paper mills [ou usines à papiers, si l’on veut le traduire en français, NDLR] sont des entreprises à but lucratif qui vendent à la demande le statut d’auteur au sein d’un article déjà accepté dans une revue. On pourrait se demander où est le mal, après tout les chercheurs payent bien des article processing charges (APC) pour publier dans certaines revues en accès ouvert. Mais le problème avec les paper mills n’est pas seulement que les auteurs d’une publication ne sont pas les auteurs réels des travaux. En effet, les articles vendus contiennent souvent des plagiats, des données manipulées ou fabriquées (…)
OUTIL
Le bon éditeur LaTeX
Bonne résolution. Pour 2025, vous avez décidé de vous mettre à LaTeX ? Ce langage permet de rédiger des documents courts (vos articles) ou plus longs (votre thèse) sans se préoccuper de la mise en forme (une balise “titre” suffit) et surtout d’insérer des formules mathématiques de toute beauté ainsi que votre bibliographie sans mauvaise surprise ! Quels logiciels utiliser ? L’éditeur en ligne Overleaf est peut-être la façon la plus simple de débuter ; il n’y a rien à installer et les commandes vous sont suggérées. Il n’est en revanche, comme nous l’ont fait remarquer plusieurs lecteurs, pas open source. De plus, lorsqu’on est sur un gros document comme une thèse, mieux vaut faire tourner le code en local. Pour cela, il suffit d’installer un éditeur LaTeX, dont beaucoup sont libres voire maintenus par les chercheurs eux-mêmes, comme par exemple TeXstudio ou LaTeX Workshop. Ce dernier, que présentait votre collègue Jérôme Lelong (professeur en maths à l’UGA), permet notamment de vérifier la syntaxe de vos commandes. On vous laisse consulter le tableau de comparaison de tous les éditeurs et choisir le vôtre. Bonne rédaction et… envoyez-nous votre beau manuscrit !
EXPRESS
Pendant ce temps dans les labos
● Jouer au Transformers. Le nombre d’articles publiés en accès ouvert progresse suite à la signature d’accords dits transformants qui, on vous le rappelle, consistent à transformer les abonnements que payent les bibliothèques pour l’accès aux revues en forfaits pour que les chercheurs puissent publier en open sans payer de frais de publication. C’est en tout cas ce qu’annonce Springer Nature après avoir analysé quelques-uns des 65 accords passés dans le monde depuis 2015. En 2024, 17 établissements français ont signé de tels accords dont le CEA, l’Université Paris Dauphine ou celle de Toulouse 3 Paul Sabatier.
● Case Prison. Comment quantifier la concentration de quelques auteurs dans certaines revues ? Des chercheurs chinois introduisent le Monopoly Index dans un article publié par le Journal of Informetrics. Cette mesure du “Monopoly de la publication” est notamment élevée dans des revues tels Nature, Science ou American Economic Review, montre l’étude.
● Mais aussi… Chercheur·se en sciences de la vie, vous souhaitez vous orienter vers le journalisme ? La bourse de l’European Molecular Biology Organization peut vous intéresser ● HAL possède depuis novembre dernier un site dédié regroupant son catalogue des formations ainsi que les ressources en ligne pour « gagner en efficacité et en expertise » ● Le consortium Couperin, qui négocie les abonnements avec les éditeurs scientifiques, organise son Printemps les 19, 20 et 21 mars à Paris ● Certain·es d’entre vous sont amené·es à publier des ouvrages chez des éditeurs grand public, vous aurez donc peut-être envie de consulter la carte des maisons d’éditions, médias, réseaux sociaux, points de diffusion appartenant au groupe Bolloré ●
CHIFFRE
× 10
Le nombre de revues chinoises possédant un impact factor supérieur à 10 a été décuplé en quatre ans : de 4 en 2018, la Chine est passée à 43 en 2022. C’est une des conséquences du plan national lancé en 2019 pour améliorer la qualité, la visibilité et la compétitivité des revues scientifiques locales, qu’analysent les auteurs d’un article de blog publié par The Scholarly Kitchen. L’objectif de cette politique ? Que les collègues chinois puissent accéder à la fois aux promotions et à la reconnaissance internationale tout en s’affranchissant des revues anglo-saxonnes, au coût non négligeable. Annoncée en novembre 2024, la seconde phase du plan prévoit de subventionner environ 400 revues – dont 50 “English Leading Journals” qui recevront plus que les autres – ainsi que des maisons d’édition nationales, pour un montant total de 166 millions de dollars sur cinq ans. Les revues chinoises réussiront-elles à attirer des auteurs étrangers ? Réponse dans quelques années.
EXPRESS
Votre revue de presse
→ Bientôt papillon. Plus de 1300 doctorants, postdocs ou jeunes permanents appellent dans Libération à une métamorphose socio-écologique de la recherche. Dénonçant l’ultra-compétitivité ou la précarité des débuts de carrière, ces jeunes chercheurs prônent au contraire sobriété et interdisciplinarité pour répondre aux enjeux climatiques. Une tribune notamment signée par Mathieu Bouffard que nous avions interviewé.
→ Nouvel équilibre. La communauté scientifique grossit sur Bluesky, une des alternatives au réseau social X que David Chavalarias évoquait dans notre interview fin 2024. Science évoque les différences entre les deux plateformes, notamment en termes d’algorithme du fil d’actualité ou de nombre d’utilisateurs, qui déstabilisent certains chercheurs dans un premier temps mais qui s’avèrent également des forces.
→ Symbolique. En pleine cérémonie de remise des diplômes à l’Institut d’optique, une jeune ingénieure a déchiré le précieux papier, accusant la recherche scientifique de servir l’industrie de l’armement. Elle explique son geste en détail dans un article de blog hébergé par Mediapart, citant notamment le mathématicien Alexandre Grothendieck dont nous parlions également dans ce papier sur les chercheurs qui estiment que la recherche fait plus de mal que de bien.
→ Dangereuse détente. Un docteur qui fait de la recherche de haut niveau ne peut pas être alcoolique, n’est-ce pas ? Si elle reste tabou, la consommation de drogue et d’alcool fait aussi partie du monde académique, notamment dans les colloques. Nature explore les initiatives pour sortir les chercheurs de cette mauvaise passe ↯.
→ Dialecte social. Utiliser un mot plutôt qu’un autre n’est pas sans conséquence, notamment en recherche où le jargon joue un rôle primordial. C’est notamment ce que révèlent les phrases torturées, souvent révélatrices de plagiat. Chercheur associé à Sciences Po, Guillaume Levrier analyse dans The Conversation les implications de telles tricheries pour la communauté scientifique.
→ Ruissellement. Chercheurs, êtes-vous devenus des entrepreneurs ? Face à la nette priorité donnée par les politiques publiques à l’innovation, moteur de partenariats et de croissance économique, l’émission Entendez-vous l’éco ? sur France Culture s’interroge sur les conséquences pour le savoir et le travail des chercheurs.
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AUTOCITATION RECORD
Et pour finir…
Voici ce qui arrive lorsqu’un chercheur s’autocite un peu (beaucoup) trop…